Notre-Dame de Paris (Critique)

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1936

D’après l’œuvre de Vic­tor Hugo.
Musique : Richard Cocciante.
Texte : Luc Plamondon.
Mise en scène : Gilles Maheu.
Choré­gra­phies : Mar­ti­no Müller.
Avec :
Esmer­al­da : Hiba Tawaji.
Qua­si­mo­do : Ange­lo Del Vecchio.
Frol­lo : Daniel Lavoie.
Gringoire : Richard Charest.
Phoe­bus : Mar­tin Giroux.
Fleur de Lys : Alyzée Lalande.
Clopin : Jay.

Une bonne his­toire est faite de con­flits et de pas­sion. Il n’en manque pas dans la trame de Notre Dame de Paris : le con­flit entre la beauté (Esmer­al­da) et la laideur (Qua­si­mo­do), entre le char­nel et le spir­ituel (Frol­lo, le curé de Notre-Dame), entre le chef de bande de la Cour des Mir­a­cles (Clopin) et le sol­dat du roi (Phoe­bus), entre le temps des cathé­drales et les nou­velles idées qui vien­nent tout bous­culer (Gringoire, le poète trou­ba­dour) entre les sans-papiers de l’époque et les français de sang.

Notre avis (écrit en 2016) : Peut-on encore vibr­er pour la fin d’un monde « prévue pour l’an 2000 » ? Écouter « Belle » comme si c’était la pre­mière fois ? Ressen­tir inten­sé­ment l’espoir d’une Esmer­al­da qui crie son désir d’aimer et de « Vivre » ? A l’heure où Notre Dame de Paris atteint sa majorité, le spec­ta­cle devenu culte et sa mise en scène orig­inelle sont-ils tou­jours efficaces ?
Recon­nais­sons de prime abord que les défauts majeurs sont tou­jours présents. Le livret ellip­tique ayant dépouil­lé l’œuvre de Hugo de sa pro­fondeur fait naître des per­son­nages figés qui évolu­ent peu au fil d’un réc­it déséquili­bré, avec un sec­ond acte bien moins dynamique que le pre­mier. Par ailleurs, nul doute qu’une bande-son, a for­tiori lorsque le vol­ume est poussé à son max­i­mum, n’at­tein­dra jamais le pou­voir d’un orchestre en direct… C’est d’autant plus prég­nant dans un lieu aus­si austère que le  Palais des Con­grès de Paris. Dans cette salle où il est dif­fi­cile de dis­tinguer les vis­ages au-delà des pre­miers rangs, trans­met­tre des émo­tions et con­quérir les spec­ta­teurs relèvent de la gageure. Et pourtant…
Dès les pre­mières notes, le pub­lic se laisse volon­tiers hap­per par la cinquan­taine de morceaux du spec­ta­cle, dont beau­coup ont acquis le statut de tubes. Aux applaud­isse­ments nour­ris qui salu­ent chaque scène suc­cè­dent dans le pub­lic une émo­tion pal­pa­ble et un silence qua­si religieux qui sied au pro­pos. Le temps ayant désor­mais fait son œuvre, le pub­lic ne cherche plus à retrou­ver des imi­ta­tions rigoureuses de Fiori, Garou ou Ségara. S’ils ont irrémé­di­a­ble­ment lais­sé leur empreinte sur les per­son­nages qu’ils ont créés, on cède moins à la ten­ta­tion de réalis­er les sem­piter­nelles com­para­isons. De fait, les artistes jouent leurs par­ti­tions respec­tives en y inté­grant leur per­son­nal­ité. Et le défi est relevé. Se dis­tinguent notam­ment Hiba Tawa­ji et son Esmer­al­da tout en sen­su­al­ité ain­si que Richard Charest, avec son charis­ma­tique Gringoire. Daniel Lavoie, seul inter­prète de la troupe orig­inelle, offre quant à lui un Frol­lo plus glaçant que jamais. Au-delà des pro­tag­o­nistes, les danseurs-acro­bates qui peu­plent la Cour des Mir­a­cles font preuve d’une énergie et d’un tal­ent indé­ni­ables. Les scènes de groupe sont tou­jours aus­si impres­sion­nantes et empor­tent net­te­ment l’ad­hé­sion des spec­ta­teurs, si l’on en croit l’ap­plaudimètre. Si l’on souhait­erait qu’une nou­velle mise en scène puisse désor­mais offrir une vision dif­férente de l’oeu­vre, l’ovation spon­tanée et unanime du pub­lic lors des saluts prou­ve, s’il en était besoin, que Notre Dame de Paris est désor­mais un clas­sique du genre.

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