Le Soldat rose

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Le Grand Rex – 1, boulevard Poissonnière, 75002 Paris.
Du 20 octobre au 5 novembre 2023.
Renseignements et réservations sur le site du Grand Rex et sur le site du spectacle.

À l’oc­ca­sion de ses 15 ans, Le Sol­dat rose fait son grand retour sur scène dans une nou­velle mise en scène excep­tion­nelle au Grand Rex à l’au­tomne 2023, et en tournée dans toute la France.

C’est l’histoire du petit Joseph, qui, lassé du monde des adultes, se réfugie dans un grand mag­a­sin pour vivre avec les jou­ets. Lorsque la nuit tombe, caché dans un ray­on, il voit alors les jou­ets s’animer. Joseph va alors crois­er plusieurs per­son­nages qui l’observent avec éton­nement. Un jou­et sort du lot : le Sol­dat rose. Il est depuis de longues années dans le grand mag­a­sin, car per­son­ne ne veut de lui. Les garçons n’aiment pas sa couleur rose et les petites filles ne veu­lent pas d’un sol­dat. Joseph va vivre, le temps d’une nuit, une aven­ture extra­or­di­naire à par­courir les rayons à la ren­con­tre de tous ces per­son­nages avec « ses yeux d’enfant ».

Notre avis : Depuis toutes ces années, Le Sol­dat rose reste un titre plutôt atyp­ique dans l’u­nivers des spec­ta­cles tous publics. À l’in­star d’un opéra rock, ce con­te musi­cal est né sous la forme d’un album con­cept, paru en 2006, aux sonorités adultes signées Louis Ché­did et aux paroles élaborées de Pierre-Dominique Bur­gaud – et illus­tré par Cyril Hou­plain. Sur scène, il devient un enchaîne­ment de chan­sons entre lesquelles ont été insérés des dia­logues à des­ti­na­tion des enfants. Avec quelques écueils inhérents à ce type de genèse : le rythme perd ici ou là de la vigueur, notam­ment lorsque l’après-entracte s’ou­vre sur deux titres lents voire tristes ; et la durée totale ressen­tie excède la réal­ité, la faute à un fil con­duc­teur plutôt ténu, quand d’autres diver­tisse­ments conçus pour les enfants mul­ti­plient les rebondisse­ments ou s’ap­par­entent à des enquêtes, des chas­s­es au trésor…

©Cédric Vas­nier

Ici, la décou­verte du monde par le petit Joseph, son voy­age, se fait dans le huis clos d’un grand mag­a­sin fer­mé pen­dant la nuit. Quel pur bon­heur pour cet enfant, qui s’est caché au ray­on des jou­ets parce qu’il trou­ve que « le monde des grands est trop petit » et qu’il « manque de poésie » ! Les tableaux se suc­cè­dent : cha­cun des jou­ets en ray­on s’anime, se présente, se racon­te comme pour ouvrir la con­science de l’en­fant à un sen­ti­ment, une valeur de la vie, une réal­ité. Et par­fois de la façon la plus crue, comme en témoignent les paroles de « Made in Asia » qui rap­pel­lent que les jolies poupées ont été fab­riquées par des « enfants qui tra­vail­lent jour et nuit à l’u­sine » et cousues « par une petite fille qui n’a que la rue pour famille à l’âge où l’on est porce­laine » et qui « ne pleure même plus mal­gré ses doigts qui saig­nent ». D’ailleurs, d’autres paroles, sans être à ce point lugubres, puisent dans un reg­istre d’habi­tude réservé aux plus grands : le Gar­di­en de nuit « garde un revolver jusque dans [sa] baig­noire », le Sol­dat rose demande qu’on mette « tous [ses] bisous dans des col­is human­i­taires » après avoir mul­ti­plié les rimes en ose : « névrose, anky­lose, sclérose, psy­chose, ecchy­moses… » Plus acces­si­bles à tous les âges, quelques allu­sions à l’é­colo­gie pointent leur nez. Et on salue ce qui transparaît du titre emblé­ma­tique, à savoir une ode à la dif­férence, à l’in­star de ce Sol­dat rose dont per­son­ne ne veut, qui reste inven­du en ray­on, car trop rose pour les garçons et trop sol­dat pour les filles. De là, la ques­tion du genre s’in­vite aus­si : dans cette mise en scène, Cousin Puz­zle fleure bon les deux sex­es, mais, assez curieuse­ment, la bande des jou­ets se moquera gen­ti­ment de la poltron­ner­ie d’un des leurs, le super-héros, en lui scan­dant qu’il est « un jou­et de filles » ; et ils nous rap­pel­lent aus­si, un peu plus tard en chan­son, qu’« il n’y a pas plus récon­for­t­ant qu’un papa, une maman »… Atyp­ique, disions-nous ! Mais, au fond, on ne s’at­tarde guère sur ces con­sid­éra­tions de spec­ta­teur adulte qui ne font que pass­er et se lais­sent bal­ay­er par le tour­bil­lon du diver­tisse­ment vu par des yeux d’en­fant. Et c’est l’amour qui triomphera !

©Cédric Vas­nier

Le spa­cieux plateau du Grand Rex per­met à une somptueuse scéno­gra­phie très col­orée de s’é­panouir et de briller de milles feux. De mag­nifiques cos­tumes riche­ment conçus con­tribuent à l’émer­veille­ment et à la féerie qui domi­nent dans cette nou­velle mise en scène de Julien Alluguette. Les huit artistes, aux­quels il faut ajouter la Voix du grand mag­a­sin de Céline Mon­sar­rat – la voix française de Julia Roberts –, sont toutes et tous for­mi­da­bles et s’en don­nent à cœur joie pour don­ner vie à leurs per­son­nages : tim­bres, into­na­tions, pos­tures, énergie. Sans oubli­er ce qu’il faut de choré­gra­phies, signées Yohann Têté, pour offrir un régal de comédie musicale.

Visuelle­ment très réus­si, ce Sol­dat rose rav­it les petits, qui rêvent de s’a­muser avec des jou­ets grandeur nature, et les grands, qui se glis­sent dans des chan­sons tou­jours aus­si agréables à écouter.

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