The Who’s Tommy

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1960

Nederlander Theatre – 208 West 41st Street, New York.
Première le 28 mars 2024.
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Notre avis : Con­traire­ment à ce que l’on appelle ici les juke­box musi­cals, dans lesquels des chan­sons rock ou pop con­nues et emprun­tées à des sources dif­férentes doivent s’adapter à l’action, The Who’s Tom­my, adap­té d’un des tout pre­miers « opéras rock », béné­fi­cie du fait que les chan­sons ont été écrites afin d’il­lus­tr­er au mieux une his­toire : celle d’un gamin dont les mésaven­tures, tout jeune, l’ont incité à se ren­fer­mer sur lui-même pour mieux s’isoler du monde qui l’entoure. L’ensemble a été conçu et imag­iné par Pete Town­shend, leader du groupe The Who.

Cette his­toire con­tient tous les élé­ments req­uis pour servir de base à un solide scé­nario. L’action débute en 1941. Le Cap­i­taine Walk­er et sa jeune femme atten­dent un enfant. Ce sera Tom­my, leur fils. Mais la guerre fait rage et le père doit rejoin­dre les troupes qui com­bat­tent les forces alle­man­des. Para­chuté au-dessus d’une zone de com­bat, il est fait pris­on­nier par les nazis. Quelques semaines plus tard, sa femme est infor­mée de sa dis­pari­tion et de son prob­a­ble décès.

©Matthew Mur­phy & Evan Zimmerman

Le temps passe et Tom­my a main­tenant qua­tre ans. Depuis, sa mère a fait la con­nais­sance d’un autre homme qui est devenu son amant. Elle est sur­prise et désem­parée quand son mari, qui a été libéré par les forces alliées, refait soudaine­ment irrup­tion dans sa vie et décou­vre qu’elle ne vit plus seule. Une dis­pute oppose les deux hommes et Walk­er, se sen­tant men­acé, prend son revolver et tue son rival devant Tom­my, totale­ment inter­loqué, qui assiste à la scène dans le reflet d’un grand miroir ; il en reste muet, sourd et, selon toute apparence, aveugle.

Des années passent encore et rien ne sem­ble mod­i­fi­er l’attitude de Tom­my, main­tenant âgé de dix ans : il est tou­jours muet et tou­jours hyp­no­tisé par son reflet dans le miroir par lequel il a assisté au meurtre. Quand ils doivent sor­tir ensem­ble, ses par­ents le con­fient à la garde d’amis ou de mem­bres de la famille, dont l’oncle Ernie, qui se livre à des actes sex­uels sur lui, ou son cousin Kevin, un déver­gondé qui l’entraîne dans des clubs pop. C’est là que Tom­my décou­vre les pin­ball machines (flip­pers) aux­quels il gagne fréquem­ment, à la grande sur­prise de tous.

©Matthew Mur­phy & Evan Zimmerman

Mais devant son atti­tude qui demeure inchangée, ses par­ents, dés­espérés, font appel à quiconque sera en mesure de le guérir tan­dis que les médecins ne parvi­en­nent pas à com­pren­dre son cas ni trou­ver com­ment le guérir. Un « requin des rues » et son copain, joueur d’harmonica, leur pro­posent de l’emmener sur l’île des Chiens, où se trou­ve une pros­ti­tuée, l’Acid Queen, qui se dit sor­cière et lui fourni­ra des élixirs pour le remet­tre en état, mais quand elle demande qu’il reste avec elle plusieurs jours, le Cap­i­taine reprend son fils et quitte l’île.

Devenu ado­les­cent, Tom­my est devenu le cham­pi­on des flip­pers. Son atti­tude n’a pas changé, jusqu’au jour où sa mère, lasse de le voir tou­jours se tenir devant le miroir, le brise, ce qui a pour effet instan­ta­né de le ren­dre lucide, débar­rassé des trau­mas aux­quels il avait été exposé.

Le ton sérieux et grave de ce scé­nario donne au spec­ta­cle un effet coup de poing, mais ce qui fait surtout l’intérêt ici, ce sont les chan­sons ultra-per­cu­tantes com­posées pour l’illustrer et qui relèvent des accents rock et des orches­tra­tions pop d’un autre tenant.

©Matthew Mur­phy & Evan Zimmerman

Sor­ti en mai 1969, l’enregistrement sur deux dis­ques allait rester 128 semaines aux hit-parades et se hiss­er à la 4e place, une rareté à l’époque pour les dis­ques de rock aus­si sophis­tiqués. Il n’en fal­lait pas plus pour qu’un film soit réal­isé en 1975 avec une dis­tri­b­u­tion cinq étoiles, par­mi lesquelles on trou­ve des acteurs et chanteurs pop­u­laires comme Ann-Mar­gret, Eric Clap­ton, Elton John, et surtout Tina Turn­er dont la présence en Acid Queen allait tout par­ti­c­ulière­ment retenir l’attention des spectateurs.

Tou­jours sous l’impulsion de Pete Town­shend, qui s’était asso­cié avec le met­teur en scène Des McAnuff, il ne restait plus à Tom­my qu’à faire ses pre­miers pas à Broad­way, ce qui arri­va en 1993. La pièce, qui débu­ta 22 avril au St. James The­atre et res­ta à l’affiche pen­dant plus de deux ans, total­isant 899 représentations.

La reprise actuelle, tou­jours mise en scène par McAnuff, dif­fère de la pre­mière ver­sion par son car­ac­tère plus élec­tron­ique, ses fais­ceaux lumineux, ses pro­jec­tions en lieu de décors et son imagerie en noir et blanc, qui don­nent à la pro­duc­tion un aspect som­bre et angois­sant, pleine­ment accen­tué par les éclats puis­sants d’une musique et de paroles pleines de force.

©Matthew Mur­phy & Evan Zimmerman

À cela s’ajoute une dis­tri­b­u­tion qui tient fréquem­ment la salle en extase avec ses mul­ti­ples dans­es déhanchées et savam­ment syn­chro­nisées sous la direc­tion du choré­graphe Lorin Latar­ro, avec en tête d’affiche : Ali Louis Bours­gui, qui fait ses débuts à Broad­way dans le rôle de Tom­my ; Ali­son Luff et Adam Jacobs, ses par­ents ; John Ambrosi­no, l’oncle Ernie ; Bob­by Con­te, le cousin Kevin ; et surtout Christi­na Sajous en Acid Queen, rôle de courte durée mais qui per­met à l’actrice de démon­tr­er toutes ses capac­ités de comé­di­enne et de chanteuse.

Il est cer­tain que la pièce elle-même attir­era les fans des Who et de Pete Ton­wshend, ain­si que ceux qui ont été mar­qués par les enreg­istrements et les dif­férentes pro­duc­tions qui ont été présen­tées depuis sa créa­tion. Au plan pure­ment théâ­tral, on ne peut qu’être ent­hou­si­as­mé devant cette pro­duc­tion et l’énergie musi­cale et choré­graphique qui en émane. Les applaud­isse­ments nour­ris à la fin du spec­ta­cle témoignent de l’effet qu’il a eu sur la salle.

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