Deux sœurs, deux voix, un seul chant, ancré dans les petits trésors populaires des artistes déracinées.
Inspirée par les témoignages des femmes rencontrées lors de sa résidence de l’autre côté de la Méditerranée, à l’Institut français d’Algérie, Nathalie Joly a imaginé un dialogue entre deux sœurs où se mêlent non-dits, rêves ou souvenirs d’exode. Cette création célèbre une lignée de femmes d’exception, téméraires et fières, solaires. Guerrières qui imprègnent nos mémoires et nous donnent force et courage pour marcher dans leurs pas, ces amazones aux différents visages scandent leur flow, langue d’un continent en forme d’aveu intime et d’exutoire. Entre réel et fiction, ce récit chanté en quinze tableaux est celui d’un exil, d’une traversée, d’un retour troublant sur la terre natale.
Notre avis : L’invitation à ce voyage s’avère délicieuse, tant il est synonyme d’émotions, de découvertes, de tendresse. Mêlant avec art divers souvenirs, tant personnels que provenant de femmes d’origines diverses, Nathalie Joly, ambassadrice des chanteuses-diseuses, a concocté un spectacle tout en finesse qui distille un charme tenace. Ce charme repose sur la belle complicité, tant vocale (deux voix chantées qui se marient avec grâce) que physique, qu’elle partage avec sa sœur Valérie. Leur jeu subtil, sous le regard que l’on imagine bienveillant, mais sans concession, du metteur en scène Simon Abkarian, donne vie à chacune des évocations et provoque l’empathie sans même y penser. Le tout est renforcé par la présence discrète et indispensable du musicien Thierry Roques. Les anecdotes, que l’on tente de parler le pataouète ou de donner la recette idéale du creponnet, se transforment en autant de moments de théâtre qui attisent la curiosité et provoquent un regard attendri. En effet, ils évoquent un passé plus ou moins révolu qui revit ici avec une jolie vitalité. Il va de soi que l’écrin que représente la petite salle du Théâtre de l’Epée de Bois renforce la connivence avec un public – pour le coup restreint puisque circonscrit à quelques professionnels – qui se laisse entraîner, séduit par les couleurs des lumières, des tissus utilisés çà et là. Et ces deux petites robes enfantines suspendues en fond de scène… L’enfance et ses réminiscences qu’elles suggèrent ne sont jamais loin dans ces parcours féminins qui se croisent, se mélangent, s’harmonisent. Il ne reste plus qu’à souhaiter que les mesures sanitaires permettent enfin à un large public de découvrir ce spectacle, qui peut être un excellent pont pour retrouver les sensations idéales que procure le vrai frisson théâtral.