Tammy Faye

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Palace Theater – 160 W 47th Street, New York.
Première le 14 novembre 2024.
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Il peut sem­bler curieux de voir une comédie musi­cale cen­trée sur un per­son­nage aus­si peu attrayant que Tam­my Faye, une évangéliste qui con­nut son heure de gloire dans les années 1970 et 1980, quand elle créa avec son mari, Jim Bakker, un pro­gramme de télévi­sion religieux, « The PTL Club », qui atti­ra des mil­lions de téléspec­ta­teurs. Un mélange d’humour et de reli­gion, de var­iété et de défense sociale, l’émis­sion dif­fusée chaque semaine sur la chaîne TNT récol­ta au plus fort de sa pop­u­lar­ité 120 mil­lions de dol­lars par an – des dons que les deux hôtes s’empressèrent de dépenser pour leurs pro­pres besoins per­son­nels et pour la créa­tion d’un parc de diver­tisse­ments dans le style de Dis­ney­land mais sur des thèmes religieux.

© Matthew Murphy

Au cours de leur pro­gramme heb­do­madaire, Jim et Tam­my invi­taient d’autres évangélistes, des célébrités et des som­mités, comme Ronald Rea­gan ou Lar­ry Flint – l’éditeur du mag­a­zine porno Hus­tler. Tam­my, la véri­ta­ble vedette de l’émission, était admirée aus­si bien pour ses chan­sons, son atti­tude can­dide envers tout un cha­cun, ses con­seils sur la reli­gion catholique que pour ses extrav­a­gances, ses maquil­lages et ses séances émo­tion­nelles de pleurs à l’écran qui sec­ouaient les spec­ta­teurs. Elle soute­nait la cause des homo­sex­uels et prit leur défense auprès d’autres évangélistes pen­dant la crise du sida.

Katie Bray­ben et Chris­t­ian Bor­le © Matthew Murphy

Quand Jim fut accusé d’avoir vio­lé une admi­ra­trice, Tam­my demeu­ra à ses côtés, jusqu’au jour où le gou­verne­ment inter­vint et accusa son mari d’avoir payé sa vic­time pour qu’elle reste silen­cieuse puis, enquê­tant davan­tage sur ses activ­ités, décou­vrit des fraudes fis­cales qui lui val­urent une sen­tence de quar­ante-cinq ans en prison. L’émis­sion fut dépro­gram­mée et Tam­my, restée seule et sans le sou après le paiement des impôts au gou­verne­ment, épousa le directeur d’un cen­tre immo­bili­er, qui devait être égale­ment accusé de fraude fis­cale. Elle décé­da en 2007 d’un cancer.

Même si la fig­ure de Tam­my n’est pas recom­mand­able, son aspect tout à fait hors du com­mun explique sans doute qu’elle soit dev­enue le sujet d’une comédie musi­cale. James Gra­ham, célèbre libret­tiste anglais, s’y attacha, suivi bien­tôt par Elton John, l’un des grands noms de la musique pop­u­laire et théâ­trale. Tam­my Faye, qui résul­ta de cette col­lab­o­ra­tion, fut créé à Lon­dres le 13 octo­bre 2022 au Théâtre Almei­da dans une mise en scène de Rupert Goold et une choré­gra­phie de Lynne Page. Le rôle prin­ci­pal de Tam­my Faye était tenu par Katie Bray­ben, qui fut récom­pen­sée du Lau­rence Olivi­er Award de la meilleure actrice dans une comédie musi­cale. La pièce res­ta à l’affiche jusqu’au 2 décembre.

Katie Bray­ben et Chris­t­ian Bor­le © Matthew Murphy

On peut se deman­der pourquoi, étant don­né cette courte car­rière à Lon­dres, la comédie musi­cale Tam­my arrive à Broad­way. Certes, la présence de Katie Bray­ben est une rai­son val­able. Nou­velle venue à New York, l’actrice, dotée d’une voix puis­sante qui porte et n’est pas sans rap­pel­er par moments le style de Dol­ly Par­ton, est un joy­au remar­quable. Mais c’est bien là le seul élé­ment solide de cette comédie musi­cale. Mal­heureuse­ment, les chan­sons d’Elton John – sur des paroles de Jake Shears, chef de file du groupe musi­cal Scis­sor Sis­ters –, ne sont pas à l’exemple des par­ti­tions qu’il a com­posées pour d’autres œuvres mémorables telles que The Lion King ou Aida.

Katie Bray­ben © Matthew Murphy

Si l’action reste fidèle à son sujet, cette his­toire d’une pseu­do-évangéliste à la télévi­sion prof­i­tant des dona­tions de ses mul­ti­ples ado­ra­teurs n’est guère intéres­sante, surtout dans le traite­ment qu’en fait James Gra­ham. La pro­duc­tion elle-même, avec les décors suc­cincts créés par Bub­by Christie, les cos­tumes ternes de Kat­ri­na Lind­say, la choré­gra­phie sans relief de Lynne Page et la mise en scène froide et sans grande valeur de Rupert Goold, n’est pas à la hau­teur de ce que l’on est en droit d’attendre d’une œuvre théâ­trale à Broadway.

Dans le marasme qui en découle, deux acteurs de pre­mier plan, déjà admirés plusieurs fois à Broad­way, Chris­t­ian Bor­le (Some­thing Rot­ten, Some Like It Hot, Falset­tos) et Michael Cerveris (très remar­qué dans Assas­sins et le pre­mier Tom­my dans The Who’s Tom­my), sem­blent totale­ment per­dus sous les traits de Jim Bakker et Jer­ry Fal­well, un autre évangéliste. On ne peut qu’éprouver de la sym­pa­thie pour eux.

Célébr­er une artiste con­nue pour ses fraudes fis­cales ne sem­ble pas une rai­son pour en faire une comédie musi­cale, du moins à Broad­way. Il est vrai que Tam­my Faye ne méri­tait sans doute pas plus que ce qui nous est offert.

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