Dix ans après son succès parisien, la comédie adaptée du film Monty Python : Sacré Graal (1975) revient dans l’Hexagone avec son lot de lapins tueurs, de fieffés Français flatulents et cette question universelle « les hirondelles peuvent-elles transporter des noix de coco ? », qui réjouiront tous les connaisseurs du Grand-Œuvre des Monty Python.
Créée en 2005 à Broadway par Eric Idle, l’un des membres des Monty Python (livret, chansons et musique) en collaboration avec John du Prez pour la musique, la comédie musicale est, comme le film avant elle, une parodie de la légende arthurienne, émaillée de l’humour si délicatement graveleux des Monty Python.
Sa première adaptation en France était signée Pierre-François Martin-Laval (Pef) et c’est de nouveau l’ex Robin-des-Bois qui va siéger à la Table ronde pour la mise en scène (et dans la distribution), avec une adaptation revisitée.
Notre avis : La rentrée des grosses productions commence sur les chapeaux de roue, ou plutôt sur un galop cadencé par des noix de coco, avec ce Spamalot irrésistible et désopilant. Treize ans après sa première version française au Comédia et dix ans après son transfert à Bobino, Pierre-François Martin-Laval, l’ex-Pef des Robin des Bois, depuis lors adoubé par le librettiste Eric Idle des Monty Python, revêt derechef la cotte du roi Arthur pour une nouvelle quête du Graal dans une adaptation largement rafraîchie et aux dimensions colossales – décors gigantesques, 250 costumes… Et qu’est-ce qu’on rit !
Dans cette épopée burlesque des chevaliers « d’une table super-hyper-ronde », l’intrigue de Spamalot a moins d’intérêt que les saillies à répétition qui jaillissent à chaque tableau, où chaque situation est prétexte à des dialogues décalés, des apartés farfelus, des répliques puériles, des absurdités hénaurmes, des bouffonneries impayables… Les scènes parlées baignent allègrement dans l’ironie, la crétinerie, l’humour potache, le jeu de mot – volontairement ? – raté, l’anachronisme, l’interpellation à l’équipe technique en coulisse, le théâtre dans le théâtre… Et les numéros musicaux sont autant d’occasion de danser et d’électriser l’ambiance… Et qu’est-ce qu’on rit !
Adapter pour le public français un livret et des paroles aussi teintés d’humour anglais – le film Holy Grail! des Monty Python de 1975 – et aussi ancrés dans l’univers de Broadway – le Tony Award 2005 du meilleur spectacle musical – demande un savoir-faire précis. Nous saluions déjà l’adaptation de 2010, et cette nouvelle mouture, toujours très fidèle à l’esprit nonsense d’origine, brille par sa pertinence : sujets sociaux dans l’air du temps ou événements récents typiquement de chez nous – on ne vous divulgâchera rien ! –, mais aussi allusions et clins d’œil à des spectacles ou des artistes bien connus en France… L’actualisation était également inévitable pour être en phase avec nos chers réseaux sociaux ; elle est tout à fait de circonstance pour la chanson « You Won’t Succeed on Broadway » où des influenceurs d’« Instagraal » et « Tok Tok » remplacent les Juifs créateurs de succès du show-business dans la version originale, une référence percutante à New York qui se serait perdue chez nous… sauf quand elle lorgne du côté de Rabbi Jacob… Et qu’est-ce qu’on rit !
👑 Pef, seul rescapé du plateau d’il y a treize ans, n’a toujours pas le format vocal ou physique du créateur du rôle, Tim Curry, mais on s’en fiche : il fait de son roi Arthur un souverain mi-teigne mi-ado attardé et affiche une vitalité stupéfiante, une vis comica immarcescible. À sa suite et après un casting qu’on imagine très pointu parmi 650 candidat·e·s, Bruno Lo Giudice (Belvédère Jacques Veber Bedevere🗡️), Matthieu Pillard (Lancelot🗡️🪨), Ludovic Thievon (Robin🗡️🎵) n’appellent que des éloges, chacun dans son registre ; et on retient les performances de Vincent Escure (Patsy, Herbert👸) et Basile Alaïmalaïs en Galahad🛡️, tous deux vocalement impressionnants. Véronique Hatat en historienne pisse-vinaigre secrètement délurée complète la galerie de personnages déjantés. Et… bien sûr… comment oublier Lauren Van Kempen en Dame du Lac lubrique et prête à tout pour ne pas être reléguée en coulisse, à l’allure impériale et aux voix bluffantes – graves, suraigus, belt, scat… –, qui magnétise le public à chacune de ses apparitions ? L’orchestre dirigé par Karim Medjebeur – très sollicité par la mise en scène – insuffle un tonus irrépressible qui fait fondre, bondir, swinguer, virevolter… Toutes et tous ensemble, portés par une direction d’acteurs qu’on devine très précise malgré un sujet foutraque, avec la formidable troupe qui les entraîne dans des chorégraphies enlevées, déploient une folle énergie communicative et irrépressible qui culmine dans un « Always Look on the Bright Side of Life » final qui suscite une standing ovation amplement méritée.
À moins d’être complètement réfractaire à l’humour, voilà une loufoquerie tout public qui vous décrassera les zygomatiques.
Retrouvez une interview de Pef sur France Culture à propos de Spamalot.