Musique & lyrics : Stephen Sondheim
Livret : James Goldman
Mise en scène : Dominic Cooke
Avec Imelda Staunton, Philip Quast, Julie Armstrong, Norma Atallah, Josephine Barstow, Jeremy Batt, Tracie Bennett, Di Botcher, Billy Boyle, Janie Dee…
Résumé : Le célèbre musical de Sondheim et Glodman est monté pour la première fois au National Theatre avec une distribution de 37 artistes et 21 musiciens.
Notre avis : Quand un théâtre reconnu pour la qualité de ses productions rencontre un génie de la comédie musicale, le résultat laisse rarement à désirer. De fait, Follies de Sondheim au National Theatre est l’attraction de la rentrée à Londres. L’œuvre est dans le plus pur style du maître, mêlant numéros à grand spectacle et interprétations intimistes, chantées-parlées, gorgées de lyrics qui claquent comme des notes de musique. Comme souvent chez Sondheim, l’intrigue est sombre, faite d’espoirs de jeunesse déçus et d’issues malheureuses. Follies est “le cirque de la vie” avec ses acrobates et ses clowns tristes. L’énorme scène ronde rotative du National Theatre, qui porte les enseignes lumineuses d’un glorieux passé, en est la piste brillante.
La troupe, doublement nombreuse puisque chaque personnage est complété par son alter ego jeune, réalise à la perfection ces jeux de miroir où le présent croise délicatement le passé pour, petit à petit, lever le voile de l’intrigue. Les “vétérans” inspirent le respect par leur personnalité et leur voix bien trempée, sonnant juste et surtout vraie. Le duo opératique des Heidi, “One More Kiss”, est particulièrement émouvant du fait de l’âge avancé de l’aînée — promotion Weismann de 1918 — et de l’actrice qui l’interprète, Josephine Barstow, 76 ans et à peu près le double en décibels ! Le public redouble aussi d’applaudissements après les hits “Broadway Baby” et “Losing My Mind”. Enfin, on sent la salle retenir son souffle quand Imelda Staunton et Philip Quast (triple Olivier Award), dans les rôles principaux de Sally et Ben, tentent de ressusciter un passé largement idéalisé. Décidément, après Gypsy et Qui a peur de Virginia Woolf ?, Imelda Staunton se complaît dans les rôles de femmes éternellement insatisfaites tentant trop tard un bain de jouvence. Encore cette fois, elle finit sur les rotules dans un final aussi pathétique que grandiose.
Follies fait aussi revivre les feux de la rampe dans des scènes de revue dignes de 42nd Street et Chorus Line. Outre le jubilatoire « Who’s That Woman? » tout en danse à claquettes, le show se termine par un enchaînement de saynètes multicolores nous replongeant au temps du Ziegfeld Follies de façon spectaculaire.
Un brin élitiste du fait de la subtilité de l’intrigue et de la partition, Follies reste accessible à qui sait se laisser porter par une narration que l’on peut qualifier d’impressionniste et agrémentée de grands tableaux divertissants. La production au National Theatre est certainement une occasion de voir ou revoir l’oeuvre dans des conditions optimales.
[relire aussi notre critique de Follies à Toulon, 2013]