Sa vie est un roman, ce spectacle sa lumière ! Le destin musical émouvant et festif d’une des femmes les plus inspirantes du XXe siècle, porté par une troupe de huit artistes éclatants qui la font revivre comme par enchantement !
Joséphine Baker, le musical nous fait redécouvrir l’artiste éblouissante aux talents de danseuse et de chanteuse hors du commun, précurseuse du hip-hop. Ce spectacle révèle aussi la vie romanesque de cette femme libre et engagée. On y croisera ses partenaires (Gabin), ses amants (Paul Colin, Pépito), ses maris (Willie Baker, Jo Bouillon) et les héros, comme elle, qui n’hésiteront pas à mettre leurs vies en danger pour sauver des Juifs et déjouer les plans des nazis. Elle militera toute sa vie contre la ségrégation raciale en rejoignant Martin Luther King Jr et en adoptant douze enfants de toutes origines pour créer sa tribu arc-en-ciel. De beaux tableaux chorégraphiés en costumes d’époques flamboyants !!!
Notre avis : Alors que le potentiel était là : figure légendaire, femme au destin exceptionnel, ce spectacle provoque un sentiment mitigé. Commençons par le positif. Vocalement, c’est impeccable : dans le rôle-titre, Nevedya – dont le nom ne figure curieusement pas sur le site Internet de Bobino – possède une voix qui ne cesse de nous impressionner. On salue son travail et son énergie, et on se réjouit de sa belle présence. Maintenant, ça se gâte… Après une ouverture un peu brouillonne qui manque de panache, les tableaux s’enchaînent avec parfois l’intervention arbitraire d’un narrateur. Sous nos yeux se déroule le récit, plutôt plat, de l’ascension fulgurante de la star Joséphine Baker, en suivant un schéma strictement chronologique des événements qui manque de dynamisme et de créativité.
Le plateau est souvent presque à nu, habillé de projections vidéo en fond de scène. Le choix de ces projections est discutable et ne justifie pas l’absence de décor, d’autant plus que les images manquent d’harmonie et de définition au point de se retrouver pixelisées. N’aurait-il mieux pas valu oser un plateau totalement nu ?
Si certains tableaux sont avenants comme celui de l’arrivée de Joséphine dans la capitale française sur « Paris, Paris, Paris », on regrette globalement un manque d’invention voire de créativité dans l’hommage rendu à une figure pleine d’extravagance. Le spectacle ne fait évidemment pas l’impasse sur la fameuse ceinture de bananes et les « danses sauvages » qui l’ont rendue célèbre, mais l’évocation est assez courte et elle n’est pas vraiment remise dans son contexte ni n’est présentée de façon qui suscite la réflexion. Il aurait cependant été intéressant de s’interroger sur ce numéro qui provoqua un véritable scandale avant de se transformer en succès : que ressentait cette jeune fille d’alors 19 ans, fraîchement débarquée de son ghetto noir de Saint-Louis dans le Missouri ? Tout ce chemin pour être à nouveau réduite à des stéréotypes réducteurs : avait-elle conscience qu’elle les reproduisait et répondait à une vision fantasmée et exotique de la France coloniale ? Ou bien se jouait-elle de son image en poussant la caricature devant un public blanc ? Avec une mise en perspective plus approfondie, cet épisode emblématique de la vie de Joséphine aurait sans doute gagné un relief particulier, d’autant que le spectacle rappelle très justement les actes inspirants de cette femme récemment panthéonisée : son rôle important dans la Résistance, l’adoption après la guerre d’une douzaine d’enfants de toutes origines…
Les chansons sont à la fois des créations originales et des reprises des tubes de Joséphine Baker. Regrettons d’emblée une bande-son qui gâche la plupart des numéros musicaux : les reprises, qui sont souvent réarrangées dans des styles assez éloignés des originaux, frisent l’ambiance de karaoké, tandis que les compositions originales, aux paroles parfois fragiles, sont vite oubliées. Seul instrumentiste présent, Raphaël Bancou offre des bouffées d’air frais à chaque fois qu’il se met à son piano, et l’on regrette qu’il n’accompagne pas tout le spectacle.
En résumé : un hommage agréable à une figure atypique, mais qui se révèle moins inventif qu’attendu, surtout dans une salle aussi prestigieuse que les tarifs qu’elle pratique.