Stories par la RB Dance Company

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Notre avis : Oserait-on recon­naître que l’on est sor­ti du Casi­no de Paris, le 27 jan­vi­er dernier, la joue endo­lo­rie, et encore son­né ? Et oserait-on avouer que l’on était prêt à ten­dre l’autre joue de plaisir… Oui, assuré­ment, et sans la moin­dre honte. Car la claque reçue ce jour-là, aus­si mon­u­men­tale – et col­lec­tive – soit-elle, fut un intense moment de bon­heur. Une leçon magis­trale don­née à tous. Inat­ten­due, épous­tou­flante et qui plus est tricolore…
Cette claque se nomme Sto­ries, et son auteur Romain Rach­line Borgeaud. For­mé à Alvin Ailey, il a longtemps évolué à New York au sein de la 360° Dance Com­pa­ny, avant de par­ticiper à des dizaines de shows aux États-Unis et de revenir en France pour­suiv­re sa car­rière sur les planch­es. A Cho­rus Line, Hair­spray, Jack’s Back (off off B’way), Cats, Any­thing Goes, Sin­gin’ in the Rain, Le Bal des vam­pires à Mogador, 42nd Street au Théâtre du Châtelet… il s’est pro­duit aux qua­tre coins du monde, avant de fonder en 2018 la RB Dance Com­pa­ny qui mêle jazz urbain et claquettes.

C’est cette dis­crète com­pag­nie, tout juste âgée d’un an, qui a scotché une salle entière fin jan­vi­er, avec sa toute pre­mière créa­tion originale.
Présen­té lors d’une soirée spé­ciale à Paris, Sto­ries se veut un show entière­ment dan­sé et nar­ratif, mêlant musique, cla­que­ttes, dans­es con­tem­po­raines et sons urbains. Voilà sur le papi­er. Cest en réal­ité bien plus que cela. Une expéri­ence visuelle excep­tion­nelle, qui célèbre les corps et la vie, dans un bal­let ultra­mod­erne, intense et esthé­tique, d’une per­fec­tion rarement vue en France.
Con­tant les tribu­la­tions d’un jeune acteur à suc­cès harcelé par son réal­isa­teur, le spec­ta­cle donne le ton dès  les pre­mières sec­on­des : les peaux s’effleurent, les corps s’envolent, les sil­hou­ettes se pour­suiv­ent, s’apprivoisent, ou s’affrontent. Chaque geste est pré­cis, chaque fig­ure impec­ca­ble, chaque détail soigné. Au fil d’une dizaine de tableaux, où la scéno­gra­phie géniale le dis­pute au tal­ent des danseurs, le mou­ve­ment est per­ma­nent, le rythme hale­tant, et l’ensemble tout sim­ple­ment saisissant.
Car rien ne fait défaut à Sto­ries, pour qui l’expression « réglé au mil­limètre » sem­ble avoir été inven­tée : les choré­gra­phies des danseurs frô­lent le sub­lime, leurs enchaîne­ments de cla­que­ttes atteignent la per­fec­tion. De superbes jeux d’ombres et de lumières (signés Alex Hard­el­let) et des effets de ralen­tis ajoutent à la beauté des scènes.  Pour couron­ner le tout – n’en jetez plus ! –, ajou­tons une créa­tiv­ité et une scéno­gra­phie des plus orig­i­nales, faite de décors mobiles, qui parais­sent, presque, eux-mêmes, pren­dre vie, et per­me­t­tent, en un instant, de pass­er du hall d’un hôtel à une ruelle som­bre, d’une prison à une salle de jeux clan­des­tine… Le héros va jusqu’à sauter de l‘un à l’autre. Le mou­ve­ment du corps sur un décor en mouvement.
Le regard est cap­tivé, il ne décroche plus. Et tan­dis que l’œil est figé, pris dans cette course-pour­suite, sans temps mort, les cla­que­ttes bat­tent la mesure, les notes de machine à écrire accom­pa­g­nent la basse, et les corps vibrent au rythme d’un train, et d’une musique pop et puissante.
Étin­celle dans cette atmo­sphère som­bre et pesante, le remar­quable Enzo Bof­fa illu­mine le plateau. Le pub­lic ne peut qu’accompagner ce jeune héros auquel il s’attache indé­ni­able­ment, autant qu’il déteste l’étrange et mal­sain Stan (excel­lent Raf­faëlle Luca­nia, maîtrisant par­faite­ment les expres­sions). Avec la sen­suelle San­dra Peri­cou, ils offrent, à chaque tableau, une inten­sité et une puis­sance excep­tion­nelle, qui va crescen­do. Car la ten­sion monte. Le drame est sub­limé. Il y a du West Side Sto­ry par­mi les ombres et les fumées de cigarettes…
La scène finale arrive comme une libéra­tion. Comme un réveil. Et l’on prend con­science alors des innom­brables heures de tra­vail. On songe à l’exigence et à la rigueur, on imag­ine la sueur qui a per­mis la beauté. L’avalanche de super­lat­ifs ne sera pas de trop pour restituer ce que l’on a vécu.
Romain Rach­line Borgeaud et sa RB Dance Com­pa­ny ont don­né nais­sance à un spec­ta­cle excep­tion­nel. Ce bal­let mod­erne et auda­cieux, union d’efforts physiques et de grâce, de pul­sions et de finesse, est à voir absol­u­ment. Sto­ries ne se racon­te pas, il se vit.

Stories au Casino de Paris.
Jeudi 12 mars / vendredi 13 mars à 20 heures.
Réservations ici.

Pour en savoir plus: https://www.rbdancecompany.com/

Décou­vrez la bande-annonce du spectacle :

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