Journal de bord de Jacques Preiss, futur Marius des Misérables

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Même si l'article est signé de mon nom, ne vous y trompez pas : c'est bien Jacques Preiss qui a pris le temps de le rédiger.
L'acteur, chanteur et... pilote de ligne nous fait l'amitié de livrer ses impressions à chaud, durant les répétitions du spectacle événement à l'affiche du Châtelet dès le 20 novembre et qui affiche déjà quasiment complet.

À l’heure où nous quit­tons Romainville et la fon­da­tion Fim­in­co après cinq mer­veilleuses semaines de répéti­tions pour migr­er vers le Théâtre du Châtelet, un petit retour s’im­po­sait. Cinq semaines de tra­vail, de recherche, de créa­tion, de rires, de larmes, d’émotions.

Tout cela a com­mencé par deux journées de répéti­tion musi­cale où nous nous sommes tous décou­verts, non sans un cer­tain stress car sous l’œil expert et l’oreille atten­tive des auteurs Claude-Michel Schön­berg et Alain Bou­blil. Quel priv­ilège que leur présence, leurs con­seils, leur gen­til­lesse. Avec à la baguette Alexan­dra Cravero et Char­lotte Gau­thi­er, et au piano Arnaud Tibère-Ing­lesse, nous avons tra­ver­sé l’œu­vre dans son entièreté, cha­cun der­rière son pupitre mais dans une vraie com­mu­nion, et nous sommes ren­du compte, si c’é­tait encore néces­saire, de la for­mi­da­ble his­toire que nous allions avoir la chance de raconter.

Les Mis­érables, répéti­tion ©Thomas Amouroux

Puis, dès le lende­main, les répéti­tions au plateau ont débuté, menées par le mae­stro Ladis­las Chol­lat, dont les mots si émou­vants et justes sur l’histoire, sur Vic­tor Hugo, nous ont dès cette pre­mière mat­inée embar­qués dans cette mer­veilleuse aven­ture. Il nous a présen­té sa méth­ode : avancer vite pour arriv­er le plus rapi­de­ment aux filages, seul et unique moyen d’i­den­ti­fi­er réelle­ment les élé­ments à cor­riger, les scènes à retra­vailler, les place­ments à mod­i­fi­er. Dans la salle Tré­fouel de la fon­da­tion Fim­in­co, nous avons œuvré, à rai­son de 6 jours de tra­vail par semaine, en deux ses­sions, une pre­mière de 10h à 13 h puis une sec­onde de 14h30 à 18h 30 avec, entre les deux, les mémorables déje­uners, où la troupe se divi­sait en plusieurs équipes selon les envies du jour, en salle de repos ou dans les restau­rants du cen­tre com­mer­cial Pad­dock à prox­im­ité. Un rythme et une organ­i­sa­tion réglés comme du papi­er à musique, orchestrés par notre mer­veilleux régis­seur général Dominique Mounérat.

Les Mis­érables, répéti­tion ©Thomas Amouroux

Lorsque nous n’é­tions pas req­uis sur le plateau, c’é­tait l’oc­ca­sion d’en­tamer un tra­vail d’or­fèvre sur le chant et le texte avec Char­lotte et Alexan­dra. C’était notam­ment le cas lors de journées plus con­sacrées au tra­vail choré­graphique, un élé­ment nou­veau dans cette pro­duc­tion par rap­port aux précé­dentes. Ce pou­vait égale­ment être l’occasion de rejoin­dre Ladis­las pour un tra­vail détail­lé de jeu, d’interprétation, pour pré­cis­er les inten­tions, entr­er plus dans le détail de l’histoire et des rap­ports à construire.

Quel plaisir c’était de voir le spec­ta­cle se con­stru­ire petit à petit, jour après jour, de nous voir avancer pas à pas dans cette folle his­toire. Durant nos paus­es à la mi-temps de chaque ser­vice, nous nous sommes égale­ment décou­verts humaine­ment en dis­cu­tant de nos par­cours, de notre rap­port à l’œuvre ou à notre rôle, en échangeant des points de vue ou des con­seils. Il était par­fois néces­saire de se récon­forter après une scène dif­fi­cile émo­tion­nelle­ment et Dieu sait que le spec­ta­cle n’en manque pas, comme par exem­ple celle de la mort du petit Gavroche.

Chaque fin de journée, nous repar­tions avec un bout d’histoire en plus, de nou­veaux axes de tra­vail, par­fois des doutes ou des ques­tion­nements, mais tou­jours le cer­ti­tude d’avancer.

Au bout de qua­tre semaines, le spec­ta­cle était mon­té, évidem­ment pas prêt à être présen­té sur scène, mais, comme le dit Ladis­las, un pre­mier « mon­stre » s’était fait jour. La cinquième semaine fut con­sacrée à plusieurs filages, précédés de rac­cords des scènes qui avaient néces­sité d’être retra­vail­lées au vu du filage précé­dent. De sorte de tou­jours pré­cis­er et amélior­er, et d’assister au bal des dif­férents tech­ni­ciens et acces­soiristes, qui assur­aient mer­veilleuse­ment la flu­id­ité des enchaîne­ments entre les dif­férents tableaux. C’est égale­ment pen­dant cette dernière semaine de répéti­tions que nous ont rejoints sur le plateau les enfants qui joueront Cosette enfant, Épo­nine enfant et Gavroche, avec toute leur joie d’être là, et leur inter­pré­ta­tion pleine de fraîcheur. Les deux derniers jours, les dou­blures ont assuré les rôles prin­ci­paux pour deux filages com­plets, appor­tant avec elles de nou­velles couleurs inspi­rantes et une nou­velle énergie, ain­si que les swings, véri­ta­bles couteaux suiss­es capa­bles de rem­plac­er au pied levé plusieurs des mem­bres de la troupe.

Les Mis­érables, répéti­tion ©Thomas Amouroux

Au cours de cette belle péri­ode qui est passée à une vitesse folle, ce sont, me con­cer­nant, les dif­férentes facettes de Mar­ius qu’il m’a fal­lu con­stru­ire, un tra­vail d’ailleurs tou­jours en cours. En faire autre chose qu’un sim­ple amoureux : certes d’abord détourné de l’enjeu poli­tique par son amour incon­di­tion­nel pour Cosette, il devient en effet pro­gres­sive­ment un vrai chef de meute aux côtés d’En­jol­ras, mal­gré peu de texte sur lequel s’ap­puy­er pour con­stru­ire cette dimen­sion-là du rôle. Il m’a donc fal­lu trou­ver d’autres appuis, puis­er notam­ment dans le rap­port au groupe des autres étu­di­ants, mod­i­fi­er mes place­ments, com­pos­er une atti­tude, pré­cis­er des choses vocale­ment. J’ai énor­mé­ment regardé les vidéos qu’Éric, l’assistant de Ladis­las, partageait avec nous après chaque filage, pour amélior­er, tra­vailler, mod­i­fi­er et enrichir mon Mar­ius, que je voulais plus com­plexe et riche. En allant aus­si puis­er dans l’énergie de mes parte­naires prin­ci­paux de jeu, Cosette, Épo­nine et Enjolras.

Je n’ai pas peur de dire qu’une famille, le mot n’est pas trop fort, de Mis­érables est née, et c’est ce lien, cet élan com­mun, que nous allons bien­tôt pou­voir partager avec le public.

Jacques Preiss, selfie

Comme l’a dit Ladis­las, durant les deux dernières semaines avant les pre­mières, en arrivant au Châtelet, c’est la tech­nique, élé­ment ô com­bi­en essen­tiel et nou­veau, qu’il va fal­loir inté­gr­er à notre édi­fice. Le tra­vail est encore long mais nous sommes au bon endroit. L’ex­ci­ta­tion est réelle, com­mune et forte. La hâte de racon­ter une nou­velle fois cette his­toire, immense.

Jacques Preiss

La troupe des Mis­érables sur la scène du Châtelet ©Harold Simon

1 COMMENTAIRE

  1. Mer­ci pour ce témoignage touchant et détail­lé. J’e­spère que vous fer­ez ren­tr­er ce fab­uleux musi­cal dans le coeur de mil­liers de Français.

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