Benjamin Legrand : le passé nourrit le présent

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Le fils de Michel Legrand, tout en poursuivant les hommages à son père, n'en trace pas moins son propre chemin. Disques, tournées et projets au menu...

Quelle est votre actualité ?
Un disque enreg­istré en pub­lic avec le groupe brésilien Lune et Soleil vient de sor­tir. Il com­bine trois langues – français, anglais et brésilien – et regroupe des chan­sons de mon père, mais aus­si de Car­los Jobim, des stan­dards et aus­si quelques chan­sons orig­i­nales écrites avec le leader du groupe, avec qui j’ai fait un précé­dent album. Nous nous con­nais­sons depuis une ving­taine d’années et avons dévelop­pé une bonne com­plic­ité. Dans le pre­mier opus, j’ai mis des paroles sur des musiques de Louri­val Sil­vestre. Ce disque est le reflet d’une tournée en Picardie, en sor­tant le meilleur des con­certs qui avaient été enreg­istrés. Vous y trou­verez des impro­vi­sa­tions vocales de type scat, que j’adore faire… Je tiens cela de mon père. C’était en 2019 à la bonne époque !

Il est égale­ment ques­tion d’un DVD…
En effet. Il est prêt, mais nous atten­dons Noël prochain pour sor­tir cette cap­ta­tion d’un con­cert fait avec mon père en quin­tet, enreg­istré lors d’une tournée en 2008 à Mont­louis lors du fes­ti­val Jazz en Touraine. Le souhait de le pro­pos­er au grand pub­lic est une volon­té con­jointe : mon père était fier de ce con­cert, nous étions entourés d’une très belle équipe. Le pro­gramme est com­posé de titres de mon père et d’autres que nous avons coécrits. Cela offre un panaché intéres­sant, ça swingue bien !

Vous avez sou­vent tra­vail­lé avec votre père ?
Oui car, pour mes débuts, j’ai beau­coup col­laboré avec lui. Nous avons beau­coup voy­agé et tra­vail­lé avec des for­ma­tions très divers­es, jusqu’à l’orchestre sym­phonique. Je me suis imprégné des ambiances, j’ai inté­gré beau­coup de choses, emma­gas­iné des images, des sen­sa­tions qui m’ont per­mis de trou­ver mon pro­pre chemin. Ce fut un appren­tis­sage hors norme. L’exigence de mon père dans le tra­vail fut un enseigne­ment. J’ai eu le sen­ti­ment de m’améliorer en étant à la meilleure école possible.

La musique a fait par­tie inté­grante de votre vie ?
J’ai quit­té école assez tôt. À 15 ans j’ai étudié le piano clas­sique, le solfège. La bat­terie avait ma préférence, ce qui m’a per­mis d’accompagner mon père. Cet appren­tis­sage ryth­mique était par­fait. J’ai égale­ment pris des cours chant avec ma tante Chris­tiane. J’ai tou­jours chan­té, ma voix a pris de l’ampleur, je me suis alors dit que je pou­vais en faire quelque chose de cor­rect. À 23 ans j’ai mon­té mon pre­mier trio de jazz. De disque en fes­ti­val, les choses se sont mis­es en place. J’ai égale­ment pris des cours de théâtre, tra­vail­lé au ciné­ma. J’ai un peu tâton­né avant de me met­tre vrai­ment dans la chanson.

Quels sou­venirs con­servez-vous du tour­nage du film de Jacques Demy ?
L’Événement le plus impor­tant depuis que l’homme a marché sur la lune n’a pas bien marché, ça n’a pas pris. Le sujet – un homme qui tombe « enceint » –, la façon de le traiter sous une forme légère, n’a pas ren­con­tré l’adhésion du pub­lic. Jacques m’a demandé de jouer l’enfant de Cather­ine Deneuve et Mar­cel­lo Mas­troian­ni. Quelle expéri­ence for­mi­da­ble, enrichissante ! Ce qu’il m’en reste, ce sont des sou­venirs extra­or­di­naires. Si je con­nais­sais Cather­ine pour l’avoir sou­vent vue sur le tour­nage de Peau d’âne, tourné près de notre mai­son, j’ignorais quel mon­stre sacré était Mar­cel­lo. Il m’impressionnait d’autant moins que c’est moi qui, tous les matins, gon­flais son faux ven­tre ! Je me sou­viens qu’Alice Sapritch me ter­ri­fi­ait car je l’avais vue dans Fol­coche à la télévi­sion. Quand le film est sor­ti, je n’étais pas peu fier de m’en van­ter auprès de mes petits cama­rades, qui me maud­is­saient d’autant plus que j’avais loupé la classe pour le tour­nage. Cather­ine Deneuve m’aidait à faire mes devoirs, Jacques fai­sait par­tie de la famille, tout s’est passé dans la joie et la bonne humeur. Je me sou­viens que plusieurs fins ont été tournées : dans l’une d’elle, Mar­cel­lo accouchait… mais les pro­duc­teurs ont opté pour une fin plus consensuelle..

Quel rap­port entretenez-vous avec le monde de la comédie musicale ?
J’ai baigné dedans puisque j’ai pas mal vécu aux États-Unis, à New York et à Los Ange­les. Il m’a donc été pos­si­ble de voir des pro­duc­tions de West Side Sto­ry, de Sin­gin’ in the Rain, mais aus­si de nom­breux musi­cals de Stephen Sond­heim. Le pro­fes­sion­nal­isme améri­cain m’a tou­jours mar­qué. Ils sont vrai­ment forts ! J’ai aimé assis­ter à cer­tains tour­nages des films musi­caux de Jacques Demy. C’était orig­i­nal et com­pliqué à l’époque de faire ces œuvres dev­enues des clas­siques. Gene Kel­ly venait sou­vent à la mai­son, il m’apprenait trois pas de danse dans le jardin avant de jouer au ping-pong. Il faut dire qu’à Hol­ly­wood de nom­breuses stars venaient chez nous. Ce n’est qu’en gran­dis­sant que j’ai com­pris qui ils étaient et leur impor­tance. J’ai de très beaux sou­venirs avec Bar­bra Streisand qui venait pour tra­vailler. Et Tony Benett… un homme extra humaine­ment. Tout cela m’a construit.

Quels sont vos souhaits ?
Pour l’avenir, j’aimerais que nous sor­tions de cette impasse et que les artistes et les tech­ni­ciens puis­sent de nou­veau faire leur tra­vail. De mon côté, les envies ne man­quent pas, comme un disque avec Philippe Baden Pow­ell, le fils du célèbre musi­cien, qui tra­vaille avec Melody Gar­dot. Lorsque son père était encore avec nous, nous avons enreg­istré tous les trois ce qui fut son dernier disque : Sam­ba in Pre­lu­dio –/ Quand tu t’en vas. Ce nou­veau pro­jet est en attente, c’est usant… Mais ayons foi en demain !

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