Virginie Benoist et Julie Calbete font chanter Le Pas du monde

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Du 31 octobre au 23 novembre, l’espace Chapiteaux de La Villette accueille Le Pas du monde, la sixième création du Collectif XY, qui, depuis près de vingt ans, travaille les disciplines acrobatiques pour les remettre au cœur d’une pratique artistique. Pour leur première fois avec XY, Virginie Benoist et Julie Calbete se voient confier respectivement la composition vocale et la transmission du chant – en plus, pour toutes les deux, de se mêler aux acrobaties. Rencontre avec deux passionnées de musique, de scène et de comédies musicales.

Parlez-nous du Pas du monde, qu'on pourra découvrir à La Villette à partir du 31 octobre.
Virginie Benoist : Il s'agit d'un spectacle conçu par le Collectif XY, spécialisé dans les portés acrobatiques. La particularité du Pas du monde, c’est qu’il fait appel à trois chanteur·se·s : Cyril Héritier, Julie Calbete et moi-même. Avec les dix-neuf acrobates, nous sommes donc vingt-deux sur scène. Et tout le monde chante en direct, pas seulement les « chanteurs » ; réciproquement, nous participons aussi aux acrobaties. Toute la musique est originale, spécialement composée pour ce spectacle : il y a de l’électro composée par Jack McWeeny qui nous sert de terreau lorsque nous ne chantons pas et qui nous soutient quand nous chantons, et j'ai composé du chant avec des paroles dans une langue… inventée ! La création a eu lieu en mai 2025, et nous en avons déjà donné une petite quinzaine de représentations, autant d’occasions de procéder à des ajustements ici et là.

Quels sont vos parcours ?
Julie Calbete : J’ai commencé la musique toute petite par le piano et le solfège. J’ai continué au lycée avec l’option musique, et au conservatoire de chant – c’est là que j’ai découvert le chant lyrique – ; ensuite, en parallèle, j’ai étudié la musicologie à la fac de Bordeaux. J’ai parcouru le cursus en entier, avec l’obtention d’un DEA en art et sociétés, et suis sortie avec un diplôme d'études musicales (DEM) de chant lyrique à La Rochelle. Puis j’ai passé des concours pour entrer dans un conservatoire supérieur, et c’est à Bruxelles que je suis arrivée et où j’ai suivi un master en chant lyrique – sans spécialité, mais j’y faisais beaucoup de musique baroque. Dans le même temps, j’ai obtenu l’agrégation. J’ai travaillé en Belgique dans plusieurs ensembles vocaux : beaucoup de musique ancienne, mais aussi de l’opérette, du théâtre musical et même de la comédie musicale. Depuis 2022, je suis aussi directrice artistique du festival Musiq3, un rendez-vous dédié à la musique classique mais qui s’ouvre au jazz, à l’opérette et à la comédie musicale.
Virginie : J’ai commencé la danse classique vers l'âge de 3 ans. J’ai continué sans que ce soit un objectif professionnel. J’ai toujours fait du classique, puis, adolescente, je me suis tournée vers le jazz et le contemporain. Et comme j’aime toutes les formes de danse, j’ai fait du hip-hop, des claquettes, de la danse espagnole… Après le bac, je me suis inscrite en fac de psycho à Bordeaux et, en parallèle, au conservatoire de Bordeaux en danse contemporaine pour suivre un vrai cursus complet. Après avoir obtenu un master 1 de psycho, à la suite d’un concours de danse, j’ai reçu une bourse par l’un des membres du jury, Rudy Bryans, pour aller faire un an de formation professionnelle au centre Epsedanse à Montpellier. Je n’ai pas hésité, j’ai laissé tomber la psycho et suis partie danser à Montpellier : ce fut un virage très important dans ma vie. La musique, quant à elle, a toujours été présente, mais un peu au second plan : j’ai toujours fait du piano, de la guitare et, plus récemment, dans une académie en Belgique, je me suis mise à la batterie et aux percussions. Le chant aussi a toujours été dans ma vie : en ensemble puis en individuel, d’abord en autodidacte puis, quand il fallu préparer des auditions, notamment de comédie musicale, je me suis dit qu’il me fallait de l’aide et j’ai alors suivi un coaching spécifique. Pour ce qui est des arrangements et de la composition, c’est venu tardivement, en 2020, pendant le covid : avec Julie, nous avons monté un programme en duo a cappella intitulé Giftsongs, pour lequel j’ai réalisé tous les arrangements vocaux ; j’y ai pris goût, et me suis lancée dans des compositions plus variées.

Extrait de Giftsongs avec le groupe Delivery

Comment êtes-vous arrivées sur le projet du Collectif XY ?
Julie : En 2018, nous avons fait la connaissance de trois des acrobates de XY (Guillaume Sendron, Airelle Caen et Denis Dulon), qui travaillaient sur une création pour la compagnie belge Théâtre d'un jour : Strach, a Fear Song. Ils cherchaient une chanteuse lyrique avec l’envie et la capacité de se « débrouiller physiquement ». J’ai alors découvert le travail de porté et, sur ce spectacle, en plus de chanter, j’étais portée et nous portions aussi les gens du public. Nous nous sommes très bien entendus et, quand il fallu nous arrêter en 2020 à cause du confinement, nous avons voulu nous retrouver sur d’autres projets.
Virginie : Il se trouve que c'est aussi en 2020 que Julie et moi créons notre duo Giftsongs. Et c’est avec ce format que nous sommes invitées, en 2022, à collaborer à la semaine d’intégration des nouveaux étudiants du Centre national des arts du cirque. Julie et moi étions donc présentes pour un volet chant tandis que les acrobates Guillaume, Airelle et Denis pour le versant physique – l’idée étant d’amener les étudiants à communiquer autrement que par le cirque, en l’occurrence, pour ce qui concernait Julie et moi, par le chant. Je suis venue avec quelques compositions, que nous a pu transmettre ; l’accueil a été enthousiaste, tout le monde a adoré et cela a ravivé notre envie de collaborer avec les acrobates. Au même moment, en 2022, le projet du Pas du monde a commencé à naître dans la tête de certaines personnes du Collectif XY. Julie et moi avons été officiellement invitées à le rejoindre quelques mois plus tard. L’envie d’être au plateau ensemble était très forte, mais rien de vraiment précis n’avait été défini, si ce n’est l’envie d’apporter la dimension du chant au spectacle et de faire chanter les acrobates. On ne parlait pas encore de me faire composer de la musique mais, avec le temps et l'esprit du collectif, les choses se sont mises en place.

Virginie Benoist et Julie Calbete ©Studio Rozijn

Quelles sont vos influences musicales ?
Virginie : Elles sont vraiment très diverses, j’aime des genres très différents. Mais, pour commencer, puisque je parle à un connaisseur et que nous sommes entre fans, je cite évidemment Kate Bush ! Plus généralement, j'adore la musique vocale, la comédie musicale, la pop, la musique minimaliste, le synthé, le rock... Ma discographie s’étend de Zazie à Simply Red en passant par Claude Nougaro et Mozart ! Je suis également très attirée par la musique traditionnelle vocale, surtout quand elle est polyphonique !
Julie : Je partage beaucoup de mes goûts avec Virginie. La variété française et la pop, j'en ai beaucoup écouté dans mon enfance et à l’adolescence. J’ai découvert les musiques classique et baroque pendant dans mes études de chant au conservatoire, c’est un langage que je me suis approprié, surtout la musique ancienne, du Moyen Âge jusqu’à Mozart. Il y a aussi les comédies musicales, notamment dans le rapport qu’elles proposent du chant au texte, cette façon qu'elles ont de raconter.

Julie Calbete et Virginie Benoist ©Studio Rozijn

Vous n'arrêtez pas de citer la comédie musicale...
Virginie : C’est une évidence de le dire, mais la comédie musicale regroupe le jeu, la danse et le chant, et c’est ça qui est génial, tant à voir qu’à faire. J’ai une préférence pour les œuvres anglo-saxonnes parce que j’ai plus l’habitude d’en voir, même si, avant, j’ai vu beaucoup de spectacles français et je les avais aimés. En tant qu’interprètes, notre première expérience dans le domaine a eu lieu en 2004-2005 : Julie et moi avons participé à un spectacle semi-professionnel intitulé Le Banc monté par la compagnie Place des Arts, qui existe toujours. Ce n’était pas vraiment une comédie musicale, mais il y avait tout à la fois de la danse, du théâtre, du chant, de la musique et même du dessin en direct. Par la suite, j’ai fait des productions plus importantes, notamment au festival Bruxellons! : My Fair Lady (2019), Blood Brothers (2020), Elisabeth (2022). Avant cela, avec Julie et d’autres comédiens-chanteurs, nous avions réalisé un projet plus petit intitulé La Boîte rouge, une sorte de melting-pot de comédies musicales anglo-saxonnes. [NDLR : on peut aussi apercevoir Virginie dans la séquence dansée d'ouverture de Dans la cuisine des Nguyễn.]
Julie : C’est par le cinéma que j’ai découvert la comédie musicale : West Side Story m’a beaucoup marquée, notamment parce qu’il n’y a plus de frontières entre musique et histoire. Comme je ne sais pas danser, je me suis dit que c’était mort pour moi ! C’est resté un rêve, et aussi une frustration de ne pas avoir eu, au cours de ma formation de chanteuse lyrique, un travail sur le corps, un travail de comédienne, alors que nous autres chanteuses passons beaucoup de temps sur scène. J’ai beaucoup d’admiration pour celles et ceux qui font de la comédie musicale. Et j’adore ce répertoire.
Virginie : En tant que spectatrices, nous allons très régulièrement à Londres, et nous ne manquons jamais de re-re-re-re-re-voir Les Misérables. J’en suis une fan absolue, en anglais et en français. Parmi d'autres titres qui me fascinent, il y a Mary Poppins, Wicked... en fait je pourrais tout citer, parce qu’il n’y quasiment rien à jeter quand on va à Londres. Même Moulin Rouge! dont nous nous disions que le livret serait moins développé au niveau dramaturgie, que ce serait plus bling-bling, eh bien nous en sommes ressorties complètement scotchées !

Revenons-en au Pas du monde qui démarre dans quelques jours à La Villette...
Virginie : C’est un spectacle d’un peu plus d’une heure, accessible à tout le monde, petits et grands, avec des portés acrobatiques très impressionnants. Il y a aussi un aspect sur lequel nous avons beaucoup travaillé et que je trouve réussi : la « puissance de la fragilité », une vision développée par Wajdi Mouawad dans Fragiles – il y a à la fois un versant très virtuose des corps et un côté sensible des voix, des humains qui chantent ensemble, qui se portent et se soutiennent ensemble.
Julie : C’est une heure pendant laquelle on peut ouvrir son imaginaire. Le spectacle convoque des paysages et fait le lien entre humains et nature : on est dedans, on l’écrase et on la sublime aussi. C’est un moment de partage pour tous.


La Villette, espace Chapiteaux – 75019 Paris.
Du 31 octobre au 23 novembre 2025.
Renseignements et réservations sur le site de La Villette et le site du Collectif XY.

À noter aussi que Virginie Benoist et Julie Calbete seront en tournée avec le spectacle pour les tout-petits Camping Cosmos, porté par l'excellente compagnie jeune public Dérivation : en Belgique et dans le nord de la France en décembre, notamment à l'Opéra de Reims les 17 et 18. Voir aussi le site officiel de Julie Calbete.

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