Dans une salle de bal défile l’histoire de la France, des années 1930 aux années 1980, au gré des musiques qui ont rythmé ces décennies. Le parquet de bal de ce dancing est témoin des événements tels le Front populaire, la Seconde Guerre mondiale, la Libération, Mai 68, ainsi évoqués sur fond de musiques de chaque époque, dont le jazz, le rock et le disco.
Notre avis : D’après le spectacle du Théâtre du Campagnol sur une idée de Jean-Claude Penchenat – né d’un travail collectif avec toute la troupe dont certains interprètes se trouvent dans le film –, cette adaptation a provoqué des avis divers lors de sa sortie. Par exemple, de vives critiques se sont fait jour après l’attribution du César de la meilleure musique à Vladimir Cosma qui, à part un thème original, a surtout réorchestré certains morceaux existants – la musique fait la part belle aux airs du répertoire. Ettore Scola remporta le César du meilleur réalisateur – tout comme l’Ours d’argent à Berlin – et Le Bal celui du meilleur film. Le film, qui fut nommé pour l’Oscar du meilleur film étranger, frôla le million d’entrées. On a pu reprocher au film une vision un peu étriquée de la société française.
Et si, justement, c’était l’inverse ? Revoir aujourd’hui ce film, dont l’action, bien entendu, se clôt au début des années 80, n’est pas un voyage en nostalgie, mais un voyage tendre, drôle et souvent bouleversant où le corps s’exprime. En effet, aucun dialogue ne vient encombrer l’action. Tout repose sur les chorégraphies, les attitudes corporelles. Et les clins d’œil ne manquent pas, entre un sosie de Gabin par-là, une évocation de Mai 68 par ici. Il se dégage de ce film musical une magie particulière. Ce film entraînant, mais au goût parfois amer (les espoirs rêvés par le peuple, tel le Front populaire, douchés par la Seconde Guerre mondiale) se révèle d’une force peu commune par le reflet qu’il propose – et transpose, via la danse – des espoirs déçus, des moments vécus collectivement. Une fine observation qui fait passer le spectateur du rire aux larmes, dotée qui plus est d’un final bouleversant. Peut-être qu’aujourd’hui, noyée dans les sorties en nombre, cette reprise aura du mal à s’imposer. Toutefois, il serait dommage de passer à côté de cette madeleine de Proust pour les plus âgés et, peut-être, de ce qui peut représenter comme une curiosité sur le monde du siècle dernier pour les plus jeunes. Car oui, Le Bal est un grand film.