1759 — un village écossais, loin des guerres du continent, un château en déshérence, hanté par un fantôme, des paysans loyaux mais crédules, une orpheline courageuse, un soldat amnésique et chevaleresque, un intendant cupide, un juge corrompu : tels sont les protagonistes d’une intrigue où se succèdent apparitions fantastiques et coups de théâtre.
Avec son 26e opéra-comique, Boieldieu enthousiasma Rossini, Weber et Wagner. La Dame blanche fut le premier titre de l’Opéra-Comique à atteindre 1000 représentations et connut un succès mondial et durable, jusqu’à inspirer la fin du Trésor de Rackham le Rouge à Hergé.
Notre avis : Créée à l’Opéra-Comique en 1825, La Dame blanche est restée très populaire jusqu’au premier quart du XXe siècle. Hergé, parsemant ses albums de la culture de son enfance, fit même chanter à Tintin, en état d’ivresse, dans Le Crabe aux pinces d’or, l’air de Jenny « Prenez garde, prenez garde, la Dame blanche vous regarde ». Le livret ne manque pas de sensation et la musique est superbe. Mais depuis plus de cinquante ans, les représentations se font beaucoup plus rares.
L’histoire se passe dans un village écossais où un jeune soldat du nom de Georges Brown revient sur les terres de son enfance dont il n’a que de vagues souvenirs. Au village, on attend avec inquiétude la vente du château des Avenel dont l’héritier, Julien, a disparu depuis longtemps. Gaveston, l’ancien intendant du château s’en porte acquéreur, mais les villageois veulent l’en empêcher, espérant toujours le retour de Julien. Ils remettent tous leurs espoirs entre les mains de la mystérieuse Dame blanche, un fantôme qui arpente les remparts la nuit…
Le village dans la montagne écossaise et le château isolé sont très bien figurés par les beaux décors d’Emmanuelle Roy, qui sont agrémentés de projections vidéo donnant une belle profondeur au plateau. Les lumières de Jean-Luc Chanonat plongent le château dans une semi-pénombre qui nous maintient, durant tout le spectacle, dans une ambiance inquiétante. La mise en scène de Pauline Bureau accentue l’aspect mystérieux de l’intrigue par quelques jolis effets, mais malheureusement trop peu nombreux, et les ressources du dispositif scénique ne sont vraiment exploitées qu’au troisième acte. L’ensemble reste un peu trop statique, les mouvements du chœur se réduisent à des entrées et sorties de scène, et ceux des solistes ne sont pas beaucoup plus variés.
Mais l’esthétique est très réussie et la distribution est à la hauteur des exigences musicales de l’œuvre. Philippe Talbot assure de bout en bout une partition de ténor écrasante et apporte à Georges Brown la vaillance et le romantisme nécessaires. Il forme avec la soprano Elsa Benoit, Anna touchante et déterminée, un très beau duo. Autour d’eux, Aude Extrémo marque les esprits par sa voix de mezzo puissante et chaleureuse, et le ténor Yann Beuron (Le Roi Carotte) est un excellent Dickson : la voix est toujours aussi brillante et l’aisance scénique remarquable. Dans la fosse, Julien Leroy dirige tout en nuances l’Orchestre national d’Île-de-France et assure un accompagnement solide pour le chœur Les Éléments et les solistes.
Avec cette nouvelle production, l’Opéra Comique offre de très belles conditions pour redécouvrir la musique magnifique de François-Adrien Boieldieu et le livret plaisant d’Eugène Scribe, qui n’avaient pas été donnés depuis 1997 dans cette salle. Souhaitons qu’il ne faille pas attendre encore plus de vingt ans pour revoir la Dame blanche hanter les couloirs de la salle Favart !