Rêves est une création en exil, une histoire de ténacité et de virtuosité. Elle est le témoignage d’une jeunesse renversée par un conflit guerrier, et un formidable exemple de l’exigence et de la grande qualité du cirque ukrainien.
Dans une ambiance de clair-obscur, les interprètes font preuve d’un engagement sous tension. Des mouvements collectifs aux numéros solo, les gestes précis et l’écriture chorégraphique ciselée soulignent la détermination de ces artistes à vivre, résister et rêver, envers et contre tout. Entre solennité et lyrisme, confession et combativité, les artistes du Cirque Inshi, qui ont l’habitude de produire leurs numéros dans le monde entier, livrent ici une performance inédite, puissante et classique, et nous proposent une expérience de cirque rarement présentée en France.
Notre avis (représentation du 19 décembre 2025) : Pourquoi sort-on ému et bouleversé de la représentation de Rêves ? La réponse ne peut être que plurielle. Les deux jeunes femmes et cinq jeunes gens ukrainiens réalisent des numéros à couper le souffle, c’est un fait. Mais le spectacle, qui lie habilement la danse aux arts du cirque, va bien plus loin. Porté par des textes en voix off, le plus souvent en français mais parfois aussi en ukrainien, écrits par le metteur en scène Roman Khafizov (et co-créateur de la compagnie Inshi avec Volodymyr Koshovyi) à partir des témoignages qu’il a eus avec ses interprètes et qui sont tantôt naïfs, tantôt poétiques et profonds, l’intensité livrée par les interprètes, comme s’ils jouaient leur vie, vous saisit. La chorégraphie s’invite principalement lors des passages qui voient l’ensemble des artistes sur scène. Les parties solo, voire en duo, s’habillent d’extraits musicaux, souvent très connus et piochés dans des œuvres du répertoire classique (Ravel, Saint-Saëns, Vivaldi) ou plus contemporain (Philipp Glass, Max Richter).
Et lorsque nous retenons notre souffle face à des prouesses physiques extraordinaires, vient à l’esprit que l’intensité que ces artistes splendides mettent dans leur art est aussi un cri à l’attention des horreurs traversés par leur pays d’origine depuis le début de la guerre. Nous mesurons la chance de pouvoir applaudir ces talents issus de l’École nationale de cirque de Kiev, en exil (et qui doivent, pour des raisons de visa, retourner régulièrement en Ukraine). Une pensée va alors à tous ces talents que le conflit armé réduit au silence. Le hors-champ participe de la brillante réussite de ce spectacle. Les circassiens ont travaillé la chorégraphie du spectacle avec le metteur en scène, pourvu d’une solide connaissance en la matière et un maître du… Moulin Rouge, présent par Galina Lebedeva qui signe les costumes. Mélange des genres mais, si vous pourrez repérer ici et là des grands écarts, nous parlons bien de danse contemporaine ici, et de la meilleure des factures. La dernière image du spectacle, que je vous invite à découvrir, finit en beauté et intensité une représentation où l’envie de vivre s’affirme plus forte que tout.
