Qui ne connaît pas Zazie, la célèbre adolescente qui vient dans le Paris populaire et bouillonnant des années 1960 pour voir le métro ? Et qui ne le verra pas car il y a une grève. Zazie, et son inénarrable famille, ses rencontres plus surprenantes les unes que les autres, son franc-parler irrévérent et jouissif, sa liberté de parole et d’action quasi sans limites, qui deviennent, dans la mise en scène de Zabou Breitman, les ferments d’une comédie musicale endiablée.
Soixante ans après sa publication, cette fable philosophique est d’une modernité étonnante dans sa dénonciation joyeuse et radicale des conventions sociales et familiales. C’est un brûlot qui cache sous le masque de la fantaisie une réflexion profonde sur la construction souvent difficile d’une identité. Hors des idéaux et des valeurs moralisatrices d’une société bourgeoise qui ne sait plus très bien où elle en est, Zabou Breitman, fidèle à l’impertinent Raymond Queneau, revendique avec brio la liberté d’être soi-même.
Notre avis : Zabou Breitman retrouve son complice de Poil de Carotte, Reinhardt Wagner, pour une adaptation musicale joyeuse et colorée du roman de Raymond Queneau paru en 1959. Ce succès du romancier raconte les aventures de Zazie que sa mère, désireuse d’aller « s’amuser » avec un amant, confie, le temps d’un week-end, à l’oncle Gabriel.
Zazie n’a qu’une envie : visiter le métro ! Mais hélas, le métro est en grève… C’est donc dans le taxi de Charles que Zazie va découvrir la capitale. C’est le début d’un week-end pendant lequel la jeune héroïne va rencontrer des personnages tous plus extravagants les uns que les autres, qu’elle apostrophe avec un ton parfois irrévérencieux et toujours direct ! Les aventures parisiennes de Zazie sont autant d’expériences initiatiques que d’affirmations de sa personnalité.
Cette adaptation est un pur régal ! Parfois certains parents dans la salle ont peut-être regretté d’avoir amené leurs enfants lorsque Zazie s’exclame « Napoléon, mon cul ! », « la politesse, mon cul ! » ou encore qu’elle veut être astronaute pour aller « faire chier les martiens » sur Mars… Mais, comme le souligne Zabou Breitman, les réparties de Zazie sont, sans doute grossières mais jamais vulgaires. Il faut surtout souligner que ce spectacle est une ode à la tolérance, à l’affirmation de soi et « c’est vraiment un hymne à la liberté qu’on doit entendre dans notre monde où les injonctions à se définir, sans cesse aux yeux des autres, se multiplient ».
Dès l’ouverture, le dispositif scénique astucieux fait apparaître les personnages que nous croiserons dans ce Paris populaire décrit par Queneau. Tout au long du spectacle, la scénographie de Zabou Breitman ne sera que trouvailles amusantes qui mettent en valeur l’adaptation intelligente du monument de la littérature qu’est Zazie dans le métro. Les musiques de Reinhardt Wagner égaient le spectacle de styles différents et offrent à chaque personnage/comédien(ne) son moment en faisant alterner émotions et éclats de rire.
Quel bonheur de suivre les aventures de Zazie qui n’ira jamais dans le métro mais qui vivra un week-end mouvementé en rencontrant la serveuse Mado P’tits Pieds, Charles le chauffeur de taxi, Pédro-Surplus qui est peut-être Trouscailllon à moins qu’il ne s’appelle en fait Bertin Poirée (?), Marceline, la femme de Gabriel – qui à la fin deviendra Marcel ! La scène finale dans le cabaret n’est pas sans rappeler Victor/Victoria. Dans Zazie dans le métro, confusion des genres et affirmation de sa personnalité font partie la fable.
La pétulante Alexandra Datman est une magnifique découverte dans le rôle de Zazie ; Franck Vincent est exceptionnel dans celui de Gabriel, à la fois drôle et émouvant ; Catherine Arondel est fort drôle dans le rôle de Jeanne mais détonante dans celui de la Veuve Mouaque, dont le numéro est très justement bissé ! Gilles Vajou, Fabrice Pillet, Jean Fürst et Delphine Gardin complètent une distribution caméléon de très haut niveau.
Il ne faut pas oublier les six musiciens qui sont de véritables complices sur scène.
Zazie dans le métro est une véritable réussite à découvrir ces prochaines semaines en tournée. On lui souhaite de trouver très vite un théâtre à Paris.