Le Docteur Miracle (Critique)

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opérette de Georges Bizet
livret de Léon Bat­tu et Ludovic Halévy
direc­tion musi­cale: Françoise Tillard
Mise en scène: Renaud Boutin

avec:
Clemen­tine Bour­goin : Laurette
Mar­i­on Gomar : Véronique
Renaud Boutin : le Podestat
Charles Mes­rine : Paquin/Silvio

Françoise Tillard piano
Francine Tra­chet : violon
Eti­enne Lamai­son : clarinette

RésuméLau­rette et Sil­vio, fringant cap­i­taine de la gar­ni­son de Padoue, sont amoureux. Mais le père de la jeune fille, le Pode­stat de la ville, s’oppose caté­gorique­ment à leur mariage. C’est sans compter sur les tal­ents de comé­di­en et de cuisinier du rusé pré­ten­dant. A l’occasion d’une fête foraine qui plante ses tréteaux sous les fenêtres du palais, Sil­vio, sous le déguise­ment d’un inquié­tant char­la­tan, se jouera de l’autorité pater­nelle et de ses angoiss­es hypocon­dri­aques, faisant tri­om­pher le seul vrai mir­a­cle qui soit : celui du théâtre et de l’amour.

Notre avis: Afin de révéler de nou­veaux tal­ents, Jacques Offen­bach, alors com­pos­i­teur à suc­cès et directeur du théâtre des Bouffes-Parisiens, décide d’organiser à l’été 1856 un con­cours d’opérette dans lequel de jeunes com­pos­i­teurs ont pour objec­tif d’écrire la musique d’un livret écrit par Léon Bat­tu et Ludovic Halévy : Le Doc­teur Mir­a­cle. Par­mi les soix­ante-dix-huit can­di­dats, deux rem­por­tent le pre­mier prix ex-aequo : Charles Lecocq (24 ans) et Georges Bizet (18 ans). Les deux œuvres seront jouées en alter­nance en avril 1857 mais seront un échec, quit­teront l’affiche après seule­ment onze représen­ta­tions cha­cune et som­breront dans l’oubli. Si Charles Lecocq con­tin­uera avec suc­cès dans le domaine de l’opérette com­posant entre autres la fameuse Fille de madame Angot, Georges Bizet délais­sera ce réper­toire pour se tourn­er vers l’opéra et l’opéra-comique.
Cette pièce en un acte s’articule autour d’une trame vaude­vil­lesque très clas­sique. Un père s’oppose à l’union de sa fille avec un mil­i­taire dont elle est amoureuse. Les jeunes amants refu­sant de se pli­er à l’autorité pater­nelle vont user de sub­terfuges pour réus­sir à se voir à la barbe du père et de la belle-mère. L’intrigue est sim­ple et con­v­enue mais très effi­cace. Le texte est écrit avec élé­gance et les effets et rebondisse­ments très bien tournés.
La mise en scène de Renaud Boutin s’appuie sur une esthé­tique très forte inspirée des tableaux de René Magritte qui par l’absurde met en valeur l’aspect théâ­tral de l’œuvre. Les musi­ciens sont les pre­miers à inter­venir, ils présen­tent l’œuvre puis pénètrent lit­térale­ment dans le décor pour s’y inté­gr­er et se fon­dre dedans. De sim­ples pho­tos rem­pla­cent cer­tains acces­soires alors que d’autres, plus imposants comme un cadre de tableau, un trône, un escabeau ou une lampe ser­vent à définir l’espace. Les lumières douces et chaleureuses de Pierre Daubigny dans le cadre mag­nifique du théâtre du Ranelagh finis­sent de don­ner au spec­ta­cle une touche poé­tique très belle.
Pen­dant l’ouverture musi­cale, les comé­di­ens posent l’intrigue par le biais d’une scène mimée par­ti­c­ulière­ment belle et réussie. Ensuite cha­cun développe son per­son­nage au gré des sub­til­ités du livret et de la musique. Tous inter­prè­tent avec beau­coup d’humour et de pré­ci­sion des per­son­nages hauts en couleur : Renaud Boutin en pode­stat autori­taire et naïf et Mar­i­on Goumar dans le rôle de Véronique, l’épouse du pode­stat, Clé­men­tine Bour­goin dans celui de Lau­rette, la jeune ingénue et Charles Mes­rine en Sil­vio, le jeune cap­i­taine amoureux de Lau­rette. Ce dernier dévoile avec l’évolution de son per­son­nage une large palette de jeu faisant preuve d’autant d’aisance dans la bêtise de ses pre­mières inter­ven­tions que dans le roman­tisme de son duo avec Laurette.
La qual­ité théâ­trale s’accompagne d’une qual­ité musi­cale remar­quable. Les solistes rivalisent de tal­ent et les trois musi­ciens (Françoise Tillard au piano, Francine Tra­chet au vio­lon et Eti­enne Lamai­son à la clar­inette) délivrent un accom­pa­g­ne­ment riche et équili­bré offrant au pub­lic d’excellentes con­di­tions pour décou­vrir cette œuvre. Par­mi les pépites musi­cales, on retien­dra surtout le quatuor de l’omelette véri­ta­ble point d’orgue de la pièce.