Hit Parade (Critique)

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Livret et mise en scène : Gré­go­ry Antoine
Livret : Bruno Gaccio
Choré­gra­phie : Cécile Chaduteau

Avec Tony Kinzinger, Mick­ael Leduc, Franck Vin­cent, Nico­las Vogel, Chris­telle Frege, Theo Salemk­our, Christo­pher Lopez

Résumé : Cette comédie musi­cale inédite va nous immerg­er dans la péri­ode du milieu des années 70, où la télévi­sion pre­nait un nou­v­el essor, plus fes­tif grâce à l’apparition de la couleur et des pre­miers grands pro­grammes de shows télévisés.
C’est à cette époque que naît TF1, suite à la dis­so­lu­tion de l’ORTF et à l’occasion de cet événe­ment, la chaine va organ­is­er de grands spec­ta­cles télévisuels.
C’est ici l’occasion de faire revivre en holo­gramme les stars adulées de l’époque qui sont encore bien présentes au quo­ti­di­en dans les médias et ont encore des cen­taines de mil­liers de fans inscrits… Les spec­ta­teurs sont entraînés dans l’excitation d’une des pre­mières émis­sions de télévi­sion en direct et en pub­lic et vont en décou­vrir les répéti­tions, les pré­pa­ra­tions, et les couliss­es. Amour, humour, magie, ten­dresse, émo­tion, chan­sons live, fête et danse seront les ingré­di­ents essen­tiels de cette comédie musi­cale d’un nou­veau genre.
Les pos­si­bil­ités de l’hologramme sont sans lim­ites. Les décors ou effets spé­ci­aux util­isés dans le scé­nario pour sub­limer les artistes dépasseront l’imagination des plus grandes comédies musi­cales actuelles.

Notre avis : Hit Parade fait par­tie des spec­ta­cles musi­caux mastodontes cal­i­brés pour plaire à un large pub­lic. Les spec­ta­teurs, pour la plu­part, vien­nent écouter des airs pop­u­laires d’interprètes dis­parus et aus­si voir, avec une curiosité légitime, si la magie de ces vedettes recréent par ordi­na­teur fonc­tionne. Bilan ? Mit­igé, pour le moins. En fait une dichotomie fon­da­men­tale baigne cette pro­duc­tion qui provoque égale­ment une réflex­ion qua­si méta­physique, n’ayons pas peur des mots !

Le tra­vail, que l’on imag­ine titanesque, des tech­ni­ciens vidéo impres­sionne, à coup sûr. Dès l’ouverture les acteurs réels se mêlent à d’autres, en pro­jec­tion. Avant l’arrivée des avatars des stars sur scène, nous pou­vons les voir de dos, dans des vignettes qui met­tent en place l’intrigue, en l’occurrence Claude François a décidé de pass­er à la vitesse supérieure en matière d’émission de var­iété télévisée et con­va­inc ses trois amis de par­ticiper à une opéra­tion où la tech­nique prime afin d’en met­tre plein la vue au pub­lic (la petite mise en abîme est amu­sante, mais du coup les auteurs décu­plent l’attente des spec­ta­teurs). Des per­son­nages réels, tech­ni­ciens, choré­graphe, syn­di­cal­iste, grouil­lot, com­poseront l’ossature d’une dra­maturgie très faible, les spec­ta­teurs sont con­viés comme étant les cobayes pour assis­ter à la répéti­tion de ce qui sera la grande émission.

Autant dire que, et c’est pal­pa­ble, le pub­lic retient son souf­fle lorsqu’on annonce l’arrivée de Claude François. Et là pata­tras… Une fois encore, le tra­vail dément des tech­ni­ciens n’est pas remis en cause, mais le résul­tat ne con­va­inc guère. Men­tion spé­ciale pour Sacha Dis­tel, dont on peine à devin­er les traits. En out­re ces pro­jec­tions ne peu­vent évoluer que dans un espace restreint. Cela peut fonc­tion­ner dans un cer­tain cadre dra­maturgique, mais lim­ite totale­ment le « jeu » avec les acteurs réels. En out­re ces pro­jec­tions sont très éloignées du bord de scène, pour des raisons tech­niques évi­dentes, ce qui fait qu’il faut vrai­ment pliss­er des yeux pour apercevoir les fig­ures mou­vantes. Que dire des spec­ta­teurs instal­lés au fond de la salle ?

La réflex­ion méta­physique arrive alors… En effet nous pou­vons nous inter­roger sur la déon­tolo­gie de ce genre de pra­tique (bien enten­du tous les ayants droits ont don­né leur accord, mais cela ne fait pas tout) et sur la « magie » d’un spec­ta­cle qui ferait davan­tage appel à l’imagination du spec­ta­teur plutôt que d’essayer de coller au plus près à des attentes impos­si­bles : celles de ressus­citer les morts, y com­pris par un biais virtuel. Il faut alors savoir ce que l’on attend en assis­tant à ce type de spec­ta­cle. Vraisem­blable­ment une par­tie du pub­lic se réchauffe aux sou­venirs de shows du type Salut les copains ou Stars 80. Nous pou­vons com­pren­dre facile­ment le trou­ble ressen­ti par des fans de ces artistes d’avoir le sen­ti­ment de les retrou­ver. Notons par exem­ple que la présence de Mike Brant*, cap­tive (parce que juste­ment peu d’effets sont déployés dans son inter­pré­ta­tion post mortem de « Dis lui »). Mais force est de con­stater que rien ne vaut une actrice ou un acteur vivant, rien ne rem­place la stim­u­la­tion du spec­ta­teur par des arti­fices plus poé­tiques. Il est par ailleurs clair que la tech­nolo­gie ne cessera d’évoluer et que, peut être, un jour des holo­grammes capa­bles de se mou­voir sur toute une scène, provo­queront un engoue­ment. Les ques­tions se posent déjà au ciné­ma (avec la dis­pari­tion de Car­rie Fis­ch­er, un avatar repren­dra-t-il le flam­beau pour con­tin­uer à faire vivre son per­son­nage ?). Ces ques­tions méri­tent d’être posées.

Les courageux con­cep­teurs se sont donc lancés dans un pari bien risqué et le défi n’est pas relevé. Les ama­teurs de théâtre musi­cal ne pour­ront qu’être désarçon­nés par un réc­it très pau­vre aux dia­logues con­venus et sans relief (pour le coup). Et si l’on veut être tatil­lon, nous pou­vons aus­si nous éton­ner de la lib­erté prise avec la réal­ité : le spec­ta­cle se déroule en 1975 et pro­pose cer­tains airs… qui ne sont pas encore com­posés ou enreg­istrés. Toute­fois les pro­duc­teurs ont eu une idée maligne pour les spec­ta­teurs qui arrivent en avance. Pour les accueil­lir une suite de pubs des années 70/80 dans lesquelles fig­urent Coluche, Desprog­es, une bonne par­tie de la troupe du Splen­did. Le tout suivi par l’apparition de Denise Fab­re, qui endosse son rôle de speak­er­ine, et présente les excus­es de la chaîne pour l’interruption d’un pro­gramme en rai­son d’une panne de courant (le spec­ta­cle s’ouvre sur le générique d’une émis­sion de var­iété en noir et blanc, d’où l’idée de Claude François de mod­erniser tout ça). Panne de courant que doivent, en effet, red­outer plus que tout les tech­ni­ciens… Afin de ter­min­er sur une note plus pos­i­tive, pré­cisons que, visuelle­ment, avatars mis à part, le spec­ta­cle en met plein les yeux et l’hommage à toute une époque peut s’avérer touchant. Mais il aurait pu être envelop­pé avec plus de soin.

*pour les fans pré­cisons qu’un biopic a été prévu pour le ciné­ma et présente une par­tie psy­ch­an­a­ly­tique de la vie du chanteur, mais sa réal­i­sa­tion est mise à mal en rai­son de bis­billes avec les ayants droits.