La Haine

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La Seine Musicale – Île Seguin, Boulogne-Billancourt.
À partir du 10 octobre 2024.
Renseignements et réservations sur le site de la Seine Musicale.

Il y a près de trente ans sor­tait le film culte La Haine de Math­ieu Kasso­vitz, sym­bole d’une généra­tion, grand clas­sique du ciné­ma français, révélé et récom­pen­sé au Fes­ti­val de Cannes 1995, puis par trois prix dont celui du meilleur film aux Césars. Encen­sé par la cri­tique, y com­pris à l’international, sus­ci­tant l’admiration de per­son­nal­ités comme Steven Spiel­berg qui déclare « ador­er le film ».

En 2024, Kasso­vitz est de retour avec une créa­tion vivante et immer­sive. Le réal­isa­teur revis­ite l’histoire de son film culte en l’adaptant sur scène et souligne le car­ac­tère éminem­ment actuel du film.

Le 31 mai 1995, Math­ieu Kasso­vitz met­tait à l’écran et pour la pre­mière fois les ban­lieues. Un film porté par trois acteurs (Vinz, Said et Hubert) encore incon­nus au bataillon.

L’histoire de ces trois jeunes con­fron­tés aux dif­fi­cultés économiques, sociales et poli­tiques, à la con­di­tion des femmes et qui, en par­al­lèle avec ses codes, est une ode à l’amour, à la sol­i­dar­ité et à l’amitié.

Un pro­jet ancré dans l’actualité, donc, et dont la forme inno­vante entend plonger le spec­ta­teur dans une “ride” à tra­vers Paris et sa ban­lieue grâce à un dis­posi­tif unique faisant dia­loguer la scène et l’écran : qua­torze tableaux inspirés du film, repen­sés par Math­ieu Kasso­vitz, seront dif­fusés sur un sys­tème de pro­jec­tions, cou­plés avec les décors et surtout avec la per­for­mance des comé­di­ens sur scène.

Ce show mêlant donc danse, ciné­ma, rap, théâtre et spec­ta­cle vivant dans une forme aug­men­tée, résol­u­ment mod­erne et sin­gulière, portée par une BO qui fait elle aus­si le lien entre les années 90 et aujourd’hui.

Notre avis : Trois décen­nies en arrière défer­lait dans les salles le film « coup de poing » d’un jeune réal­isa­teur émer­gent devenu depuis incon­tourn­able, à l’instar des jeunes acteurs qu’il révèle pour la pre­mière fois à l’écran.

Dans un for­mat entière­ment en noir et blanc, Matthieu Kasso­vitz fil­mait la journée de Vinz’, Saïd et Hubert, trois copains de la cité (black-blanc-beur de l’époque) dévorés par la colère après un fait divers meur­tri­er opposant les forces de l’ordre aux jeunes des quartiers. Ryth­mé par une hor­loge au tic-tac red­outable d’efficacité jusqu’au compte à rebours fatal, le pub­lic décou­vrait la vio­lence des ban­lieues d’alors et la réal­ité d’une jeunesse sans illu­sion, délais­sée et désœu­vrée. Maintes fois récom­pen­sé, La Haine, film emblé­ma­tique, sym­bole d’une généra­tion urbaine des années 90 est devenu cultissime.

Matthieu Kasso­vitz a donc choisi de trans­pos­er son œuvre – un brin actu­al­isée – sur l’impressionnant plateau de la Seine Musi­cale, sous forme de pièce musicale.

Ouver­ture explo­sive avec jets de cock­tails molo­tov en 3D et musique toni­tru­ante, les effets visuels s’annoncent impres­sion­nants, et de ce point de vue, le spec­ta­cle tient la dis­tance et ses promess­es. Le rythme est pres­sant, oppres­sant et rend jus­tice au cli­mat d’urgence et de colère du film. Les trois artistes choi­sis pour incar­n­er « la relève » (Alexan­der Fer­rario, Samy Belkessa et Alivor) rivalisent de justesse et de sincérité avec, en prime, une cer­taine ressem­blance physique avec leurs aînés. De ce côté-là tout est plutôt réus­si car l’ensemble reste fidèle à l’original et, même si les danseurs ne sont pas exploités à leur juste valeur – manque d’ensemble de pas­sages choré­graphiés –, on les devine minu­tieuse­ment « castés » pour délivr­er une per­for­mance excep­tion­nelle et haute­ment inflammable.

Seule­ment voilà, la qual­ité du film repose essen­tielle­ment sur un for­mat, un style et sur le car­ac­tère inédit de ce qu’il dévoilait en 1995. Dans le cadre de cette adap­ta­tion, l’écriture manque de con­sis­tance, d’un véri­ta­ble sens don­né à cette nou­velle ver­sion pour nous garder en haleine. Les pas­sages chan­tés sont rares à l’exception d’un tableau visuel et vocal très réus­si entre Leila (Camil­la Hal­i­ma Filali) et Vinz’, nous offrant à cette occa­sion, un pur moment d’émotion et de poésie.

La scéno­gra­phie est superbe, les musiques soigneuse­ment com­posées par le fleu­ron de la scène hip-hop actuelle – notons aus­si Clara Luciani et la par­tic­i­pa­tion clin d’œil de M –, les danseurs tal­entueux et débor­dants d’énergie. Le pub­lic est d’ailleurs con­quis dès le lever de rideau et applau­dit à tout rompre lorsque la troupe au grand com­plet délivre le mes­sage final : « La haine, ça ne sert à rien, préférez lui l’amour. »

De notre côté, mal­gré sa qual­ité visuelle et une énergie débor­dante, nous regret­tons vive­ment que l’œuvre n’ait pas été plus riche­ment actu­al­isée (il y a tant à dire depuis le film) et nour­rie d’une his­toire plus solide. Trente ans après, le monde a tout de même beau­coup changé.

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