Il y a des histoires qui touchent en plein cœur. Des histoires qui nous rappellent combien une simple rencontre, un mot, un geste peuvent changer une vie. Cher Evan Hansen en fait partie.
Evan est un garçon comme tant d’autres. Un lycéen timide, mal dans sa peau, terriblement attachant mais qui se sent invisible aux yeux du monde. Jusqu’au jour où une lettre égarée, un malentendu et une tragédie vont l’amener à vivre ce qu’il a toujours espéré : Être vu ! Être écouté, tout simplement... être enfin quelqu’un !!! Mais peut-on bâtir un bonheur sur un mensonge ?
À travers des chansons bouleversantes, des émotions à fleur de peau et une histoire d’une sincérité rare, Cher Evan Hansen nous parle de solitude, d’amitié, de la difficulté d’être soi au quotidien ou à travers les réseaux sociaux et de ce besoin fondamental d’être compris… mais surtout, surtout... d’être aimé tel que l’on est.
Cette comédie musicale aux six Tony Awards, qui a conquis Broadway, le West End et qui a été vue par des millions de spectateurs à travers le monde arrive en France pour vous faire rire, pleurer, frissonner. Une histoire qui nous rappelle que, même dans nos pires moments, nous ne sommes jamais vraiment seuls et qu’il y aura toujours quelqu’un pour nous tendre la main...
You are not alone. You will be found.
Olivier Solivérès
Notre avis (représentation du 5 octobre 2025) : Si Dear Evan Hansen est un musical peu connu en France – en dehors du cercle des aficionados et en dépit de la présentation de fin d'année du Cours Florent en 2024 –, le spectacle a rapidement, lors de sa création à New York en 2016, suscité un engouement populaire. Et en 2017, six Tony Awards sont venus consacrer l'œuvre signée Benj Pasek & Justin Paul (paroles et musique) sur un livret de Steven Levenson. Pour toutes ces raisons, l'arrivée sur une scène parisienne, de surcroît dans une adaptation française, constitue à la fois une surprise bienvenue pour le public et un défi pour la production – et donc, indéniablement, un événement très attendu.
La présentation du projet à la presse le 23 juin dernier nous avait mis l'eau à la bouche, notamment en raison de l'enthousiasme communicatif d'Olivier Solivérès, qui signe à la fois l'adaptation en français et la mise en scène du spectacle à l'affiche du Théâtre de la Madeleine depuis le 3 octobre, à raison de six représentations par semaine.
Même si on lui trouve quelques faiblesses dans ses ressorts et la cohérence de ses personnages, le livret de Cher Evan Hansen retient indéniablement l'attention par son originalité au regard d'autres pièces musicales. En abordant des thématiques comme le mal-être adolescent, l'isolement social ou l'impact des réseaux sociaux chez les jeunes, il plonge le public dans une actualité troublante et une émotion à fleur de peau. La musique, sans toutefois révolutionner le genre de la comédie musicale, joue efficacement de plusieurs modes – l'énergie rock de la jeunesse, la solennité d'un requiem, la grandeur d'une aspiration... – et sait s'imprimer agréablement voire durablement, par ses harmonies et en s'insérant de manière naturelle dans le texte parlé. Le fait que la partition soit exécutée en direct au Théâtre de la Madeleine par quatre musiciens – avec aussi quelques motifs pré-enregistrés – participe indubitablement à la qualité du spectacle.
Pour cette histoire toute en psychologie qui n'appelle aucune grandiloquence visuelle, la scénographie minimaliste de Sébastien Mizermont, les lumières précises de Dimitri Vassiliu et le video mapping abstrait qui habille le lointain et différents panneaux mobiles offrent lisibilité et fluidité – jusqu'à un dernier tableau fort poétique qui vient valoriser la sincérité et renforcer l'optimisme qui peut naître d'un drame. Régulièrement – et même avant le lever de rideau – des projections de contenus inspirés des réseaux sociaux illustrent, en la soulignant, l'omniprésence dévorante des moyens actuels de communication et de sociabilisation.
S'il a pu arriver, pour d'autres spectacles importés, que le passage de l'anglais au français engendre des niaiseries linguistiques, il n'en est rien ici : l'adaptation des paroles par Hoshi, Frédéric Strouck et David Sauvage et celle des dialogues par Olivier Solivérès n'appellent aucune réserve – le texte sonne contemporain, sans platitude, avec ce qu'il faut de mélange entre réalisme et théâtralité. Les coupures ici et là par rapport à l'œuvre originale, y compris d'une chanson, sont sans conséquence sur la compréhension, et contribuent même au format resserré de deux heures sans entracte, plus propice à l'attention du public.
En dépit du drame qui sous-tend le livret de Cher Evan Hansen – le suicide d'un lycéen –, l'humour y occupe une place de choix, grâce notamment à Jarred et Alana, les « camarades » d'Evan, impeccablement interprétés par Kevin Barnachea et Fanny Chelim, tous deux d'une solide et pétillante présence dans leurs interventions. Armonie Coiffard, qui campe une mère d'Evan à la fois absente et concernée par l'isolement de son fils, trouve toute sa plénitude dans son air « Si grand, si petit » en fin de soirée. À la fois dignes, dévastés, dépassés et tiraillés, Sandrine Seubille et Michel Lerousseau donnent toute la mesure de leur talent d'acteur et de vocalistes pour incarner les parents de Connor. Celui-ci bénéficie du charisme tourmenté et très en voix d'Antoine Galey. En Zoé, Lou Nagy offre une palette d'expressions très juste, de la rébellion à la sérénité.
Naturellement, pour une œuvre comme Dear Evan Hansen, le choix du rôle-titre est capital. Olivier Solivérès a indiqué que toute la distribution résultait d'une longue sélection dont le fil conducteur a toujours été l'émotion – et le talent et la jeunesse. Loin du geek au physique chétif qu'on imaginerait peut-être pour incarner un ado mal dans sa peau, Antoine Le Provost s'impose comme une évidence. Il s'était fait très favorablement remarquer dans Gypsy en avril à la Philharmonie de Paris et on se hâte de le retrouver en juin 2026 dans une nouvelle production de Follies à l'Opéra du Rhin. Avec sa démarche mal assurée, son air naïf, mais parfois aussi mutin, sa sensibilité contenue, ses tics, il se glisse irrésistiblement dans la peau d'Evan Hansen pour en faire un personnage magnétique, touchant et attachant, victime de son anxiété sociale mais également déterminé lorsque le chant lui permet de se révéler – surtout qu'il affronte crânement une partition vocale exigeante.
Défi relevé haut la main donc pour cette première française de Cher Evan Hansen, grâce à une distribution de tout premier plan : les huit artistes sur scène, visiblement unis dans cette aventure, transmettent généreusement à un public de tous âges toute l'émotion d'un drame en musique qui transforme la vulnérabilité en nécessaire beauté des relations humaines – Personne n'est seul ; On ne voit que du ciel à l'infini.