Quelle est votre actualité ?
Un disque enregistré en public avec le groupe brésilien Lune et Soleil vient de sortir. Il combine trois langues – français, anglais et brésilien – et regroupe des chansons de mon père, mais aussi de Carlos Jobim, des standards et aussi quelques chansons originales écrites avec le leader du groupe, avec qui j’ai fait un précédent album. Nous nous connaissons depuis une vingtaine d’années et avons développé une bonne complicité. Dans le premier opus, j’ai mis des paroles sur des musiques de Lourival Silvestre. Ce disque est le reflet d’une tournée en Picardie, en sortant le meilleur des concerts qui avaient été enregistrés. Vous y trouverez des improvisations vocales de type scat, que j’adore faire… Je tiens cela de mon père. C’était en 2019 à la bonne époque !
Il est également question d’un DVD…
En effet. Il est prêt, mais nous attendons Noël prochain pour sortir cette captation d’un concert fait avec mon père en quintet, enregistré lors d’une tournée en 2008 à Montlouis lors du festival Jazz en Touraine. Le souhait de le proposer au grand public est une volonté conjointe : mon père était fier de ce concert, nous étions entourés d’une très belle équipe. Le programme est composé de titres de mon père et d’autres que nous avons coécrits. Cela offre un panaché intéressant, ça swingue bien !
Vous avez souvent travaillé avec votre père ?
Oui car, pour mes débuts, j’ai beaucoup collaboré avec lui. Nous avons beaucoup voyagé et travaillé avec des formations très diverses, jusqu’à l’orchestre symphonique. Je me suis imprégné des ambiances, j’ai intégré beaucoup de choses, emmagasiné des images, des sensations qui m’ont permis de trouver mon propre chemin. Ce fut un apprentissage hors norme. L’exigence de mon père dans le travail fut un enseignement. J’ai eu le sentiment de m’améliorer en étant à la meilleure école possible.
La musique a fait partie intégrante de votre vie ?
J’ai quitté école assez tôt. À 15 ans j’ai étudié le piano classique, le solfège. La batterie avait ma préférence, ce qui m’a permis d’accompagner mon père. Cet apprentissage rythmique était parfait. J’ai également pris des cours chant avec ma tante Christiane. J’ai toujours chanté, ma voix a pris de l’ampleur, je me suis alors dit que je pouvais en faire quelque chose de correct. À 23 ans j’ai monté mon premier trio de jazz. De disque en festival, les choses se sont mises en place. J’ai également pris des cours de théâtre, travaillé au cinéma. J’ai un peu tâtonné avant de me mettre vraiment dans la chanson.
Quels souvenirs conservez-vous du tournage du film de Jacques Demy ?
L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune n’a pas bien marché, ça n’a pas pris. Le sujet – un homme qui tombe « enceint » –, la façon de le traiter sous une forme légère, n’a pas rencontré l’adhésion du public. Jacques m’a demandé de jouer l’enfant de Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. Quelle expérience formidable, enrichissante ! Ce qu’il m’en reste, ce sont des souvenirs extraordinaires. Si je connaissais Catherine pour l’avoir souvent vue sur le tournage de Peau d’âne, tourné près de notre maison, j’ignorais quel monstre sacré était Marcello. Il m’impressionnait d’autant moins que c’est moi qui, tous les matins, gonflais son faux ventre ! Je me souviens qu’Alice Sapritch me terrifiait car je l’avais vue dans Folcoche à la télévision. Quand le film est sorti, je n’étais pas peu fier de m’en vanter auprès de mes petits camarades, qui me maudissaient d’autant plus que j’avais loupé la classe pour le tournage. Catherine Deneuve m’aidait à faire mes devoirs, Jacques faisait partie de la famille, tout s’est passé dans la joie et la bonne humeur. Je me souviens que plusieurs fins ont été tournées : dans l’une d’elle, Marcello accouchait… mais les producteurs ont opté pour une fin plus consensuelle..
Quel rapport entretenez-vous avec le monde de la comédie musicale ?
J’ai baigné dedans puisque j’ai pas mal vécu aux États-Unis, à New York et à Los Angeles. Il m’a donc été possible de voir des productions de West Side Story, de Singin’ in the Rain, mais aussi de nombreux musicals de Stephen Sondheim. Le professionnalisme américain m’a toujours marqué. Ils sont vraiment forts ! J’ai aimé assister à certains tournages des films musicaux de Jacques Demy. C’était original et compliqué à l’époque de faire ces œuvres devenues des classiques. Gene Kelly venait souvent à la maison, il m’apprenait trois pas de danse dans le jardin avant de jouer au ping-pong. Il faut dire qu’à Hollywood de nombreuses stars venaient chez nous. Ce n’est qu’en grandissant que j’ai compris qui ils étaient et leur importance. J’ai de très beaux souvenirs avec Barbra Streisand qui venait pour travailler. Et Tony Benett… un homme extra humainement. Tout cela m’a construit.
Quels sont vos souhaits ?
Pour l’avenir, j’aimerais que nous sortions de cette impasse et que les artistes et les techniciens puissent de nouveau faire leur travail. De mon côté, les envies ne manquent pas, comme un disque avec Philippe Baden Powell, le fils du célèbre musicien, qui travaille avec Melody Gardot. Lorsque son père était encore avec nous, nous avons enregistré tous les trois ce qui fut son dernier disque : Samba in Preludio / Quand tu t’en vas. Ce nouveau projet est en attente, c’est usant… Mais ayons foi en demain !