D’Un cœur sauvage à Irma la douce, de Clemenceau à Chance !, le Vendéen multiplie les rôles depuis presque dix ans. Fin février, il sera Lorenzaccio dans la nouvelle création de Jacques Raveleau-Duparc. Rencontre avec un boulimique de travail, profondément attaché à sa terre natale.
Thomas, pouvez-vous rappeler votre parcours ?
Je suis né en Vendée, aux Sables‑d’Olonne. Je me destinais à être graphiste. Mais depuis tout petit, j’avais une passion en moi : le théâtre. Pendant mes études, j’ai fait deux rencontres déterminantes : la première, avec Olivier Martin, créateur du Chabaret, un théâtre privé au cœur de la Vendée, aux Achards. J’ai rejoint sa compagnie d’amateurs, participé à de nombreuses pièces, jusqu’au Tour du monde en quatre-vingts jours (de S. Azzopardi), qui a vu la troupe devenir professionnelle. À l’époque, j’étais sur les planches le soir et sur les marchés pour aider ma famille le matin. Deux salles, deux ambiances ! Elles m’ont chacune beaucoup nourri.
Et la comédie musicale dans tout cela ?
Justement, c’est l’autre rencontre : celle avec Jacques Raveleau-Duparc (chanteur, compositeur, metteur en scène, ndlr), qui m’avait vu sur scène. Alors que je l’interrogeais sur des formations, il m’a proposé de travailler à ses côtés, avec Art Musical. L’été 2017 fut véritablement le début d’une aventure. J’ai pris des cours de chant, me suis formé sur le terrain, au contact de Yoni Amar, Fabrice Todaro, Dalia Constantin… Ils m’ont appris énormément ; leurs conseils, leurs techniques furent mon école ! Puis les choses sont allées très vite. J’ai été auditionné et choisi pour jouer dans Un cœur sauvage à Paris. Pour moi, le petit provincial, c’était inimaginable ! Le spectacle a été repris au Funambule Montmartre en 2019 pendant quatre mois.
Pourtant, après ce succès parisien, vous êtes revenu en Vendée ?
Oui, c’était naturel pour moi. J’y ai mes bases, humaines et artistiques. Depuis sept ans, j’ai la chance d’y enchaîner les spectacles, en partageant mon temps et mon enthousiasme entre le théâtre et le musical. Au Chabaret, lieu de création et de représentations, nos pièces ne restent pas à l’affiche durant des mois, il faut sans cesse renouveler et varier. Nous multiplions les saisons artistiques, en jouant sur place puis en tournant dans l’ouest. Ce fut Piège pour un homme seul de Robert Thomas, Le Limier, Paprika ou Oscar et la Dame rose, l’adaptation du célèbre roman d’Éric-Emmanuel Schmitt, que je joue encore partout en France. Dans le même temps, avec Art Musical, j’ai pu interpréter une multitude d’œuvres. Depuis Gilles de Rais, l’ombre et la lumière, j’ai participé à la création du spectacle Le Monde merveilleux de La Fontaine, à une nouvelle adaptation du Bourgeois gentilhomme, à la tournée Clemenceau et la Tranchée des baïonnettes… En 2022 à l’Odéon de Marseille, sous la direction musicale de Didier Benetti, je fus le premier rôle dans l’opérette-fantaisie Nos folles années de Jacques Météhen… Le Chabaret et Art musical sont deux structures avec un formidable esprit de troupe et de travail. Et qui se développent de plus en plus.
Finalement, la comédie musicale est devenue aussi importante que le théâtre pour vous ?
Je dois tout à Olivier Martin et à Jacques Raveleau-Duparc. C’est lui qui m’a encouragé, m’a fait découvrir la richesse de cet univers que je ne connaissais pas du tout ! J’ai réalisé combien on pouvait faire passer des émotions avec du chant. Les créations de Jacques sont du véritable théâtre musical. Un parfait mélange des deux. L’interprétation y est primordiale. J’ajoute qu’il y a une vraie force dans sa musicalité et ses compositions, qui permet de s’identifier aux personnages, de s’y attacher. Sans compter la puissance dramatique de ses spectacles. Lui qui a servi toute sa vie des opérettes, des livrets assez légers, se consacre désormais aux drames, ses dernières œuvres sont rarement joyeuses (rires). Il m’a d’ailleurs offert, il y a quelques années, le rôle de mes rêves : Marius dans Les Misérables, un musical que je porte depuis toujours dans le cœur.
Vous vous produisez beaucoup dans l’ouest, quel regard portez-vous sur le Paris artistique ?
Évidemment, Paris restera toujours Paris ! Il y a une vraie magie. Sur le plan culturel, je suis fasciné par la multitude d’offres, par les moyens, par la durée de vie des spectacles : quand on voit que les textes de Michalik sont toujours à l’affiche… ! Et je songe au Oliver Twist de Ladislas Chollat, au Cabaret des hommes perdus, que j’avais vu avec Denis D’Arcangelo, Patrick Laviosa et Jérôme Pradon, à Hello, Dolly! ou aux Misérables, vus tout deux cet hiver… Mais je suis convaincu qu’il y a une force de création énorme en province. La culture est notre richesse partout en France, malgré les vivres coupés dans ce domaine. Il faut créer, il faut monter sur scène ! L’an dernier au Théâtre Beaulieu de Nantes, avec Marlène Conan, Yoni Amar, Violaine Gallard, Olivier Collin, Jade Viards, Fabrice Todaro… nous avons séduit le public avec Chance ! d’Hervé Devolder.
En ce qui me concerne, je suis très heureux en Vendée, je n’ai pas envie d’abandonner mes projets ici ! Je pense aussi au festival de l’île Chauvet dont Jacques Raveleau-Duparc est le directeur artistique depuis vingt ans. Ces deux semaines d’été, axées sur l’opéra, l’opérette et la comédie musicale, rencontrent un vrai succès. J’y ai chanté Le Comte de Monte-Cristo, Jésus de Nazareth, et surtout l’été dernier Irma la douce avec notamment Laura Tardino, Florian Cléret, Gregory Juppin, Loïc Consalvo (Danseur sur Le Roi lion). Avant moi, Guillaume Fortineau, Fabien Ratier, Kevin Levy, entres autres, s’y sont produits dans Un de la Canebière, Bonchamps, la force du pardon, French Cancan… Les uns et les autres viennent de partout pour ce rendez-vous de l’amitié, on s’y retrouve en bande dans une formidable ambiance !
Parlez-nous de Lorenzaccio…
Cette œuvre historique ne lâche pas Jacques depuis qu’il a vu le spectacle à la Comédie-Française avec Francis Huster. Il a adapté le récit d’Alfred de Musset, en a écrit les chansons et composé les airs. Il y a du Shakespeare dans ce qui est un drame absolu : le combat de Lorenzo pour faire tomber la tyrannie. Le héros, d’abord sage, de bonne famille, est en fait torturé, dégoûté par le pouvoir, bien décidé à tuer Alexandre de Médicis, son cousin, dont la famille est au pouvoir à Florence depuis des générations. Au-delà de l’engagement de Lorenzaccio (le surnom péjoratif dont on l’affuble), toute l’intrigue de Musset se retrouve dans le spectacle, toute la subtilité des personnages, tous les enjeux autour de cet homme.
Jacques a réussi à créer un univers par la musicalité – c’est sa signature. Il y a toujours des underscores sur les scènes parlées, des thèmes pour souligner l’aspect tragique et… évidemment, le chant fait avancer l’intrigue. C’est un vrai pari qu’il prend en s’attaquant à un ouvrage peu connu du grand public.
Vous en êtes le rôle principal…
Je le travaille comme tous mes autres rôles. C’est d’ailleurs un premier rôle sans l’être car il y a, autour de lui, de nombreux personnages majeurs, des destins qui sont très importants. Nous nous tournons autour, c’est un ensemble !
Nous rejouerons le spectacle à l’Île-Chauvet à l’été 2025. En attendant peut-être d’autres dates, le spectacle le mérite !
Plusieurs projets se profilent aussi, notamment Rédemption, la comédie musicale de Guillaume Fortineau et Fabrice Todaro, un ouvrage qui parle de l’univers carcéral. L’enregistrement est terminé. Puis, il y aura Doudou Jazz Club, un musical un peu dans la veine de Avenue Q, avec Arthur Goux, pianiste de Chance !
De la chance… C’est vraiment ce que je me dis chaque matin, en songeant à mon quotidien et à tous ceux qui m’ont aidé dans mon parcours artistique.
Je trouve fabuleux de vivre mille vies dans une ! Depuis le Chœur des Coulisses, ma première compagnie de théâtre amateur, où j’ai commencé quand j’avais 6 ans, je vis mon rêve sur les planches. Ils furent mes premiers soutiens. Et que ce soit à Paris, en tournée, en Vendée, il ne se passe pas un jour où je ne pense pas à eux.