Un conseil à tous les parents: interdisez à vos enfants ce que vous voulez qu’ils fassent ; vous serez alors certains qu’ils le feront ! Il ne s’agit pas de manipulation mais bien d’éducation. Et rappelez-vous : c’est pour leur bien. Cette méthode originale est expérimentée avec succès par Mme Hucklebee et M. Bellomy. Pour favoriser l’union de leurs enfants, ils inventent une fausse dispute, dressent un mur entre leurs deux maisons et leur interdisent toute communication. Résultat : l’amour est tout de suite au rendez-vous. Attention cependant à ne pas révéler le pot aux roses, car rien n’est plus ennuyeux pour des enfants qu’un destin tout tracé.
Notre avis : La production de cette comédie musicale de poche mythique, présentée intégralement en français grâce à une fine traduction signée Alain Perroux (l’actuel directeur de l’Opéra national du Rhin), a tout pour enchanter. Se déploie sous les yeux des spectateurs un mélange de grâce, de drôlerie et de poésie. Dans cette fable inspirée des Romanesques d’Edmond Rostand (Cyrano), elles-mêmes trouvant leurs racines dans de nombreux écrits d’Ovide et Shakespeare, tout concourt à séduire. Respectant la formation musicale d’origine avec piano et harpe, la musique fait une fois encore mouche, ne serait-ce que par le titre « Try to Remember » devenu un véritable tube.
Dans cette production, les parents des deux familles voisines sont un père et une mère, toujours aussi retors. Deux histoires d’amour se mêlent donc, entre ces parents manipulateurs (qui s’aiment en secret) et leur progéniture. Le bandit El Gallo va, une fois encore, semer la zizanie, aidé en cela par deux acteurs au talent incertain. Le personnage tient deux rôles : le maître de cérémonie et l’organisateur du faux enlèvement de la jeune Luisa. À ce stade, il convient de saluer l’intégralité de la distribution, qui semble s’amuser à interpréter cette comédie musicale dont l’apparente légèreté dissimule des thèmes sérieux, voire graves. Les voix lyriques ne sont en aucun cas un frein pour ces rôles qui, à l’origine, exigent beaucoup de leurs interprètes.
La scénographie, plus riche que dans les productions off-Broadway, plonge le spectateur dans un univers où sont convoquées de multiples influences. Le mur, personnifié par un acteur muet, se trouve délesté de son habit noir habituel pour un élégant costume gris. Les expressions de l’interprète Quentin Ehret évoquent souvent un tableau de Magritte. Et quelle lumière finement travaillée pour plonger le spectateur dans ce rêve éveillé ! Vous l’aurez compris, cette relecture en français d’un inclassable de la comédie musicale – plus de quarante ans à l’affiche, tout de même – mérite largement de faire le déplacement, en souhaitant toutefois que d’autres théâtres permettent à cette œuvre d’enchanter un encore plus vaste public.