Siddhartha, l’Opéra Rock (Critique)

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Auteur-com­pos­i­teur : David Clément-Bayard.
Met­teur en scène-Scéno­graphe : Mag­da Hadnagy.
Arrangeur-Pianiste : Igor Bolender.
Avec INCA (Sid­dhartha), Axel Hir­soux (Anan­da), Célia de la Fontaine (Maya), Sebas­tiao Sara­m­a­go (Sud­dhod­hana), Melis­sa For­ton (Gota­mi), David Clé­ment-Bayard (Devad­dat­ta), Océane Berland (Yashodara), Julien Arcuri (Yasa Vanar), Cédric Chupin (Uru­vela),  Benoit Val­lic­cioni (Mara)…
Comé­di­ens d’action : Clé­ment Buzo, Gaë­tan Coulinge, Valentin Dubois, Meh­di Hadim, Nabil Hadim, Léopold Hauviller, Julien Meynier, Matéo Troianovski.

Il était une fois, il y a 2 500 ans, quelque part au nord de l’Inde, un jeune prince se nom­mant Sid­dhartha. Ayant per­du sa mère à sa nais­sance, il fut élevé par son père qui avait tracé pour lui les plans d’un des­tin scel­lé : être un grand roi. Mais Sid­dhartha avait un autre rêve : con­naître la véri­ta­ble nature de l’Homme. Tous ceux qui crois­eront sa route ver­ront le cours de leur des­tin chang­er de fond en comble. Cet être à part, au regard de braise et au cœur infi­ni, dés­in­té­gr­era tour à tour les « arti­fices » de leurs per­son­nal­ités, afin qu’ils devi­en­nent tou­jours plus vrais, tou­jours plus aimants…

Notre avis:

Titre mécon­nu, thème trop cli­vant, équipe inex­péri­men­tée… Depuis un an, tout a été dit (mais pas écrit !) sur Sid­dhartha l’Opéra Rock. Un voile de mys­tère entourait cette créa­tion dont beau­coup attendaient le lance­ment. Avec impa­tience, ou scepticisme…
N’en déplaise aux grincheux et aux puristes, le show, sor­ti de nulle part, est pour­tant en passe d’avoir déjoué – en par­tie – tous les pronos­tics, et gag­né son pari. Ce dont on ne peut que se réjouir pour toute la troupe qui s’est investie depuis des mois. Sid­dhartha l’Opéra Rock offre un superbe voy­age musi­cal au pays de Boud­dha, un voy­age de couleurs, de lumières et de voix, une par­en­thèse his­tori­co-spir­ituelle réussie.
Présen­té depuis le 26 novem­bre, au Palais des Sports, ce qu’il faudrait plus juste­ment appel­er un « Opéra Pop » nous emmène en Inde sur les traces de ce petit homme devenu Boud­dha, ce petit prince devenu un géant, rég­nant non sur un roy­aume, mais sur le monde. Des­tiné à diriger, à user de son pou­voir et de sa richesse, il a choisi l’humilité et le dénue­ment, enseignant sa médi­ta­tion, tou­jours en vogue 2 500 ans après. Vul­gar­isant, sans la trahir, l’histoire de ce per­son­nage hors normes, les créa­teurs en ont fait une vaste fresque inté­grale­ment chan­tée. Sans effets super­flus ni rem­plis­sage fourre-tout, comme c’est sou­vent le cas dans les grandes pro­duc­tions français­es de ces dernières années, Sid­dhartha joue au con­traire la carte de la sobriété. Pas l’ombre d’un écran vidéo ou d’images de syn­thèse (enfin !), mais, en guise de décors : de vastes et splen­dides toiles rétro-éclairantes, qui rap­pel­lent l’opéra. Elles pren­nent vie sous des lumières mag­nifiques, et du palais roy­al à la forêt de Bod­hgaya, la scéno­gra­phie est superbe. Par­fois vide durant la pre­mière par­tie, la scène change d’ailleurs lit­térale­ment de dimen­sions après l’entracte, accueil­lant un immense banyan haut de huit mètres (au pied duquel le héros médi­ta durant sept ans). Impressionnant.
De la nais­sance de Sid­dhartha à son apogée, les tableaux alter­nent, entre duos touchants (notam­ment entre le prince enfant et son père) et chœurs puis­sants, dans un bal­let de saris et de tuniques aux mille couleurs. Ponc­tu­ant le réc­it, huit comé­di­ens d’action enchaî­nent fig­ures et cas­cades avec une facil­ité décon­cer­tante, se jouant des lois de la grav­ité. Ils décol­lent, tan­dis que les voix s’envolent.

Soyons hon­nête : l’absence d’intrigue et de rebondisse­ment dans le réc­it entraîne de vraies longueurs – on se sur­prend plusieurs fois à regarder sa mon­tre – et il faut par­fois s’accrocher pour suiv­re l’histoire. De même, on regrette la faib­lesse de cer­tains textes. Com­pen­sant l’ab­sence de scènes par­lées, les tran­si­tions chan­tées – des­tinées à faire avancer le réc­it – tranchent franche­ment avec tous les titres du show par leurs paroles et leurs rimes sim­plistes. C’est dom­mage. Des titres, à dom­i­nante pop, dont les airs, faciles, se reti­en­nent. David-Clé­ment Bayard n’est évidem­ment pas Sond­heim, mais les chan­sons qu’il a com­posées sont mélodieuses, ryth­mées et effi­caces. Par­faite­ment adap­tées à ce genre de show. Surtout, elles met­tent en valeur les voix des artistes. Car la véri­ta­ble réus­site de Sid­dhartha est bien là : la dis­tri­b­u­tion n’ap­pelle aucune cri­tique vocale­ment. Mieux qu’un sans-faute, c’est incon­testable­ment un régal. La pléi­ade de nou­veaux tal­ents et de néo­phytes du genre assurent impec­ca­ble­ment, et les ensem­bles à vingt voix sont pro­pres et har­monieux. Sans sur­prise, Sebas­tiao Sara­m­a­go (We Will Rock You, Tom Sawyer), Cédric Chupin (Cats) et Sébastien Duchange (Le Livre de la jun­gle), rodés aux spec­ta­cles musi­caux, sont les plus à l’aise, alliant puis­sance vocale et justesse du jeu. Respec­tive­ment sur « Maya », « Je suis pour », « Naître et mourir », ils maitrisent l’art de la scène et du geste théâ­tral sur le grand plateau du Palais des Sports. Melis­sa For­ton n’est pas en reste avec un très bel « Amour manquant ».
Mais, comme Regard en Coulisse l’avait déjà sen­ti en 2015, le qual­i­fi­ant alors de révéla­tion, LA fig­ure du spec­ta­cle est bien INCA. Remar­quable et évi­dent Boud­dha, sa voix – aux faux-airs de Bal­avoine – monte dans les aigus avec puis­sance et lim­pid­ité. À en touch­er le Ciel. Charis­ma­tique, juste dans son inter­pré­ta­tion, d’où se déga­gent douceur et bon­té, INCA, présent sur le plateau la qua­si-total­ité du show, le porte sur ses épaules et au bout de ses notes. Lorsqu’il attaque le refrain de « Seras-tu fier », plus une épaule ne bouge dans la salle, un fris­son par­court le pub­lic et cha­cun retient son souf­fle. Sauf lui.
Avec toute la troupe, il peut se tar­guer d’avoir fait men­tir les mau­vais­es langues, et tous peu­vent marcher la tête haute. Sur les voix de la sagesse, et du suc­cès. Sid­dhartha est un beau spec­ta­cle musi­cal. Dont on sort heureux, apaisé, et qui sait, peut-être un peu meilleur. Voilà, c’est dit. Et au moins, c’est écrit.

Siddhartha, l’Opéra Rock.
Dès le 26 novembre au Palais des Sports de Paris.
Toutes les infos sur : http://siddharthaloperarock.com/

Réservations sur le site du Palais des Sports.

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