Peau d’Âne (Critique)

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Féerie musi­cale d’après un film de Jacques Demy
Adap­té de Charles Perrault
Musique de Michel Legrand
Direc­tion artis­tique : Emilio Sagi avec Daniel Bian­co, Pepa Ojan­guren, Eduar­do Bra­vo et Nuria Castejon
Direc­tion musi­cale : Thier­ry Boulanger et Patrice Peyrieras

Avec : Marie Oppert, Michael Denard, Emma Kate Nel­son, Olivi­er Fredj, Marie-Agnès Gillot, Chris­tine Gag­nieux, Franck Lopez et la par­tic­i­pa­tion excep­tion­nelle de Claire Chazal.

Orchestre et Chœurs du Théâtre Marigny

Résumé : «Prenez de la … /… prenez de la farine versez dans la … /… versez dans la ter­rine…» La con­fec­tion du cake d’amour par Cather­ine Deneuve dans le film réal­isé par Jacques Demy est une scène déli­cieuse. Dans le gâteau des­tiné au prince, Peau d’Âne glisse sa bague, indice qui la libér­era de sa triste peau. Car les princess­es, qu’elles s’appellent Peau d’Âne, La Belle au bois dor­mant ou Cen­drillon finis­sent tou­jours dans les bras d’un prince.
Obéis­santes et sages, elles sur­mon­tent (sans bronch­er) la méchanceté, l’humiliation et la dureté de la vie des pau­vres, avant que –grâce notam­ment aux coups de pouce de mar­raines bien­veil­lantes – ne s’ouvre le chemin de ros­es de leur des­tinée. Peau d’Âne fut le plus grand suc­cès pub­lic de la car­rière de Jacques Demy. Sor­ti en décem­bre 1970, le film séduisit le pub­lic par le raf­fine­ment de la mise en scène, la féerie des décors et des cos­tumes, l’époustouflant cast­ing (Cather­ine Deneuve, Jean Marais, Jacques Per­rin, Del­phine Seyrig, Miche­line Presle) et les mélodies de Michel Legrand.

Notre avis : Des col­lab­o­ra­tions entre le réal­isa­teur Jacques Demy et le com­pos­i­teur Michel Legrand (aux­quelles on pour­rait rajouter Cather­ine Deneuve) ressort un trio de films mythiques : Les Para­pluies de Cher­bourg (1964), Les Demoi­selles de Rochefort (1966) et Peau d’Âne (1970). Ces trois comédies musi­cales ont été adap­tées pour la scène avec plus ou moins de bon­heur : Les Para­pluies sous dif­férentes incar­na­tions (en 1979 au Théâtre Mont­par­nasse puis en 2014 au Théâtre du Châtelet), Les Demoi­selles (en 2003 au Palais des Con­grès, dans une ver­sion, dis­ons-le, ratée) et Peau d’Âne, aujour­d’hui, dans un Théâtre Marigny fraîche­ment rénové. Jean-Luc Choplin, ancien directeur du Châtelet, a pro­posé durant toutes ses années à la tête du fameux théâtre parisien de nom­breuses comédies musi­cales de qual­ité, pro­duites avec faste et élé­gance. Désor­mais au Marigny, il sem­ble bien résolu à pour­suiv­re sur sa lancée.
Pour ouvrir sa pre­mière sai­son, Choplin pro­pose Peau d’Âne, le con­te de Per­rault, qui, dans la vision orig­i­nale de Demy, prend des accents psy­chédéli­co-baro­ques où les anachro­nismes se télés­copent joyeuse­ment et où le kitsch et le baroque sont à la fois flam­boy­ants et poé­tiques. A cela s’a­joute la musique de Michel Legrand, mêlant un style clas­sique, ample et romanesque, à des arrange­ments déli­cieuse­ment seventies.
A la tête de cette trans­po­si­tion offi­cie Emilio Sagi, met­teur en scène d’opéra à qui ne déplaisent pas les incur­sions dans le musi­cal, comme pour The Sound of Music qu’il avait mis en scène au Châtelet. Dans sa ver­sion du clas­sique de Rodgers et Ham­mer­stein, la mon­tagne envahis­sait pro­gres­sive­ment la scène. Ici, la forêt, chère aux con­tes de fées, est com­plète­ment cen­trale et les châteaux sym­bol­isés par quelques élé­ments de décors. Si l’on peut regret­ter qu’un peu trop de tableaux ne soient vis­i­bles qu’à tra­vers les voiles trans­par­ents situés à l’a­vant-scène, la scéno­gra­phie offre des moments de pure poésie : lilas, ros­es, bulles ou boules dis­co, l’imag­i­naire est à la fois bucol­ique et ludique, s’adres­sant sans fards aux enfants de tous âges qui com­posent le public.
La dis­tri­b­u­tion, quelque peu sur­prenante et hétéro­clite, mêle des artistes venus d’hori­zons dif­férents tels que d’an­ciens danseurs (Marie-Agnès Gillot, Michael Denard) en Reine et Roi, une ex-star du JT (Claire Chaz­al en nar­ra­trice), un met­teur en scène du lyrique, chanteur et comé­di­en (Olivi­er Fredj en Prince) et bien enten­du des artistes de théâtre musi­cal (Emma Kate Nel­son en Fée des Lilas, Marie Oppert dans le rôle titre, sans oubli­er l’ensem­ble). Emma Kate Nel­son, remar­quée en Lina Lam­ont dans le Chan­tons sous la pluie de Châtelet, com­pose une Fée des Lilas savoureuse et attachante, qui viendrait plutôt de Carn­a­by Street que de Saint-Ger­main des Prés. Son accent donne une couleur exo­tique au per­son­nage tout en étant par­faite­ment intel­li­gi­ble. Enfin, Marie Oppert, qui fut Geneviève dans Les Para­pluies de Cher­bourg, est sim­ple­ment irré­sistible. Son héroïne est pétil­lante, char­mante et sincère,et sa couleur vocale en adéqua­tion par­faite avec le personnage.
Féérie musi­cale idéale pour les fêtes de fin d’an­née, Peau d’Âne devrait séduire, par sa poésie et sa fan­taisie, et par l’in­ter­mé­di­aire de son héroïne, un pub­lic intergénérationnel.

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