La révolte au son du fox-trot… Coup de cœur de l’émission « 42e rue » (France Musique)
Ana Isoux et Bertrand Ravalard campent avec rage et humour la galerie bigarrée des personnages de Kurt Weill et Bertolt Brecht. Spectacle trilingue, théâtral et musical, au carrefour du monde lyrique, du jazz et de la chanson. Nombreux extraits de L’Opéra de quat’sous, mais aussi quelques perles rares !
Notre avis : Le répertoire de Kurt Weill s’invite fréquemment au programme de récitals, tours de chant et spectacles musicaux. La vie est Kurt pourrait être un de plus, un parmi d’autres, mais nous lui trouvons une authenticité qui lui permet de se démarquer. D’abord parce que, sans éviter deux ou trois tubes qui font toujours leur effet, on nous donne à entendre nombre d’airs beaucoup moins connus mais qui se révèlent tout aussi percutants. Ensuite parce qu’on nous épargne un fil conducteur qui aurait pu sembler superficiel : ici, le choix est de juxtaposer sans trop de transition des portraits, des situations, des émotions, et la musique de Kurt Weill se charge de la cohérence – plus d’autres textes signés Prévert, Aragon et Allais intelligemment intégrés et dits avec justesse. Aussi parce que chacune de ces vignettes est croquée par un couple d’artistes pleinement investis : Ana Isoux, chanteuse et diseuse – et pianiste ! – qui cisèle chacune de ses phrases ; Bertrand Ravalard, accompagnateur et pianiste – et chanteur ! – qui varie les textures sous l’implacable rythme pointé du compositeur. Enfin parce que, à travers ces tranches de vie, on est balloté entre ironie, grincement, abattement, résignation, grain de folie, absurdité et contestation – et peu importe qu’on ne parle ni allemand ni anglais, on a les poils qui se dressent ! Dans la cave voûtée de l’Essaïon, où les murs révèlent leurs pierres, La vie est Kurt saisit le public sans détour en soulignant le réalisme de Weill et de ses paroliers complices. Un spectacle à découvrir et à vivre.