Music-Hall Colette

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1973

Théâtre Tristan Bernard – 64, rue du Rocher, 75008 Paris.
À partir du 26 janvier 2024. Les jeudis vendredis et samedis à 19h. Prolongation jusqu'au 27 avril 2024.
Renseignements et réservations sur le site du théâtre.

Des pan­tomimes légères du Moulin Rouge à l’Académie Goncourt. Du jour­nal­isme au salon de beauté. De ses liaisons scan­daleuses aux obsèques nationales, Colette était une fig­ure com­plexe et moderne.

En dres­sant un par­al­lèle avec une jeune artiste d’aujourd’hui, Léna Bréban met en scène une revue de music-hall fine­ment ciselée conçue tel un aller-retour entre deux épo­ques. Seule en scène, Cléo Sénia, chante, danse et manie l’art de l’effeuillage dans des numéros qui se bous­cu­lent et d’où sur­gis­sent des moments clés de la vie de Colette, qui dia­loguent avec les codes actuels du fémin­isme, de la nudité, de la lib­erté après plus d’un siè­cle de com­bat. Ces codes ont-ils évolué ou persisté ?

Dans un décor mobile, ce miroir théâ­tral, ludique et sen­suel entre l’impénétrable roman­cière et Cléo, entre la vie de femmes d’hier et celles du 21e siè­cle, est une ode réjouis­sante à la lib­erté et à la beauté des mots.

Notre avis : Le spec­ta­cle s’ouvre sur un reportage cou­vrant l’enterrement de notre héroïne du jour. La voix d’un jour­nal­iste offi­ciel est com­men­tée en live par Colette, inter­prétée par Cléo Sénia, appor­tant con­tra­dic­tion et humour à tout ce qui est men­tion­né dans ce reportage. Nous voilà donc par­tis pour une heure et quart de Colette loin des dis­cours jour­nal­is­tiques et offi­ciels. Nous n’en appren­drons que peu sur sa lit­téra­ture ou son proces­sus d’écriture, mais bien plus sur la femme qu’était Colette, sa vie, son énergie, ses valeurs, ses con­vic­tions mais aus­si ses contradictions.

© Julien Piffaut

Music-Hall Colette des­sine une idée de Colette joyeuse, libre, caus­tique et abor­de cer­tains pans de la vie de l’auteure. En effet, un seul spec­ta­cle ne suf­fi­rait pas à cou­vrir toute la dimen­sion de l’u­nivers de celle qui, en plus d’être écrivaine et artiste de music-hall, fut reporter, cri­tique, éditrice, libret­tiste, pub­lic­i­taire… L’an­gle choisi ici est par­ti­c­ulière­ment bien­venu puisqu’il inter­roge la dichotomie entre l’intellect et le corps. Alors que Colette se met à écrire en devenant la plume de son pre­mier mari, qui sign­era tous ses pre­miers écrits, elle s’émancipe de ce mal­heureux mariage et de cette prison lit­téraire en divorçant et en se con­sacrant à son corps, son art, en se plongeant dans l’univers du music-hall et de l’effeuillage.

© Julien Piffaut

Une autre dichotomie est abor­dée pen­dant le spec­ta­cle : à tra­vers la vie de l’artiste, Cléo Sénia, comé­di­enne et autrice du spec­ta­cle, nous invite à nous inter­roger sur le lien entre l’enfance et la vie adulte grâce à un dis­posi­tif vidéo ou appa­raît Clau­dine, la pre­mière héroïne inven­tée par Colette, inspirée de son enfance à Saint-Sauveur-en-Puisaye.

Il y a donc trois niveaux de nar­ra­tion, trois per­son­nages qui dia­loguent dans ce spec­ta­cle : Colette (sa vie, son œuvre), Clau­dine (per­son­nage inven­té par Colette qui porte un regard extérieur sur la vie de sa créa­trice) et Cléo (comé­di­enne qui se fait nar­ra­trice de l’histoire ou y ajoute des petites touch­es d’humour). C’est peut-être là que la bât blesse : tout cela reste clair, mais cette alter­nance de niveaux de lec­ture et de lan­gage nous sort quelque­fois de l’histoire – notam­ment quelques blagues ou références actuelles qui ne nous parais­sent pas néces­saires et qui con­trastent peut-être un peu trop avec les moments très lit­téraires – même si le reste du spec­ta­cle très bien écrit. En bonus, nous sommes grat­i­fiés de qua­tre chan­sons écrites par Hervé Devold­er : de véri­ta­bles pépites !

© Julien Piffaut

Le spec­ta­cle débor­de d’én­ergie. Ce seule en scène qui demande le car­dio d’un ath­lète est très bien mené par la mag­nifique Cléo Sénia qui joue, chante, s’effeuille, mime, danse. Se déploient devant nos yeux un univers poé­tique et des moments très esthé­tiques, comme la danse du miroir ou celle des éven­tails. Les cos­tumes d’Alice Tou­vet sont mag­nifiques ; men­tion spe­ciale pour  la tenue mi-mas­cu­line mi-fémi­nine. Il est intéres­sant de not­er l’exploitation des change­ments de cos­tumes dans ce spec­ta­cle qui sont mis en scène grâce à un jeu de lumière et d’ombre. D’ailleurs, la lumière tour à tour franche ou suave sub­lime les numéros. La scéno­gra­phie est util­isée de manière intel­li­gente et il y a de réelles bonnes trou­vailles, mais l’on regrette cette struc­ture cen­trale qui ne bouge pas de tout le spec­ta­cle et qui prend beau­coup d’espace. Elle est évidem­ment très exploitée, mais elle pousse la comé­di­enne à se restrein­dre à un seul côté du plateau, ce qui est un peu monot­o­ne sur la durée.

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