Gosse de riche

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Théâtre Trévise - 14 rue de Trévise, 75009 Paris.
Les 12 et 19 avril 2017 à 20h.

Le pein­tre André Sartène ne se con­tente pas de pren­dre au vol pour la fix­er sur la toile la phy­s­ionomie du bour­geois Achille Patarin ; il a pris aus­si à ce nou­veau riche sa maîtresse, la gen­tille Nane, et les deux amoureux espèrent roucouler à l’aise pen­dant un mois en l’absence de Patarin. Or, ce dernier a imag­iné d’offrir à Nane un mari en loca­tion, nom­mé Méza­ize ; ce cou­ple fic­tif ira pass­er un mois de vacances dans la vil­la bre­tonne d’une cer­taine baronne Skatinkolowitz, où Patarin et sa femme doivent se trou­ver en vil­lé­gia­ture. Or, voici que dans l’atelier du pein­tre arrive une petite per­son­ne pétu­lante qui a ébauché une intrigue avec Sartène : c’est une jeune fille ultra-mod­erne ; elle demande sa main au pein­tre aba­sour­di. Nou­velle sur­prise de ce dernier lorsqu’il apprend que cette éva­porée est Colette, la fille même de Patarin. Et Colette décide de faire inviter André en Bre­tagne par la très com­plaisante baronne. Tel est le pre­mier acte limpi­de et joyeux de la pièce.

Tout ce monde, nous le revoyons dans le manoir de la bonne hôtesse, pour qui toutes ces opéra­tions, tous ces ren­dez-vous, sont, vous vous en doutez, pré­textes à pour­cent­ages. Et main­tenant, nous n’avons plus qu’à enreg­istr­er les résul­tats de l’imbroglio : colère de Nane dès qu’elle apprend qu’André est chargé par la baronne d’amadouer Patarin en faveur d’un vidame de la région qui doit épouser Colette ; décon­v­enue de Colette quand lui est révélé le nom de la maîtresse du pein­tre qu’elle aime sincère­ment ; et fureur de Patarin quand il se sait trompé. Mais, au troisième acte, Colette et André se réc­on­cilient ; il ne s’agit plus pour Patarin que d’obtenir le par­don de sa femme, de dis­simuler à sa fille le rôle fâcheux qu’il a joué, et d’accorder la main de cette dernière à André.

Notre avis : Se rep­longer dans le passé de la comédie musi­cale française, avec des œuvres de l’entre-deux-guerres comme ce Gosse de riche, se con­firme être un pur délice. Encore faut-il que, à l’instar du tra­vail de titan mené par les Friv­o­lités Parisi­ennes et l’Apéro Grands Boule­vards, les­dites œuvres soient tra­vail­lées avec soin et présen­tées avec une réelle exi­gence. Le pub­lic peut alors se diver­tir avec cette his­toire ron­de­ment menée où la grivois­erie se dis­pute la pre­mière place avec des rebondisse­ments très moraux (enfin, avec une con­cep­tion très par­ti­c­ulière de la morale, telle que peut la présen­ter la Baronne, par­ti­c­ulière­ment dessalée). Il peut égale­ment se régaler en appré­ciant le ton, le texte (légère­ment remanié pour inscrire la trame dans les années 50 pour cette comédie musi­cale de 1924), une plume par­ti­c­ulière, pétil­lante, spir­ituelle et savour­er une par­ti­tion fort intéres­sante, pétrie de références, qui reflète toute une époque. Et dif­fi­cile de ne pas savour­er cette par­ti­tion grâce au tra­vail de la ving­taine de musi­ciens présents. Les pro­tag­o­nistes s’amusent vraisem­blable­ment de ce grand huit où les femmes tien­nent la dragée haute aux hommes, caboti­nant comme il le faut afin de mieux séduire le pub­lic. Comédie musi­cale fémin­iste présen­tant un héros artiste mou du genou, où l’argent est un moteur, où les sen­ti­ments s’égarent par­fois dans les décol­letés et où une « gosse de riche » prend les choses en main en choi­sis­sant qui aimer et imposant ce choix à ses par­ents à l’issue d’une course pour­suite sen­ti­men­ta­lo-éro­tique rocam­bo­lesque. La mise en scène, à la scéno­gra­phie dépouil­lée mais effi­cace, joue de tous les codes du genre avec de dis­crets clin d’œil notam­ment à Fun­ny Face (l’affiche s’en fait l’écho) et, notam­ment, la séquence dans le lab­o­ra­toire pho­to du héros.

Une œuvre diver­tis­sante, pétil­lante et de nature à inspir­er les plumes con­tem­po­raines dans ce qu’elle pro­pose de répliques inspirées, mali­cieuses et de musiques qui per­me­t­tent de mieux saisir l’évolution du paysage musi­cal dans cet art si par­ti­c­uli­er. Autant dire que nous atten­dons la prochaine pro­duc­tion avec hâte et ne sauri­ons que trop vous con­seiller d’aller vous amuser à ce Gosse de riche en cas de reprise (vive­ment souhaitée).