L’Opéra de Toulon, on le sait, est habitué à programmer régulièrement des comédies musicales américaines peu connues du public français. Il n’est donc pas surprenant que, après Street Scene en 2010, Follies en 2013 et Sweeney Todd la saison dernière… ce soit Wonderful Town qui soit à l’affiche du théâtre provençal. On s’en réjouit même… puisqu’il s’agit de la création française de l’œuvre de Leonard Bernstein.
Que ce musical créé en 1953 ait tardé à trouver son chemin jusqu’à sa première scène dans l’Hexagone est peut-être à mettre sur le compte d’un livret à qui fait défaut le rythme d’une intrigue qu’on aimerait plus étoffée : deux sœurs débarquées de leur Ohio provincial s’installent à New York pour concrétiser leurs aspirations professionnelles et artistiques mais se retrouvent la proie d’hommes peu scrupuleux à tous égards. Les quelques revendications politiques qui surgissent au détour des lyrics, dont certaines sont pourtant encore d’actualité, se retrouvent noyées au milieu d’une histoire qui n’avance pas mais sert de prétexte à des numéros et à des portraits bien trempés.
En effet, la partition est surtout passée à la postérité pour ses songs et ses ensembles – « A Little Bit in Love », « Ohio », « A Quiet Girl », « Swing », « What a Waste », « Conga », « It’s Love », « Wrong Note Rag » –, de véritables pépites représentatives du talent du compositeur de West Side Story, capable aussi bien d’inventer d’inoubliables mélodies sensuelles ou nostalgiques qu’on sifflote sans retenue que de brillantes séquences rythmées d’inspiration jazzy ou latino-américaines qui donnent envie de danser jusqu’à épuisement.
La production toulonnaise exploite ces nombreux moments avec brio, sous la direction musicale de Larry Blank et la mise en scène d’Olivier Bénézech, dans des tableaux aux costumes et décors colorés, et aux chorégraphies enlevées et exécutées avec maîtrise. La magnifique équipe de comédien-ne‑s chanteur-se‑s est couronnée par le savoir-faire vocal et la justesse d’interprétation de Jasmine Roy dans le rôle de la sœur aînée, Ruth Sherwood, dont l’allure n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Rosalind Russell, la créatrice du rôle.
Trois dates seulement, les 26, 28 et 30 janvier, étaient programmées pour aller découvrir cette œuvre. Pour les retardataires et les absents, France Télévisions a réalisé une captation.