Langson, Nord Tonkin, début octobre 1950.
Dans le huis clos étouffant d’une vieille demeure coloniale, cinq personnages en quête d’eux-mêmes se retrouvent soudain projetés dans le tourbillon de l’Histoire, au tournant de cette guerre d’Indochine qui s’annonce bientôt perdue.
Le passé ressurgit soudain, réveillant les tensions enfouies et les questions demeurées sans réponses. Que s’est-il donc passé cinq ans plus tôt, à Saïgon, au Bar de l’Oriental ? Une promesse non tenue, un amour refusé par fidélité à un autre amour, à une cause supérieure, à un enracinement corps et âme dans ce pays si attachant et énigmatique… L’engagement politique, l’art ou l’amour opèrent ici comme autant d’idéaux, parfois illusoires, souvent contradictoires, et pour lesquels certains iront jusqu’à sacrifier leur vie.
Notre avis : Jean-Marie Rouart, romancier, essayiste et chroniqueur siège à l’Académie française depuis 1997. De nombreux prix et distinctions lui ont été attribués pour l’ensemble de son œuvre.
Nous ne le connaissions cependant que très peu comme écrivain de théâtre ; il nous présente aujourd’hui une pièce ayant en toile de fond un sujet brûlant, à savoir la guerre d’Indochine.
Ce terrible et sanglant épisode nous plonge à un tournant décisif du conflit (durant l’automne 1950), où tout s’annonce comme une défaite de la France face à un ennemi prêt à tout pour gagner son indépendance. Nous nous trouvons dès le lever de rideau au sein d’une vieille demeure coloniale, où les cinq personnages de l’intrigue vont tour à tour s’aimer, se déchirer, se détester et se trahir jusqu’au dénouement – qui ne pouvait être que tragique. Ils nous apparaissent d’emblée tous très antipathiques : un commissaire de police ex-collabo, un colonel peu scrupuleux, une aventurière à l’âme d’espionne mariée à un officier lâche et opiomane, qui de surcroît la trompe avec sa jeune sœur aussi frivole qu’écervelée. Bref, une belle galerie d’individus vraiment peu fréquentables !
La scénographie d’Emmanuel Charles souligne avec réalisme l’atmosphère coloniale, emplie de moiteur et de torpeur tropicales, qui règne dans ces contrées asiatiques. Ces décors contribuent subtilement à restituer l’étouffement vécu par nos protagonistes. Les belles lumières signées Olivier Oudiou accentuent cette réussite visuelle, que nous avons appréciée.
Le propos de la pièce s’efforce de mêler à la fois la politique, les tourments et les frustrations des personnages – de façon parfois maladroite. Cet exercice risqué n’atteint hélas pas son but, d’autant moins que la mise en scène de Géraud Bénech semble trop sage, ne restituant pas assez la violence des situations proposées.
Les comédiens n’apparaissent pas réellement à l’aise dans leurs emplois, qu’ils ne parviennent donc pas à rendre complètement crédibles.
Dommage, car l’intention de l’auteur – louable – visait à s’inscrire dans l’esprit d’un Tennessee Williams à la française… Malheureusement, naïveté et sincérité ne font ici pas bon ménage.