La Petite Boutique des horreurs

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Opéra Comique – Place Boieldieu, 75002 Paris.
Du 10 au 25 décembre 2022.
Renseignements et réservations sur le site de l'Opéra Comique.

Opprimé par le fleuriste qui l’emploie, Sey­mour cul­tive en secret une plante exo­tique et puante qu’il a bap­tisée du prénom de sa jolie col­lègue. Aus­sitôt dévoilée à la bou­tique, la verte Audrey attire une clien­tèle crois­sante et pro­cure à Sey­mour une flat­teuse célébrité. Prob­lème : l’étrange végé­tal s’avère carnivore…

Le film améri­cain de 1960, signé Roger Cor­man, est une comédie d’horreur dont le suc­cès inspi­ra à deux col­lab­o­ra­teurs des Stu­dios Dis­ney, l’auteur Howard Ash­man et le com­pos­i­teur Alan Menken, la comédie musi­cale Lit­tle Shop of Hor­rors. Créée en 1982 à Broad­way (Off-Broad­way), elle a gardé l’affiche pen­dant cinq ans d’affilée et à son tour inspiré un film musi­cal à Frank Oz, en 1986.

Cette pro­duc­tion imag­inée par Maxime Pas­cal, et mise en scène par Valérie Lesort et Chris­t­ian Hecq, pour­suit la tra­di­tion de la comédie musi­cale, dans une ver­sion française d’Alain Mar­cel, et à grand ren­fort de sur­pris­es scéniques. Les artistes de la Nou­velle Troupe sauront faire hurler de rire et d’horreur le pub­lic de la salle Favart, dans un spec­ta­cle déjan­té et familial.

Notre avis : Avant de tra­vailler ensem­ble pour les stu­dios Dis­ney (La Petite Sirène, La Belle et la Bête, ain­si qu’une par­tie d’Aladdin) le duo Howard Ash­man (paroli­er) et Alan Menken (com­pos­i­teur) avait créé La Petite Bou­tique des hor­reurs, inspirée d’un film éponyme des années 60, dans une petite salle à New York en 1982 avec seule­ment trois musi­ciens. Le spec­ta­cle s’est joué dans divers théâtres pen­dant plus de cinq ans et a été adap­té au ciné­ma par Frank Oz en 1986. Quar­ante ans après sa créa­tion en Off-Off-Broad­way, et plusieurs repris­es à Lon­dres et à New York, la comédie musi­cale fait ses débuts à l’Opéra Comique. Sans pren­dre une ride, cette fable grand-guig­no­lesque et décalée débor­de d’inventivité et de drôlerie.

La tra­duc­tion et l’adaptation par Alain Mar­cel, qui avait déjà pro­posé une ver­sion française en 1986 jouée au Théâtre Lib­er­taire à Paris (actuel Déjazet), est remar­quable ; elle évite la vul­gar­ité tout en con­ser­vant le côté irrévéren­cieux et kitsch de la ver­sion orig­i­nale. La mise en scène de Valérie Lesort et Chris­t­ian Hecq four­mille d’idées et de trou­vailles visuelles pour assur­er une nar­ra­tion flu­ide sans aucune baisse de régime. Du quarti­er lugubre à l’évolution de la plante, tout est savam­ment illus­tré et réglé dans les moin­dres détails. La par­ti­tion musi­cale a été réorchestrée par Arthur Lavandi­er pour un effec­tif plus impor­tant qu’à la créa­tion (le plus impor­tant à ce jour pour cette œuvre) mais, à la demande d’Alan Menken, il a pris soin de garder le côté intimiste d’une petite for­ma­tion pour rester plus proches des « petites gens » dont par­le le spec­ta­cle. Le résul­tat est for­mi­da­ble et l’orchestre dirigé par Maxime Pas­cal fait très bien ressor­tir l’aspect jazz band voulu par le compositeur.

Les chanteurs sont tous par­faits dans leurs rôles. Ils inter­prè­tent des per­son­nages stéréo­typés, ils osent aller au bout de la car­i­ca­ture pour notre plus grand bon­heur, sans jamais tomber dans l’hystérie. Marc Mauil­lon excelle en Sey­mour timide et naïf, et forme avec Judith Fa (Audrey) un cou­ple ten­dre et touchant. Damien Bigour­dan s’en donne à cœur joie et prend un malin plaisir à per­sé­cuter Sey­mour ou Audrey dans cha­cun de ses mul­ti­ples rôles, tout comme Lionel Pein­tre (Mon­sieur Mush­nik) qui joue à fond la carte du rus­tre. Le trio aux notes gospel for­mé par Sofia Moun­tas­sir, Lau­ra Nanou et Anis­sa Brah­mi est très uni. Traité comme un chœur antique qui com­mente l’action (principe qu’Alan Menken repren­dra dans le dessin ani­mé Her­cule), il apporte beau­coup de rythme et d’énergie. La grande qual­ité du cast­ing se ressent autant dans l’homogénéité théâ­trale que vocale mal­gré les orig­ines divers­es (lyrique, comédie musi­cale, théâtre) des dif­férents interprètes.

Mais si bien entourée qu’elle le soit, la réus­site ne serait pas la même sans une plante aus­si expres­sive. Créée par Car­ole Alle­mand et manip­ulée avec pré­ci­sion par Sami Adjali, elle évolue au fil du spec­ta­cle en faisant ressen­tir dans tout son corps cha­cun de ses sen­ti­ments. Pour finir de lui don­ner vie, Daniel Njo Lobé lui prête sa voix avec mal­ice et révèle grâce à elle un tal­ent de chanteur insoupçonné.

Cette pre­mière comédie musi­cale à l’Opéra Comique est une grande réus­site et nous espérons que la pro­gram­ma­tion auda­cieuse de cette mai­son n’en restera pas à un coup d’essai.

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