Opérapiécé

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Le Lucernaire - 53, rue Notre-Dame-des-Champs - 75006 Paris.
Du 8 décembre 2021 au 30 janvier 2022 : du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 17h30. Relâche les 25 décembre 2020, les 1er, 13 et 22 janvier 2022.
Durée : 1h10.
Réservations et renseignements sur le site du Lucernaire.

Opérapiécé met en scène des thèmes très con­nus de la musique clas­sique instru­men­tale : Vival­di, Grieg, Strauss, Tchaïkovs­ki, Mendelssohn, Debussy, Rav­el, Fau­ré, Albi­noni, Schu­bert, Brahms, Beethoven, Ver­di… Ils sont venus, ils sont tous là et on en fait un opéra ! L’autre grande orig­i­nal­ité de ce pro­jet est le choix de l’accordéon pour accom­pa­g­n­er tout le spec­ta­cle. Il ajoute une couleur inédite à tous les thèmes clas­siques revis­ités et mis en paroles. Entière­ment chan­té, Opérapiécé nous par­le avec drô­lerie de la vie d’artiste dans ce qu’elle a par­fois de pré­caire mais surtout de tout le plaisir du jeu et du partage qu’elle offre aussi.
C’est une tranche de vie : celle de deux chanteuses en mal de con­trats. Inquiètes pour leur avenir, elles font néan­moins leur méti­er pour jouer devant le pub­lic l’histoire de la ren­con­tre d’une artiste débu­tante et d’un per­son­nage plus trou­ble. Dans Opérapiécé, lib­erté de style, fraîcheur, mais aus­si rigueur musi­cale et inven­tiv­ité s’allient pour offrir à des thèmes clas­siques illus­tres un rôle inédit à jouer !

Notre avis (paru lors de représen­ta­tions de jan­vi­er 2020 au Théâtre Essaïon) : Cette tranche de vie est un régal de finesse et de créa­tiv­ité. On suit cette jeune femme un peu naïve, mal­menée par une com­plice plus ambiguë, dans les méan­dres de son exis­tence, entre envie de réus­sir, ami­tié, amour, jalousie, trahi­son, manip­u­la­tion, décep­tion et déter­mi­na­tion. Ce par­cours – dont la nar­ra­tion pour­rait gag­n­er à être plus élaborée, mieux bal­isée – se des­sine de bout en bout en chan­tant. Pour cela, des paroles ont été écrites sur des airs clas­siques qui n’en ont jamais eues, et d’autres ont été ajoutées, détournées ou inven­tées pour rem­plac­er celles des chan­sons de var­iété qu’on con­naît si bien. Si le procédé n’est pas nou­veau – sur­pren­dre le pub­lic par des jux­ta­po­si­tions inat­ten­dues et des relec­tures cocass­es –, le mélange des gen­res est ici mené avec beau­coup de per­ti­nence dans le choix des mots et des morceaux des dif­férents réper­toires, et une flu­id­ité maîtrisée dans les nom­breuses tran­si­tions et les mul­ti­ples clins d’œil.
Le mérite en revient aux deux con­cep­tri­ces du spec­ta­cle, qui en sont aus­si les inter­prètes vocales, Aurore Bous­ton et Mar­i­on Lépine (toutes deux déjà appré­ciées dans Do Ré Mi Fash­ion). Deux physiques, deux per­son­nal­ités, deux tim­bres, qui se super­posent, s’éloignent, s’opposent. Et on n’est jamais autant séduit que lorsque leurs deux voix s’accordent, que leurs clowner­ies se font écho et que leurs présences se com­plè­tent, par exem­ple en mode copines éméchées swinguant sur du Brahms.
On savait déjà l’accordéon syn­onyme du Paris canaille et de la chan­son pop­u­laire ; on décou­vre qu’il peut aus­si, sous des doigts experts et dans des tran­scrip­tions réussies, ren­dre jus­tice à du Debussy sen­ti­men­tal, à du Tchaïkovsky sur pointes ou à du Beethoven sym­phonique. Ce soir, la sil­hou­ette fluette de Mar­i­on Buis­set, har­nachée de son piano à bretelles dont elle maîtrise tous les recoins et déam­bu­lant seule sur scène le temps d’interludes, comme une res­pi­ra­tion lunaire, ajoute une touche d’étrangeté et de poésie bienvenue.
Des cos­tumes et des acces­soires joli­ment car­ac­térisés, une énergie inépuis­able et, surtout, l’intelligence d’une musi­cal­ité au ser­vice d’une jovi­al­ité et d’un humour qui ravis­sent le pub­lic dès les pre­mières mesures, font de cet Opérapiécé un très agréable moment de fraîcheur et de rire. Opérallez‑y sans hésiter !

©Agathe Deusy
©Agathe Deusy

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