Girl from the North Country

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Belasco Theatre — 111 West, 44th Street  — New York 10036.
Le site du spectacle.

Notre avis : Si le titre de la nou­velle comédie musi­cale Girl from the North Coun­try peut paraître fam­i­li­er, c’est tout sim­ple­ment parce qu’il a été emprun­té à une chan­son écrite en 1963 par Bob Dylan. Ce n’est d’ailleurs pas la seule, puisque la pièce, qui vient de démar­rer à Broad­way, a puisé dans son réper­toire et en a util­isé une ving­taine d’autres, toutes com­posées par le plus cryp­tique et orig­i­nal créa­teur de la chan­son pop­u­laire améri­caine, y com­pris des airs con­nus comme « Slow Train », « Like a Rolling Stone », « All Along the Watch­tow­er », « I Want You » et « For­ev­er Young » ; et d’autres qui le sont moins, tels « Tight Con­nec­tion to My Heart », « Make You Feel My Love », « Sweet­heart Like You », et « Duquesne Whis­tle ». Le rap­port entre ces chan­sons et le déroule­ment de l’action est pour le moins sur­prenant sinon opaque, puisqu’il est dif­fi­cile de savoir ce qui les rat­tache au sujet de la pièce.

Celle-ci, en effet, a pour cadre Duluth, dans l’état du Min­neso­ta, en 1934, soit quelque cinq ans après le krach de Wall Street de 1929 et la Dépres­sion qui s’ensuivit. Dans un hôtel minable des faubourgs de la ville, Nick Laine, le pro­prié­taire, se voit con­fron­té à un sérieux prob­lème : il ne peut plus rem­bours­er l’emprunt qu’il a con­trac­té pour acheter l’immeuble, et sa banque le men­ace d’expropriation. Qui plus est, sa femme Eliz­a­beth, qui a depuis longtemps per­du la notion des choses, demande des soins que ses mai­gres ressources ne peu­vent plus lui don­ner ; et son fils, Gene, un paumé de la dernière chance, a som­bré dans l’alcoolisme, ce qui n’arrange rien. Il lui reste sa fille adop­tive, Mar­i­anne, une jeune Noire qu’il a recueil­lie quand elle n’était encore qu’une enfant et qui est main­tenant enceinte. Seule lueur d’espoir dans cette exis­tence qui s’effrite : Mme Neilsen, une veuve avec laque­lle il couche, qui attend un héritage impor­tant qui ne se matéri­alise pas, mais qui s’est engagée à lui venir en aide dès qu’elle récoltera la manne en question.

C’est Thanks­giv­ing et la grande salle à manger de l’hôtel se rem­plit d’habitués, comme les Burke. Lui fort en gueule, elle plus placide, et leur fils Elias, un jeune homme arriéré qui a l’e­sprit d’un enfant de six ans ; M. Per­ry, un voisin libidineux qui a des vues sur Mar­i­anne, en dépit du fait qu’il a depuis longtemps atteint l’âge de la retraite ; et le doc­teur Walk­er, médecin du quarti­er, qui traite ses clients à coup de mor­phine. Se joignent à eux deux vagabonds arrivés la veille, le révérend Mar­lowe, un faux pas­teur qui vend des bibles et n’hésite pas à devenir un voleur à la tire quand l’occasion s’en présente, et Joe Scott, un ancien boxeur qui est de retour dans le civ­il après avoir passé trois ans en taule. Tout ce beau monde se réu­nit, se chamaille, vide son sac en pub­lic et, à l’occasion, se met à danser pour fêter Thanksgiving.

Écrite par l’auteur irlandais Conor McPher­son, bien con­nu pour ses pièces présen­tées tant à Lon­dres qu’à New York, Girl from the North Coun­try est avant tout une œuvre dra­ma­tique inter­rompue sans rime ni rai­son par les chan­sons de Bob Dylan (né incidem­ment à Duluth en 1941), lesquelles sem­blent avoir été choisies non pas pour leur rap­port avec l’action mais pour l’atmosphère poé­tique qui en émane. On est en droit de se deman­der ce qui a guidé ce choix, mais il faut recon­naître que leur inclu­sion dans la pièce, pour le moins curieuse, donne à cette dernière un relief assez sur­prenant et tolérable. Elles appor­tent à l’ambiance grise de l’action une touche de lumi­nosité lyrique, mise à prof­it par les arrange­ments bien cal­i­brés de Simon Hale, et qui change rad­i­cale­ment le déroule­ment de la pièce. Elles sont d’ailleurs chan­tées avec beau­coup de vérac­ité par les mem­bres de la troupe, indi­vidu­elle­ment ou en groupe, dans un style qui les éloigne con­sid­érable­ment de la façon dont Dylan lui-même les inter­prète, ce qui per­met de mieux les appréci­er, par­ti­c­ulière­ment dans ce contexte.

Ceci dit, il n’est pas cer­tain que la pièce, main­tenant con­damnée par les mesures pris­es pour con­trôler l’épidémie du coro­n­avirus, qui a frap­pé New York comme le reste du monde, pour­ra sur­vivre au « black­out » qui impose la fer­me­ture pour un mois de tous les théâtres de Broadway.

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