Pour sa dernière saison en tant que directeur du Théâtre du Peuple, Vincent Goethals offre une programmation des plus éclectiques aussi exigeante qu’élégante. Ce lieu extraordinaire accueille en son sein nombre de fidèles. Si vous en faites partie, ne manquez pas cette édition. Si vous ne connaissez pas encore, nous ne pouvons que vous encourager à aller découvrir ce village vosgien. Un boulimique pourra assister à pas moins de cinq spectacles (de midi à vingt deux heures trente). Un autre, souhaitant se laisser bercer par le charme du lieu (et la fameuse tarte aux myrtilles) se réjouira d’une ou deux représentations.
Parmi les propositions Les margouillats s’adresse à un public jeune tout comme aux adultes qui savent se laisser aller à écouter des contes africains. Mené avec malice par Solo Gomez, les récits s’enchaînent provoquant la stupeur, l’étonnement des plus jeunes et le ravissement de leurs aînés. Sans parler de la manière d’éviter une catastrophe, l’aide du public, alors sollicité, crée un beau moment de partage. A découvrir.
La dame de chez Maxim… ou presque ! © Eric LegrandLe spectacle de l’après-midi constitue la pièce maîtresse avec cette relecture de Feydeau. En effet cette Dame de chez Maxim… ou presque ! s’affranchit du texte original en piochant dans d’autres œuvres du maître du vaudeville, créant de nouvelles situations et péripéties. De plus Vincent Goethals choisit de ponctuer ce truculent récit de nombreux extraits musicaux, principalement empruntés à des œuvres d’Offenbach. Mais là encore la liberté prime : on peut entendre des airs plus récents comme les fameuses « Nuits d’une demoiselle » de Colette Renard. La troupe, toujours composée d’amateurs et de professionnels, s’en donne à cœur joie et ravi le public qui s’esclaffe de rire dès les premières minutes. Les zygomatiques seront mis à rude épreuve durant tout le spectacle. La partition est interprétée par six musiciens, parfaitement intégrés dans la narration. Gabriel Mattei, qui figurait dans le très réussi Opéra de quat’sous présenté lors des 120 ans du lieu, en assure la direction musicale et, pour l’occasion, s’est mis à l’accordéon. Pour en revenir à cette production où la facétie et le burlesque l’emportent, le décor se révèle lui aussi malicieusement ordonné et la fameuse ouverture du fond de scène produit de nouveau son effet. Cette histoire d’adultère qui dégénère a de quoi séduire par son rythme haletant, que ce soit dans l’enchaînement des situations, dans la diction des comédiens : tout participe à la réussite de cette farce qui pétille.
La dame de chez Maxim… ou presque ! © Eric LegrandQuasiment sans interruption Valérie Dablemont enchaîne avec la représentation suivante, où elle retrouve Solo Gomez pour Petit bisou. Il s’agit d’une pièce courte, signée Arnault Mougenot, durant laquelle les deux comédiennes campent différents personnages, de ceux que l’on ne voit pas lorsque l’on assiste à un spectacle, le tout sur un navire qui manque de chavirer. En effet ce sont les personnes de l’ombre qui sont, pour le coup, mis en lumière. Si le sujet est bon, le résultat se révèle inégal, avec nombre de facilités, alimentant en cela la caricature (avec de bonnes doses d’hystérie). Basé sur divers témoignages, le texte déroule diverses faiblesses. Peut-être aurait-il fallu prendre un vrai recul ? Le final, où les artistes saluent avec les vrais techniciens s’avère être le moment le plus joli.
En contraste à la solaire dame de chez Maxim, En dessous de vos corps, je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas, le spectacle du soir, plonge dans un climat nocturne propice à l’explosion de passions fatales. Steve Gagnon revisite Britannicus, conservant la trame narrative de cet amour dévorant d’une mère pour ses deux fils et de leurs luttes intestines.
La scénographie, très graphique et magnifiquement éclairée, offre un parfait écrin pour ce spectacle, créant un sentiment étouffant, implacable. La présence discrète d’une bande son soignée, signée et interprétée par Bernard Vallery, participe de la réussite de cette proposition où les comédiens n’hésitent pas à se mettre à nu pour dévoiler leurs âmes tourmentées. Une œuvre, où le feu peut jaillir malgré la neige, où les caractères féminins fascinent par leur complexité.
De quoi, donc, séduire des spectateurs aux exigences diverses et ce jusqu’au 27 août. Cette « Saison de retrouvailles », puisque c’est sous ce titre qu’elle est présentée, permet à Vincent Goethals de quitter Bussang avec panache.
Toutes les informations, réservation and co sur le site du théâtre du peuple.