Trois personnes se retrouvent enfermées ensemble dans une même pièce. Leur présence n’est manifestement pas due au hasard… Petit à petit, le regard de l’Autre se mue en miroir insidieux où chacun est mis face à sa propre monstruosité et ses insupportables faiblesses, brouillant ainsi les frontières des genres et des identités.
Quand les mots ne suffisent plus, la musique est là, grinçante et lancinante, pour exacerber la violence de leurs émotions.
Notre avis : Peut-être n’aurions-nous pas dû relire la pièce de Jean-Paul Sartre juste avant… Car, même pour ce qui est clairement annoncé comme une adaptation, le compte n’y est pas et, au jeu des sept erreurs, l’original est nettement plus prégnant.
Tout d’abord, pourquoi faire jouer les trois protagonistes de la pièce originale – deux femmes et un homme – par trois artistes du sexe opposé en conservant leurs noms, leurs genres, leurs textes ? Il nous a semblé que cela faussait complètement leurs rapports de dominance et de prédation. Ensuite, pourquoi verser dans une esthétique vaguement gothique alors que, précisément, le texte dit que l’enfer, ce n’est pas le soufre ni le gril ? Bien sûr, les coupures sont naturelles voire bienvenues dans une adaptation, donc s’affranchir des divers objets qui peuplent le décor chez Sartre se comprend quand on ne nous donne à voir ici que des cubes noirs sur scène, mais pourquoi alors avoir gardé une mention à la couleur « vert épinard » du canapé du texte original ? Plus problématique, le final nous a paru un contre-sens : laisser le spectateur imaginer que les protagonistes vont continuer à s’écharper physiquement alors que, précisément, ils sont déjà morts et que les coups de poings sont sans effet – c’est justement la violence psychologique qui est au cœur de l’œuvre.
Dans le théâtre musical, l’insertion de chansons entre parties parlées a fait ses preuves : elles permettent d’exalter, d’amplifier les sentiments et les réactions, de se confesser, d’invectiver, de s’interroger… Et c’est bien le cas ici, mais, en dépit de chansons originales et du travail évident sur les harmonies, les ambiances et le mélange des voix, il nous a semblé que, trop souvent, ces passages en musique sonnaient comme une redite ou une explication de texte.
Il est toujours agréable d’entendre et de voir de la musique jouée en direct, surtout lorsque c’est le compositeur lui-même qui monte sur scène – et en profite pour reprendre très partiellement et dans l’esprit seulement le bref rôle du Garçon d’étage imaginé par Sartre. Les trois comédien·ne·s s’investissent visiblement dans leurs personnages pour en faire sortir toute leur noirceur, leur perversité, réussissant à créer plusieurs moments de tension palpable, mais sans nous convaincre totalement dans la continuité – peut-être sommes-nous restés bloqués sur cette histoire d’inversion des sexes…
S’attaquer au Huis clos de Sartre, et sa minutieuse construction tout en crescendo et en puzzle – dans une atmosphère pesante mais non sans humour –, constitue inévitablement un défi. L’approche très personnelle du collectif L’Œuf ou l’Humain séduira peut-être celles et ceux qui n’auront pas relu la pièce de Jean-Paul Sartre juste avant…