Woman of the Year

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Création mondiale en français le 29 novembre 2023 au Théâtre de la Renaissance (Oullins Lyon Métropole).
Les 30 novembre, 1er et 2 décembre au Théâtre de la Renaissance (Oullins Lyon Métropole). Les 13 et 14 décembre au Château-Rouge (Annemasse), les 20 et 21 décembre au Grand R scène nationale (La-Roche-sur-Yon), les 10 et 11 janvier 2024 à la Maison de la Culture de Bourges, le 30 janvier 2024 au Rive Gauche (Saint-Étienne-du-Rouvray), le 3 février à ACB Scène Nationale (Bar-le-Duc), les 7 et 8 février à L’Azimut (Antony–Châtenay-Malabry), les 19 et 20 mars au Théâtre de Saint-Nazaire scène nationale.

L’in­trigue : une vedette de la télévi­sion ren­con­tre un dessi­na­teur de presse à l’occasion d’une polémique sur la valeur artis­tique de la bande dessinée.
Elle est bril­lante et énergique, il est doué et dépres­sif : coup de foudre et cat­a­stro­phe annon­cée. Com­ment vivre avec quelqu’un de plus célèbre et de plus puis­sant que vous ? Dans le cou­ple hétéro­sex­uel, le pou­voir est-il du côté de l’homme ou de la femme ? Quel mod­èle de réus­site veut-on s’imposer ? C’est toute une série de ques­tions que cette comédie musi­cale pose avec légèreté. Parce que c’est en chan­sons que cette his­toire est racon­tée par deux des plus grands auteurs de Broad­way. Ils réus­sis­sent une comédie roman­tique lucide et spirituelle

John Kan­der pour la musique et Fred Ebb pour les paroles font par­tie des géants de l’histoire récente de Broad­way. Ils sont les auteurs d’au moins deux musi­cals plané­taires : Cabaret (1966) et Chica­go (1975). Le monde entier con­naît leur chan­son « New York, New York » écrite pour le film de Mar­tin Scors­ese. Comme sou­vent, ces énormes suc­cès cachent aus­si d’autres réus­sites, comme Woman of the Year qui ne rafla pas moins de qua­tre Tony Awards en 1981. Il s’agit de l’adaptation du film réal­isé par George Stevens (1942), où Kather­ine Hep­burn incar­ne une jour­nal­iste vedette qui séduit un sim­ple chroniqueur sportif joué par Spencer Tra­cy et finit par l’écraser de son suc­cès. Hep­burn avait fait sa mar­que de fab­rique du ren­verse­ment du patriarcat.

Kan­der et Ebb propulsent cette prob­lé­ma­tique dans les années 80, en opposant une vedette de la télé toute puis­sante à un dessi­na­teur de presse. Ils con­fient l’adaptation au scé­nar­iste Peter Stone qui, pour avoir été le scé­nar­iste de Stan­ley Donen sur Cha­rade, a su con­serv­er tout le charme de la comédie améri­caine roman­tique des années 40 tout en ajoutant un dénoue­ment plus provocateur.

Woman of the Year con­cen­tre tout ce que j’aime dans la comédie musi­cale, un livret au rythme alerte et rebondis­sant, un sujet fort et des per­son­nages hauts en couleur. S’y ajoute une très intéres­sante incur­sion dans les images ani­mées à tra­vers l’univers du dessin de presse.

Il faut pré­cis­er que le rôle de Tess Hard­ing a été créé au théâtre par Lau­ren Bacall : le chic, l’humour et une énergie à tout ren­vers­er. La par­ti­tion de Kan­der et Ebb main­tient un tem­po d’enfer dans une orches­tra­tion déli­cieuse­ment pop.

Jean Lacorner­ie

Notre avis : Woman of the Year est moins con­nu que Chica­go ou Cabaret. Pour­tant, John Kan­der et Fred Ebb ont égale­ment con­nu le suc­cès avec ce spec­ta­cle, rem­por­tant plusieurs Tony Awards en 1981. Jean Lacorner­ie (mise en scène) aime met­tre en lumière des pépites mécon­nues en France que Gérard Lecointe revis­ite par ses arrange­ments (Bells Are Ring­ing, The Paja­ma Game…). L’artiste retenue pour incar­n­er « la femme de l’an­née » est Lud­mil­la Dabo. Ce choix inspire con­fi­ance à juste titre et le spec­ta­cle est une réussite !

Tess Hard­ing est une chroniqueuse de télévi­sion charis­ma­tique qui n’a pas sa langue dans sa poche. Dans un bil­let d’humeur, elle dén­i­gre la bande dess­inée et l’en­goue­ment qu’elle sus­cite. Le dessi­na­teur Sam Craig est piqué au vif. Il réplique en se moquant de Tess dans un dessin humoris­tique qui rem­porte un grand suc­cès. Pris de remords, il part à la ren­con­tre de Tess afin de s’ex­cuser. Ces deux per­son­nages que tout oppose ont un coup de foudre réciproque… À par­tir d’une trame rel­a­tive­ment légère de prime abord, de vrais sujets de fond sont abor­dés avec humour. La ques­tion des rap­ports entre femmes et hommes est ain­si soulevée. Dans ce cou­ple, la femme détient le pou­voir et priv­ilégie sa car­rière au détri­ment de sa vie privée. L’homme, lui, est en quête d’é­coute et d’attention.

Lud­mil­la Dabo (Tess) et Jacques Verzi­er (Sam) for­ment un duo par­fait pour jouer et chanter cette his­toire d’amour faite de hauts et de bas. Lud­mil­la Dabo ray­onne dans le rôle de cette femme ambitieuse. Jacques Verzi­er trou­ve la juste mesure pour incar­n­er un homme qui cherche sa place au sein de son cou­ple, sans en faire une vic­time. Dalia Con­stan­tin et Quentin Gibelin sem­blent pren­dre un grand plaisir – partagé par le pub­lic – à incar­n­er une galerie de per­son­nages hauts en couleur.

Gérard Lecointe réus­sit à trans­pos­er une com­po­si­tion prévue pour grand orchestre en une par­ti­tion pour qua­tre musi­ciens sans trahir l’e­sprit de John Kan­der. L’orchestre est présent sur scène. De belles sur­pris­es ont lieu quand les musi­ciens se lèvent pour jouer la comédie, chanter et même danser ! Sébastien Jaudon, Arthur Verdet (piano, claviers), Jérémy Dail­let (per­cus­sions) et Luce Per­ret (trompette, bugle) impres­sion­nent les spec­ta­teurs par leur poly­va­lence. Les scènes choré­graphiées par Raphaël Cot­tin sus­ci­tent l’en­t­hou­si­asme, notam­ment sur le hit « One of the Boys ».

La mise en scène de Jean Lacorner­ie s’ap­puie sur une scéno­gra­phie bien pen­sée. Un grand mur est présent avec un espace per­me­t­tant de fig­ur­er une case de bande dess­inée, un écran de télévi­sion, un comp­toir de bar… Ce mur est util­isé à bon escient pour des pro­jec­tions de décors ou de dessins de comics. C’est ce qui per­met notam­ment de don­ner vie à Katz, le per­son­nage créé par Sam et devenu son alter ego. Le duo virtuel for­mé par Katz (avec la voix de Quentin Gibelin) et Sam sur « What Else Is New » (la phrase fétiche de Katz) est d’ailleurs une belle séquence.

Il est à not­er que des références à des per­son­nal­ités ou à des événe­ments par­lant surtout pour les Améri­cains dans les années 1980 sont con­servées. Le choix a été fait d’é­clair­er avec humour le pub­lic français sur ces références. Le procédé peut s’avér­er répéti­tif par moments même s’il fonc­tionne bien pour l’essentiel.

Que ce soit fin 2023 ou courant 2024, Woman of the Year est un spec­ta­cle à suiv­re en tournée cette saison !

 

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