« Triomphe absolu », « chef‑d’œuvre », « film de l’année »… Il est difficile de découvrir La La Land sans a priori après des critiques aussi dithyrambiques, un bouche-à-oreille si enthousiaste et une promotion qui a déjà décrypté la moindre référence du nouvel opus de Damien Chazelle (Whiplash). Entre les Golden Globes obtenus et avant le déluge d’Oscars attendu, comment se forger une opinion affranchie de l’adhésion collective quasi unanime ? Sans doute en se laissant porter et en évitant de trop l’intellectualiser. L’ouverture et l’épilogue justifieraient à eux seuls le déplacement tant ils associent maîtrise technique, poésie et virtuosité. Entre les deux, l’histoire d’amour peut paraître simpliste, mais ce serait oublier qu’on y parle aussi de la confiance en soi, de la condition d’artiste et de la difficile conciliation entre rêve et réalité. On y parle aussi d’art, et tout particulièrement du septième. En effet, tout le monde l’a relevé, La La Land fourmille de références et d’hommages en tous genres, mais aussi à tous domaines. On y sent constamment l’inspiration de Demy, Minnelli ou Donen dans les séquences musicales, mais aussi d’Edward Hopper pour l’ambiance et la photographie, ou Michel Legrand dans la musique, pour n’en citer que quelques-uns. Loin d’être pontifiant, Chazelle convoque ses clins d’œil avec admiration, respect et une bonne dose d’humilité ; il n’est donc pas indispensable de posséder toute la culture d’un cinéphile averti pour apprécier le film. En outre, en reprenant les codes classiques sans nostalgie, il réussit le pari de réaliser une œuvre d’une modernité indéniable, notamment grâce au couple Emma Stone-Ryan Gosling, parfait jusque dans (ou grâce à) ses imperfections. Il ne les transforme pas en Cyd Charisse ou Fred Astaire mais leur en insuffle juste l’esprit, en n’oubliant jamais d’instiller de l’humour dans son traitement. La réussite du film provient sans doute justement de l’harmonie entre la réalisation ciselée, les références assumées aux chefs‑d’œuvre et le recul pris vis-à-vis de ces derniers. Enfin, on ne peut évidemment pas évoquer La La Land sans parler de la musique, centrale dans le fond et dans la forme. Justin Hurwitz signe une bande originale assez époustouflante qui oscille elle aussi entre l’âge d’or du musical et les sons actuels. Les mélodies entêtantes rythment le propos avec pertinence et enchantent la romance. Peu de bémols donc pour un film que d’aucuns considèrent d’ores et déjà comme un phénomène.