Le peintre André Sartène ne se contente pas de prendre au vol pour la fixer sur la toile la physionomie du bourgeois Achille Patarin ; il a pris aussi à ce nouveau riche sa maîtresse, la gentille Nane, et les deux amoureux espèrent roucouler à l’aise pendant un mois en l’absence de Patarin. Or, ce dernier a imaginé d’offrir à Nane un mari en location, nommé Mézaize ; ce couple fictif ira passer un mois de vacances dans la villa bretonne d’une certaine baronne Skatinkolowitz, où Patarin et sa femme doivent se trouver en villégiature. Or, voici que dans l’atelier du peintre arrive une petite personne pétulante qui a ébauché une intrigue avec Sartène : c’est une jeune fille ultra-moderne ; elle demande sa main au peintre abasourdi. Nouvelle surprise de ce dernier lorsqu’il apprend que cette évaporée est Colette, la fille même de Patarin. Et Colette décide de faire inviter André en Bretagne par la très complaisante baronne. Tel est le premier acte limpide et joyeux de la pièce.
Tout ce monde, nous le revoyons dans le manoir de la bonne hôtesse, pour qui toutes ces opérations, tous ces rendez-vous, sont, vous vous en doutez, prétextes à pourcentages. Et maintenant, nous n’avons plus qu’à enregistrer les résultats de l’imbroglio : colère de Nane dès qu’elle apprend qu’André est chargé par la baronne d’amadouer Patarin en faveur d’un vidame de la région qui doit épouser Colette ; déconvenue de Colette quand lui est révélé le nom de la maîtresse du peintre qu’elle aime sincèrement ; et fureur de Patarin quand il se sait trompé. Mais, au troisième acte, Colette et André se réconcilient ; il ne s’agit plus pour Patarin que d’obtenir le pardon de sa femme, de dissimuler à sa fille le rôle fâcheux qu’il a joué, et d’accorder la main de cette dernière à André.
Notre avis : Se replonger dans le passé de la comédie musicale française, avec des œuvres de l’entre-deux-guerres comme ce Gosse de riche, se confirme être un pur délice. Encore faut-il que, à l’instar du travail de titan mené par les Frivolités Parisiennes et l’Apéro Grands Boulevards, lesdites œuvres soient travaillées avec soin et présentées avec une réelle exigence. Le public peut alors se divertir avec cette histoire rondement menée où la grivoiserie se dispute la première place avec des rebondissements très moraux (enfin, avec une conception très particulière de la morale, telle que peut la présenter la Baronne, particulièrement dessalée). Il peut également se régaler en appréciant le ton, le texte (légèrement remanié pour inscrire la trame dans les années 50 pour cette comédie musicale de 1924), une plume particulière, pétillante, spirituelle et savourer une partition fort intéressante, pétrie de références, qui reflète toute une époque. Et difficile de ne pas savourer cette partition grâce au travail de la vingtaine de musiciens présents. Les protagonistes s’amusent vraisemblablement de ce grand huit où les femmes tiennent la dragée haute aux hommes, cabotinant comme il le faut afin de mieux séduire le public. Comédie musicale féministe présentant un héros artiste mou du genou, où l’argent est un moteur, où les sentiments s’égarent parfois dans les décolletés et où une « gosse de riche » prend les choses en main en choisissant qui aimer et imposant ce choix à ses parents à l’issue d’une course poursuite sentimentalo-érotique rocambolesque. La mise en scène, à la scénographie dépouillée mais efficace, joue de tous les codes du genre avec de discrets clin d’œil notamment à Funny Face (l’affiche s’en fait l’écho) et, notamment, la séquence dans le laboratoire photo du héros.
Une œuvre divertissante, pétillante et de nature à inspirer les plumes contemporaines dans ce qu’elle propose de répliques inspirées, malicieuses et de musiques qui permettent de mieux saisir l’évolution du paysage musical dans cet art si particulier. Autant dire que nous attendons la prochaine production avec hâte et ne saurions que trop vous conseiller d’aller vous amuser à ce Gosse de riche en cas de reprise (vivement souhaitée).