D’où vous est venue l’idée de transformer le Publicis Cinémas en music-hall ?
Tout a commencé lorsque j’ai découvert voilà un an, et un peu par hasard, le spectacle d’Isabelle Georges Oh là là ! à La Nouvelle Ève. Je précise que c’était d’ailleurs grâce à votre site que je suis allé dans ce lieu incroyable. Ce concert m’a transporté, la présence d’Isabelle m’a procuré un trop plein d’émotions, j’avais les larmes aux yeux. J’ai eu le sentiment d’être passé par tout un spectre d’émotions qui devait être le même que si j’avais vu sur scène Liza, Judy, Barbra.
Cela a donc réveillé votre appétence…
À la base, je suis sensible à ce genre de performance et, plus largement, à la comédie musicale. Mon premier 33 tours fut celui de My Fair Lady, que j’écoutais en boucle. Après avoir eu mon CAP de projectionniste, le premier film que j’ai projeté en 35 mm était Cabaret de Bob Fosse. Je ne vous dis même pas le coup de cœur que j’ai eu pour ce film et pour les films musicaux, y compris ceux de Lelouch, qui semble aimer le genre. Les Uns et les Autres en est un exemple. J’avoue également que les séances musicales du dimanche pour lesquelles vous êtes partenaires a joué aussi, en entendant répéter Le Chœur à l’Horizon qui assure la partie live des séances. Je suis comme un enfant émerveillé. En bref, je pense que j’étais mûr !
Vous avez donc décidé de franchir le pas…
Pour cela, je reviens au spectacle de La Nouvelle Ève et aux sensations qui y sont liées. Elle dégage une telle énergie, des ondes positives. Quand je suis rentré à la maison, j’étais sonné, sur un petit nuage. Sur mon canapé, je me suis dit qu’il serait incroyable d’assister à ce spectacle confortablement assis dans un bon fauteuil, par exemple ceux de mon cinéma ! L’idée a donc éclos le soir même, en sortant du spectacle. Après, j’ai hésité : c’est prendre un vrai risque que de transformer la salle 1 du Publicis Cinémas et je ne suis pas seul à décider. J’ai rencontré Isabelle, Frederik et son équipe, pour évoquer cette idée sans lui assurer qu’elle se concrétise. Elle a tout de suite été emballée pour relever le défi. Chanter dans une salle de cinéma, c’est inédit pour elle, mais revêt un sens particulier car les comédies musicales, elle en a vu beaucoup en salle, cela avait donc symboliquement un certain sens. J’ai mis six mois avant d’oser en parler à ma direction, après avoir étudié la faisabilité de la chose. Je ne remercierai jamais assez Franck Jeantet, directeur général du Drugstore, d’avoir accepté cette idée folle, totalement farfelue, de fermer les deux salles de cinéma pendant trois semaines afin d’accueillir au mieux cette version inédite de Oh là là ! En juin, tout était acté. À ma grande surprise, cette série de concerts est devenue l’événement de fin d’année du Drugstore.
Avez-vous eu des doutes ?
Non ! À partir du moment où j’ai osé franchir la porte de Franck Jeantet, j’avais mis un pied en avant et, pour garder mon équilibre, il fallait que l’autre le rejoigne et que j’avance. Depuis le début, mon envie, déjà forte, n’a fait que s’amplifier. Je me suis donc totalement engagé, j’ai tenté de séduire tout le monde avec cette proposition. Je pense que ma flamme était communicative. Je savais que je n’allais pas me tromper, que les gens auraient envie de le partager, et c’est ce qui se passe. Ce spectacle, c’était ce qu’il me fallait à ce moment de ma vie.
Vous avez une des plus belles salles de Paris.
Je suis particulièrement fier, en tant que directeur du Publicis Cinémas, d’avoir obtenu le label excellence de la Commission supérieure technique pour la grande salle de 400 places. Ce label technique honore des salles aux conditions de projection parfaites. C’est la seule salle d’exploitation à Paris à l’avoir. Et voilà que je trouve le moyen de la fermer pour proposer un spectacle !
Quelles furent les transformations ?
Nous avons supprimé le premier rang, caché l’écran, agrandi la scène d’un proscenium, installé une régie pour piloter le système sonore idoine et les jeux de lumière… En fait, le contenu d’un semi-remorque est dans la salle ! Sans le soutien de Jean-François de la société Aquila, nous n’aurions pas pu mener à bien cette aventure. J’avais envisagé de modifier la façade depuis un moment, c’est chose faite pour ce spectacle avec un écran LED qui scintille comme le marquis d’un théâtre de Broadway ! Pour accueillir le public, qui se trouve dès son arrivée plongé dans un univers musical par le biais d’une bande-son, nous avons installé un petit bar pour boire un verre avant le spectacle. Je dois dire également que toute l’équipe du cinéma, du projectionniste à la caissière, s’est pris au jeu et soutient le spectacle. Je leur en suis très reconnaissant : c’est vraiment un travail d’équipe.
Vous aimez les défis ?
Ah ça oui ! Le travail de directeur de salles est spécifique, je suis souvent enfermé dans mon bureau à gérer le cinéma. Alors oui j’ai besoin de “prendre l’air” et ce d’autant plus après le Covid. Offrir au spectateur autre chose qu’une séance, cela me motive. C’est pour cela que j’ai proposé divers rendez-vous comme Les Cultissimes de Laurent Duroche, Le Cinéma par Philippe Rouyer, Les Musicales de Rémy Batteault, Opéras & Ballets. Nous accueillons également le festival du Film Coréen qui est à chaque édition un grand succès, c’est une grande fierté. Des représentations de la Comédie-Française ont également ouvert mon esprit et titillé mes envies. Pour tout vous dire, voilà quelques années, j’ai vécu diverses expériences dans le monde du théâtre. Le retrouver, toute proportion gardée, avec le spectacle d’Isabelle Georges me replonge dans une époque particulière de ma vie. Je retrouve l’exigence, le travail sans cesse remis sur l’ouvrage, les ajustements à faire après chaque représentation… Quel bonheur !
Isabelle Georges rend hommage au cinéma dans sa première chanson inédite.
Elle ne m’en avait pas parlé, je l’ai découverte le soir de la première. Quelle belle surprise ! Cette chanson résume bien Isabelle et toute sa troupe : élégante, chic, pétillante, toute en finesse. Nous sommes vraiment heureux de les accueillir, de voir le bonheur qu’ils diffusent au public. Et cela m’amuse de penser que c’est la première fois que ce cinéma, qui existe depuis des décennies, propose un spectacle musical. Oh là là ! évolue constamment, d’une salle à l’autre. Je suis heureux que le Publicis Drugstore en soit l’une des étapes.