À travers les souvenirs d’une Vienne intemporelle, Anatole nous emmène de 1910 à 1990 dans le tourbillon du jeu de l’Amour. En adaptant Schnitzler et en lui donnant pour compagnons de voyage les plus célèbres airs d’Offenbach, Tom Jones nous donne ici à voir cinq « victimes » de cet avantageux tableau de chasse. Femmes désirées, conquises ou fantasmées, qu’importe qu’elles aient toutes le même visage puisqu’elles ne sont que les facettes de la femme idéale, rêvée par Anatole.
Notre avis : Au premier abord, Le Jeu d’Anatole est un spectacle un peu déroutant ; construit en saynètes, on assiste plus à succession de tranches de vie qu’à une réelle histoire. Hormis les deux protagonistes principaux, qui sont toujours les mêmes, on a du mal à faire le lien entre les scènes. Mais petit à petit, on se laisse prendre au jeu (c’est le cas de le dire !) et l’on comprend vite que tout tourne autour d’un seul et même thème : le rapport d’un séducteur avec les femmes. Le personnage évolue, mûrit, vieillit, et son histoire qui s’étale sur tout le XXe siècle, au travers de ses conquêtes, n’est qu’une réflexion sur la séduction, voire une quête de la femme idéale.
La scénographie de Natacha Markoff arrive, par des éléments de décors évolutifs, à transformer le plateau en quelques secondes pour faire des sauts de vingt ans en vingt ans au fil du spectacle. Elle parvient à retranscrire parfaitement l’atmosphère d’une époque, que ce soit l’austérité des années 30 ou le psychédélisme des années 70.
Gaétan Borg et Yann Sebile interprètent Anatole et Max avec une telle sincérité qu’ils rendent l’amitié indéfectible des deux personnages très touchante. Mais c’est surtout Mélodie Molinaro et Guillaume Sorel qui ont l’occasion de faire une démonstration de leur talent en interprétant une grande variété de personnages. La première endosse les rôles de toutes les femmes séduites par Anatole ; tantôt retenue, tantôt délurée, elle donne une réelle profondeur à tous ses personnages, même les plus fantasques. Guillaume Sorel, lui, joue les utilités avec discrétion et finesse, et finit en apothéose avec un octogénaire particulièrement truculent.
Les musiques des chansons sont toutes puisées dans le répertoire d’Offenbach sur lesquelles de nouvelles paroles ont été écrites. La plupart des mélodies sont extraites de La Périchole, mais on y retrouve aussi l’air du Brésilien de La Vie parisienne, « Le Jugement de Pâris » de La Belle Hélène ou encore la Barcarolle des Contes d’Hoffmann… Les adaptations musicales collent aux époques. Elles sont aussi bien réussies dans le style des chansons réalistes de l’entre-deux-guerres que dans le rock électrique façon Queen des années 70. C’est la grande originalité de ce spectacle. Tout cela est fait dans le même état d’esprit qu’Elvis Presley chantant « Tonight Is So Right for Love » sur la Barcarolle dans le film G.I. Blues et cela fonctionne très bien. Les textes sont soignés et l’accompagnement au clavier de Sébastien Ménard s’intègre parfaitement à la mise en scène d’Hervé Lewandowski.
Vous aussi, laissez-vous séduire par Anatole !