Un spectacle musical acidulé !
Livret, lyrics et mise en scène de Stéphane Ly-Cuong
Lyrics et musiques de Christine Khandjian
Musiques additionnelles de An Ton-That
Avec Clotilde Chevalier, Tanguy Duran et Trami Nguyen
Chorégraphies de Nelly Célérine
Costumes de Sami Bedioui
Collaboration artistique et technique : Sébastien Fèvre et Christophe Guillaumin
Assistante à la mise en scène : Marine Julien
Yvonne Nguyen est une petite banane : jaune dehors et blanche dedans. Alors que tout le monde aimerait qu’elle soit une Vietnamienne parfaite – à commencer par sa mère qui aurait souhaité qu’elle épouse une carrière médicale… ainsi qu’un médecin vietnamien – Yvonne, elle, voudrait faire de sa vie une comédie musicale.
Confrontée aux idées reçues des uns et des autres, elle finit par remettre en cause ses rêves. Un voyage dans le pays de ses parents la réconciliera peut-être avec elle-même…
Cabaret Jaune Citron, vous emmènera sur les pas de la pétillante Yvonne Nguyen de Paris à Saigon en passant par Broadway, pour un voyage musical, plein d’humour et d’émotion.
Notre avis (Critique parue lors des représentations de 2014) : Elle s’appelle Nguyen. Comme ses parents, comme ses grands-parents. Comme des millions d’individus dans le monde. Un peu de Vietnam coule sûrement dans ses veines. Qui s’en étonnerait ? Personne, à part elle, peut–être. Après tout, elle s’appelle Yvonne, habite en banlieue parisienne, et « d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, a toujours eu les yeux bridés ». Pas de quoi en faire un spectacle… a priori. Il y a bien ces clichés qu’elle a subis toute son enfance, ces identifications qu’elle peine à trouver dans le cinéma occidental, ses désirs intimes qui se heurtent à des traditions familiales. Et, elle a beau en douter, bien que profondément enfouies, il y a bien ces racines qui lui collent à la peau – jaune évidemment – et au fond d’elle-même, ce petit quelque chose qui l’interpelle. Voilà l’histoire tissée dans Cabaret Jaune Citron. Le parcours d’une jeune française confrontée à ses origines, en proie aux doutes et à cette quête d’identité.
On aurait pu s’attendre à un récit critique ou pathétique. C’est tout l’inverse. Une poésie des mélodies, une finesse du texte, une variété des chansons et un humour redoutable font de Cabaret Jaune Citron un spectacle formidable d’une grande sensibilité. De la première à la dernière note, Yvonne Nguyen nous prend par la main pour ne pas nous lâcher un seul instant dans un voyage drôle, passionnant et profondément touchant. Il passe par cette adolescence et la quête de références ; par les caricatures et le regard des autres, par les rêves qui font face aux désirs parentaux, par ce constat enfin, qu’en famille les émotions ne s’expriment pas. Apparaît alors une certaine désillusion, et le nécessaire besoin d’assumer ce mélange des cultures, de le comprendre aussi ; il faut alors creuser vers les racines, revenir aux sources. Yvonne va poser le pied sur la terre de ses ancêtres, « entre l’eau, la terre et le ciel », se trouver juste au bord du monde, pour peut-être, s’y retrouver ?
Bourré d’humour et d’innombrables clins d’œil dans ses répliques comme dans ses chansons, Cabaret Jaune Citron a la finesse d’une étoffe, la légèreté de la soie et la perfection d’une œuvre d’art. Le face à face mère-fille, la carrière artistique de l’héroïne ou la vision fantasmée que les hommes portent sur elle (« Fais-moi le pont de la rivière Kwaï ! »), sont des scènes absolument savoureuses. A l’inverse, une infinie douceur se dégage lorsqu’Yvonne fredonne « une légende ancienne » et l’on ressent une vraie émotion à l’évocation de « la pudeur des sentiments ».
Comme une évidence, on retrouve avec bonheur l’excellente Clotilde Chevalier dans le rôle principal et la pianiste Ayano Baba dans celui – génial – de sa mère. Il faut y ajouter Tanguy Duran, qui joue le frère complice. Tous les trois, vocalement parfaits, s’emparent du subtil texte de Stéphane Ly-Cuong qui, on l’imagine, y a sans doute mis un peu de lui-même. Juste ce qu’il faut. Signant également la mise en scène, toute en simplicité, il s’est associé à Christine Khandjian et An Ton-That pour mettre en musique et en ambiance ce séduisant destin qui ne laisse pas indifférent.
Car à travers ce portrait, c’est une question universelle qui est posée : l’affirmation de son identité, le poids de l’héritage familial, l’intégration, abordés ici frontalement, sans la moindre concession, mais avec une grande tendresse. Au final, on rit énormément, on est touché et chacun pourra se reconnaître un peu dans cette Yvonne. Car, à y regarder de plus près, son histoire singulière est peut-être un peu la nôtre. Oui, il y avait bien de quoi en faire un spectacle. Et heureusement ! A quelques détails près, au fond, nous sommes peut-être tous des Nguyen.