Suffs

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Music Box Theatre – 239 West 45th Street, New York.
Première le 18 avril 2024.
Informations sur le site du spectacle.

Le titre de cette nou­velle comédie musi­cale peut paraître étrange, tout comme l’était Shucked la sai­son dernière. En réal­ité, c’est une abrévi­a­tion de « suf­frage », un mot qui est plus fam­i­li­er, mais c’est égale­ment la façon dont les mou­ve­ments soci­aux générés par les femmes deman­dant l’égalité de leurs droits, en Angleterre d’abord, puis en Amérique, étaient connus.

Shaina Taub dans le rôle d’Al­ice Paul ©Joan Marcus

Bien que ces mou­ve­ments aient com­mencé à se man­i­fester vers le milieu du 18e siè­cle, ils prirent une impor­tance plus par­ti­c­ulière aux États-Unis à la veille de la Pre­mière Guerre mon­di­ale quand des activistes comme Alice Paul, Ruza Wen­clawska, Car­rie Chap­man Catt, Mary Church Ter­rell et Alva Bel­mont, pour ne nom­mer qu’elles, et la Nation­al Amer­i­can Woman Suf­frage Asso­ci­a­tion, redou­blèrent d’ef­forts sous la prési­dence de Woodrow Wil­son afin d’obtenir un change­ment rad­i­cal et immé­di­at. Un pro­jet de loi présen­té en 1913 devant le Con­grès devint rapi­de­ment un sujet de toute pre­mière con­tro­verse avant d’être finale­ment rat­i­fié en 1920.

Jenn Colel­la dans le rôle de Car­rie Chap­man Catt et la troupe de Suffs ©Joan Marcus

Le spec­ta­cle explore les dif­fi­cultés mul­ti­ples aux­quelles ces organ­isatri­ces ont dû faire face – nom­breuses sont celles qui furent arrêtées, mis­es en prison et main­tenues der­rière les bar­reaux dans des con­di­tions intolérables pour avoir man­i­festé –, mais cette péri­ode allait mar­quer un tour­nant décisif dans le con­flit et don­ner à la plu­part des Améri­caines les droits qu’elles esti­maient être égale­ment les leurs.

Han­nah Cruz incar­ne Inez Mil­hol­land ©Joan Marcus

Conçu, écrit et imag­iné par Shaina Taub, actrice aux tal­ents mul­ti­ples, égale­ment com­positrice des chan­sons, le spec­ta­cle retrace en l’espace d’un peu plus de deux heures les épisodes mar­quants de cette péri­ode, mais se penche égale­ment occa­sion­nelle­ment sur des moments privés, notam­ment une petite his­toire d’amour entre le secré­taire d’État Dud­ley Mal­one (Tsi­lala Brock) et l’activiste Doris Stevens (Nadia Dan­dashi), arrêtée lors d’une man­i­fes­ta­tion puis incar­cérée, dont il obtient la libéra­tion de la prison avant de l’épouser.

Emi­ly Skin­ner inter­prète Alva Bel­mont ©Joan Marcus

Dans son ensem­ble, la dis­tri­b­u­tion, entière­ment fémi­nine, fait hon­neur à ce frag­ment de l’histoire aux États-Unis, en présen­tant avec réal­isme ces pio­nnières des droits des femmes qui ont toutes lais­sé leurs noms dans les archives du pays. Les couleurs mauve et jaune de la NAWSA ajoutent une note d’authenticité aux débats qui les opposent avant qu’elles n’adoptent un front com­mun, ain­si que l’énergie dont elles témoignent dans les march­es organisées.

Tsi­lala Brock et Grace McLean dans les rôles de Dud­ley Mal­one et du Prési­dent Woodrow Wil­son ©Joan Marcus

Dans le rôle d’Alice Paul, une organ­isatrice au jeu ferme et déter­minée, Shaina Taub reste très réal­iste mais ne domine pas la dis­tri­b­u­tion, bien sec­ondée par d’autres actri­ces de tal­ent, dont Jenn Colel­la (Car­rie Chap­man Catt), Anasta­cia McCleskey (Mary Church Ter­rell), Emi­ly Skin­ner (Alva Bel­mont) et Nik­ki M. James (Ida B. Welles), égale­ment cap­ti­vantes dans leurs créa­tions divers­es. La seule qui laisse une impres­sion désoblig­eante est Grace McLean dans le rôle de Woodrow Wil­son, dont les manières de par­ler et de se con­duire font davan­tage penser à un per­son­nage de comédie bur­lesque, soit qu’elle ait été dirigée dans ce sens par Leigh Sil­ver­man, le met­teur en scène, soit que Shaina Taub ait écrit ain­si le rôle afin d’en faire un bouf­fon au sein d’une action autrement sen­si­ble. Le fait est que cela ne fonc­tionne pas avec le sujet ou avec l’action elle-même.

La plu­part des dia­logues sont chan­tés, plutôt que par­lés, sur des accom­pa­g­ne­ments musi­caux sans motif appar­ent, ce qui les rend moins intéres­sants et moins con­va­in­cants. De leur côté, les chan­sons, bien adap­tées au con­texte de l’action, sont pour la plu­part peu mémorables, à l’exception de quelques-unes comme « Ladies », « Let Moth­er Vote », « Fin­ish the Fight » et « Keep March­ing », qui don­nent au spec­ta­cle les moments d’ensemble qui provo­quent l’enthousiasme de la salle.

Dans une sai­son qui vient de voir les créa­tions de spec­ta­cles de pre­mier choix se mul­ti­pli­er, Suffs reste une comédie musi­cale intéres­sante sur un sujet pro­pre à retenir l’attention, mais elle s’efface devant les block­busters qui attirent les foules.

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