Saoulés de discours, de points de vue, d’opinions, saoulés de stratégies, défaits des petites phrases, des réactions, des sondages, rincés de toutes les prises de paroles et malgré tout on remet ça, L’Oral et Hardi – soigner le mal par le mal et avec l’apostrophe ! La logorrhée comme dépuratif, sans retenue. Administrer l’allocution poétique. L’Oral et Hardi dans tous les théâtres, en plusieurs doses et sous l’assistance respiratoire de Jean-Pierre Verheggen, monument, maître phénoménal de l’assonance et du jeu de mots, vrai-faux charlatan de la poésie : embarquez-vous pour ne plus vous taire, hurle Verheggen dans les tourmentes. C’était d’un autre temps déjà, hérité des hyperboles gauchistes, et cette démesure-là nous rassure. L’excès ne nuit pas toujours.
Notre avis : Comment ? Un spectacle de poésie – belge de surcroit – drôle, intelligent, mené par un bateleur hors norme ?
Eh oui, c’est bien tout cela qui attend chaque hardi spectateur qui ouvrira grandes ses esgourdes pour se délecter de cette allocution à partir de textes de Jean-Pierre Verheggen. Le comédien partage une connivence jubilatoire avec cet auteur, ainsi que le goût du détournement et du lapsus plus que révélateur. Si vous avez eu la chance d’assister à la création de ce spectacle, voilà dix ans, cette version revisitée vous enchantera à coup sûr. Et si, chanceux que vous êtes, découvrez le spectacle, vous aurez du mal à résister à l’humour incisif, à ces jeux sur les mots qui pétillent comme meilleur champagne.
L’intelligence de la mise en scène, avec une scénographie totalement intégrée au récit, participe de la réussite de ce spectacle qui s’ouvre, et ce n’est point divulgâcher que de l’annoncer, par une allocution désopilante d’un élu venu présenter le spectacle et qui attend donc le comédien qui va l’interpréter. Délicieuse mise en abyme pour Jacques Bonnaffé dont la fougue, la folie burlesque et l’énergie balaient tout sur leur passage, pour mieux faire ressurgir tous les travers de l’âme humaine.
Là, l’auteur de ses lignes se trouve coincé. Oui, il aimerait s’enivrer de jeux de mots aussi drolatiques et subtils, mais las… voilà que la « chronique poétique » se dérobe. Concluons donc avec un style plus classique. Certes le spectacle n’est pas purement musical –même si la musique y joue un rôle particulier –, mais cette poésie, dite ainsi, n’est autre que musique, et des plus belles !