Jésus (Critique)

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1952

Mise en scène & livret : Christophe Barratier.
Musique : Pas­cal Obispo.
Avec : Mike Mas­si, Anne Sila, Clé­ment Verzi, Gré­go­ry Deck, Crys Nam­mour, Olivi­er Bal­ck­stone & Solal.

Par­mi les des­tins qui ont boulever­sé l’humanité, il est un homme dont les paroles et les actes ne cessent de réson­ner. Cette fresque musi­cale, retrace les dernières années de jésus durant lesquelles l’histoire et l’éternité se sont ren­con­trées. Marchez sur les pas de jésus, des rives du Jour­dain au désert de Judée, du tem­ple de Jérusalem au mont des oliviers.

Notre avis:
Il y avait eu Zef­firelli, Mel Gib­son, Robert Hos­sein et bien sûr Andrew Lloyd Web­ber… il y aurait pu y avoir le duo Obis­po-Bar­rati­er dans la liste des auteurs-met­teurs en scène dont le Jésus a mar­qué les esprits. Pata­tras, ce ne sera sûre­ment pas le cas. A l’affiche du Palais des Sports depuis le 17 octo­bre 2017, ce qui est présen­té comme une « fresque musi­cale » est –osons le jeu de mots–, un véri­ta­ble chemin de croix. On se croirait même revenu vingt ans en arrière, au beau milieu d’un énième show fran­co-français des années 2000, sans souf­fle, sans saveur et sans émo­tion. Com­ment les équipes créa­tives –qui tenaient en leurs mains, l’une des plus extra­or­di­naires his­toires qui soit– ont-elles pu à ce point en faire un spec­ta­cle si fade et asep­tisé. Car cette « fresque » n’est qu’une inter­minable suc­ces­sion de scènes plates, de chan­sons de var­iétés désuètes et de tableaux dont on cherche en vain l’ampleur. Du bap­tême de Jésus, à son dernier repas, en pas­sant par son entrée dans Jérusalem, l’œil s’ennuie et l’oreille s’amuse des rimes « Et puis ton Dieu, Caïphe, Moi je le trou­ve bien chétif, Et telle­ment peu com­péti­tif! ». N’est vrai­ment pas évangéliste qui veut. Quant aux musiques, Pas­cal Obis­po, décidé­ment monothé­ma­tique (Adam et Eve, les Dix Com­man­de­ments et main­tenant Jésus) signe des chan­sons sans sur­prise où le meilleur côtoie hélas le pire.
Christophe Bar­rati­er, à qui l’on doit les images sub­limes des clips du spec­ta­cle, est à l’évidence plus doué der­rière la caméra : les enchaine­ments trainent en longueur, les noirs et bais­sers de rideau se comptent en nom­bre, les saynètes se mul­ti­plient ; quant aux décors, ils con­finent au strict min­i­mum : de sim­ples hauts- murs, par­fois une table, ou une bar­que figée au sol. Léger. Pour le reste, rien que du déjà-vu. Aucune créa­tiv­ité, aucune audace, aucun relief. Les épisodes de la vie du Christ s’enchainent, ponc­tués de titres que l’on oublie aus­sitôt, une demi-douzaine de danseuses meublent inutile­ment les solos, et les dis­ci­ples sor­tent du pub­lic, exacte­ment comme Robert Hos­sein l’avait déjà fait pré­cisé­ment dans la même salle, il y a près de… 36 ans!
Si Gre­go­ry Deck (Salut les Copains, Drac­u­la…) est à l’aise et sort du lot, Jésus (Mike Massy, vedette au Liban), mal­gré un vis­age expres­sif et un tal­ent vocal indis­cutable, sem­ble totale­ment per­du sur la vaste scène du Palais des Sports. Et c’est bien dom­mage. Sans con­vic­tion, il tente vague­ment d’exister. Mais l’on y croit guère. Il faut dire qu’Anne Sila lui vole claire­ment la vedette. En Vierge Marie, elle offre les rares instants de beauté de la soirée, par sa voix et son jeu sim­ple mais pro­fond. Son dernier solo, « l’adieu », est mag­nifique, offrant les fris­sons que l’on n’at­tendait plus, et faisant surtout oubli­er la scène précé­dente : un Jésus au vis­age ensanglan­té, por­tant sa croix sur l’épaule et remon­tant l’allée des spec­ta­teurs, entouré de dizaines de smart­phones qui flashent et fil­ment. Improb­a­ble, de mau­vais goût, et claire­ment gênant. C’est heureuse­ment la fin du show. Jésus est ressus­cité, l’occasion de tous chanter, taper dans les mains et de repren­dre en chœur, avec le pub­lic, ce qui se veut le tube (mar­keté) du spec­ta­cle « La bonne nouvelle »…
Là où leurs prédécesseurs avaient osé, Obis­po et Bar­rati­er n’offrent finale­ment qu’un spec­ta­cle de plus, déjà ringard, sans recherche musi­cale ni effort scénique, dont ne se dégage jamais la moin­dre émo­tion. Sans cœur, sans âme. Pour un Jésus, c’est un comble.