Opérapiécé met en scène des thèmes très connus de la musique classique instrumentale : Vivaldi, Grieg, Strauss, Tchaïkovski, Mendelssohn, Debussy, Ravel, Fauré, Albinoni, Schubert, Brahms, Beethoven, Verdi… Ils sont venus, ils sont tous là et on en fait un opéra ! L’autre grande originalité de ce projet est le choix de l’accordéon pour accompagner tout le spectacle. Il ajoute une couleur inédite à tous les thèmes classiques revisités et mis en paroles. Entièrement chanté, Opérapiécé nous parle avec drôlerie de la vie d’artiste dans ce qu’elle a parfois de précaire mais surtout de tout le plaisir du jeu et du partage qu’elle offre aussi.
C’est une tranche de vie : celle de deux chanteuses en mal de contrats. Inquiètes pour leur avenir, elles font néanmoins leur métier pour jouer devant le public l’histoire de la rencontre d’une artiste débutante et d’un personnage plus trouble. Dans Opérapiécé, liberté de style, fraîcheur, mais aussi rigueur musicale et inventivité s’allient pour offrir à des thèmes classiques illustres un rôle inédit à jouer !
Notre avis (paru lors de représentations de janvier 2020 au Théâtre Essaïon) : Cette tranche de vie est un régal de finesse et de créativité. On suit cette jeune femme un peu naïve, malmenée par une complice plus ambiguë, dans les méandres de son existence, entre envie de réussir, amitié, amour, jalousie, trahison, manipulation, déception et détermination. Ce parcours – dont la narration pourrait gagner à être plus élaborée, mieux balisée – se dessine de bout en bout en chantant. Pour cela, des paroles ont été écrites sur des airs classiques qui n’en ont jamais eues, et d’autres ont été ajoutées, détournées ou inventées pour remplacer celles des chansons de variété qu’on connaît si bien. Si le procédé n’est pas nouveau – surprendre le public par des juxtapositions inattendues et des relectures cocasses –, le mélange des genres est ici mené avec beaucoup de pertinence dans le choix des mots et des morceaux des différents répertoires, et une fluidité maîtrisée dans les nombreuses transitions et les multiples clins d’œil.
Le mérite en revient aux deux conceptrices du spectacle, qui en sont aussi les interprètes vocales, Aurore Bouston et Marion Lépine (toutes deux déjà appréciées dans Do Ré Mi Fashion). Deux physiques, deux personnalités, deux timbres, qui se superposent, s’éloignent, s’opposent. Et on n’est jamais autant séduit que lorsque leurs deux voix s’accordent, que leurs clowneries se font écho et que leurs présences se complètent, par exemple en mode copines éméchées swinguant sur du Brahms.
On savait déjà l’accordéon synonyme du Paris canaille et de la chanson populaire ; on découvre qu’il peut aussi, sous des doigts experts et dans des transcriptions réussies, rendre justice à du Debussy sentimental, à du Tchaïkovsky sur pointes ou à du Beethoven symphonique. Ce soir, la silhouette fluette de Marion Buisset, harnachée de son piano à bretelles dont elle maîtrise tous les recoins et déambulant seule sur scène le temps d’interludes, comme une respiration lunaire, ajoute une touche d’étrangeté et de poésie bienvenue.
Des costumes et des accessoires joliment caractérisés, une énergie inépuisable et, surtout, l’intelligence d’une musicalité au service d’une jovialité et d’un humour qui ravissent le public dès les premières mesures, font de cet Opérapiécé un très agréable moment de fraîcheur et de rire. Opérallez‑y sans hésiter !