Comment un chef d’orchestre français d’opérettes s’est-il retrouvé à New York, rêvant de composer pour Broadway ? C’est l’histoire sensationnelle de François Courdot (1919–1968), jusqu’à ce jour largement méconnu du grand public, et pourtant artiste incontournable à l’œuvre singulière et à la vie fantasque.
Grâce au travail précis du biographe James McGraff et aux découvertes récentes de quelques rares partitions, Contre-Temps est un biopic musical sur cet artiste français exilé en Amérique. À travers la vie épatante et fantasque de François Courdot, Contre-Temps est une plongée euphorique dans l’histoire de l’opérette et de la comédie musicale au XXe siècle, richement illustrée par des airs du répertoire ainsi que par des extraits en création mondiale de l’œuvre singulière de cet artiste hors-norme.
Après Comédiens ! et L’Homme de Schrödinger, la nouvelle pépite théâtro-musicale de l’équipe aux neuf Trophées de la comédie musicale. Théâtre, jazz, opérette, histoire, comédie musicale, romance, biographie, voyages… il y a mille raisons d’aimer Contre-Temps. Et derrière la vie de François Courdot s’ouvre aussi une réflexion sur la place de l’artiste créateur, et l’ouverture du débat sur la possible cohabitation entre divertissement et positionnement idéologique.
Notre avis : Il fallait bien toute l’opiniâtreté et la malice conjuguée d’Éric Chantelauze et de Samuel Sené pour faire découvrir au public François Courdot, cet artiste français quasi inconnu et lui rendre ainsi un hommage plus que vibrant. Enfant surdoué, épatant tellement sa mère qu’elle sut l’imposer auprès de l’impressionnante Nadia Boulanger, tout semblait sourire à ce musicien qui parvint à décrocher le prix de Rome – séjour romain interrompu par la Seconde Guerre mondiale – puis partit avec son mentor aux États-Unis, où son talent aurait pu s’épanouir. Le spectateur est invité, donc, à parcourir un destin hors norme, où la facétie le dispute au tragique, grâce à un fabuleux trio qui, sur scène, détaille tous les contours d’une personnalité fascinante. Marion Preïté et Marion Rybaka invitent à imaginer cette vie que l’on visualise sans peine. L’amitié avec Leonard Bernstein, rencontré chez Nadia Boulanger, à qui François trouva le surnom de « Lenny », l’amour fou avec la cantatrice Sarah Langman, qu’il lui souffla d’ailleurs, la découverte du Nouveau Monde et du jazz, la direction d’opérettes dans laquelle on le cantonne – et qu’il trouve niaises –, son souhait de s’émanciper par ses propres créations, de donner au public des œuvres exigeantes, susceptibles de faire réfléchir. Sans parler de sa vie amoureuse tortueuse, d’une certaine aigreur qui finit par s’installer – ses incartades lors de représentations de comédies musicales ou la manière dont il revisite des classiques reflètent, si besoin était, un caractère bien trempé, puis une inexorable descente aux enfers. Il vous faut venir découvrir cet homme incroyable. Au piano, Raphaël Bancou ne se contente pas d’égrener les airs dudit compositeur ou de ses pairs, mais il lui arrive de les commenter avec la science du musicologue. Autant dire que ce trio se délecte en racontant cette histoire, fort bien écrite, dotée d’une mise en scène sobre et précise. Et le spectateur de se laisser guider, il se laisserait presque mener par le bout du nez, avec un plaisir fort vif. Une comédie musicale présentée dans un fort bel écrin, celui du Studio Hébertot, qui sied parfaitement à honorer la mémoire de François Courdot. Un spectacle inventif et jubilatoire que nous vous conseillons chaleureusement de découvrir.