Londres — The Grinning Man (Critique)

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Livret : Carl Grose (d’après la nou­velle L’Homme qui rit de Vic­tor Hugo)
Par­ti­tion & Lyrics : Carl Grose, Tom Mor­ris, Tim Phillips, Marc Teitler

Résumé : The Grin­ning Man est la mise en musique de la nou­velle L’Homme qui rit de Vic­tor Hugo. Dans l’Angleterre de la fin du XVI­Ie siè­cle, un jeune homme a juré de se venger de l’homme qui lui a pour­fendu le vis­age d’une oreille à l’autre alors qu’il était enfant. Exhibé dans un freak­show pour nour­rir son père et sa sœur adop­tifs, il fascine un mem­bre de la famille royale qui va pro­gres­sive­ment lui per­me­t­tre de remon­ter jusqu’à son bourreau.

Notre avis : « Un musi­cal macabre » est le sous-titre de ce spec­ta­cle orig­i­nal présen­té à Bris­tol l’an dernier et pro­mu dans le West End. Dans le son et la forme, la promesse est tenue : on se croirait dans un film de Jeunet et Caro tant l’ambiance est som­bre, car­toonesque et fan­tas­tique. On oscille con­stam­ment entre hor­reur et farce grotesque. La meilleure illus­tra­tion en est ce clown malé­fique, un nar­ra­teur qui prend part à l’action, une sorte de Jok­er pathé­tique qui fait sourire mais dont on sent qu’il faut se méfi­er. Il est un clown triste déca­dent qui se balade avec un bas sur la tête avec deux balles pen­dues à ses extrémités, car­i­ca­ture des excès ves­ti­men­taires de l’aristocratie et pré­texte à de franch­es rigo­lades quand il les fait tourn­er autour de lui ou qu’il reste accroché alors qu’il tente de quit­ter la scène discrètement.

L’homme qui rit porte un masque lais­sant appa­raître la chair béante de ses joues, le plus sou­vent sous un ban­deau suin­tant de sang. C’est assez ter­ri­fi­ant et aus­si une belle per­for­mance tech­nique puisque Louis Maskell, un nom qui le prédes­ti­nait à inter­préter ce rôle, n’a l’air pas d’être gêné pour le jeu et le chant. Il est tout sim­ple­ment brillant.

Les mar­i­on­nettes sont un des points forts du spec­ta­cle. L’homme qui rit et sa sœur, enfants, et le loup pro­tecteur qui les suit partout, sont de ces mar­i­on­nettes sans fil action­nées directe­ment par les acteurs et mar­i­on­net­tistes à peine voilés sur scène. La magie du théâtre fonc­tionne à mer­veille et elles pren­nent vie en dépit de leurs yeux vit­reux qui bril­lent sous les pro­jecteurs. Comme le cla­ment les affich­es, on n’a pas vu mieux depuis War Horse (et, pour être exhaus­tif, le Pinoc­chio actuelle­ment au Nation­al The­atre). Selon l’applaudimètre, le loup et les deux artistes qui l’actionnent rem­por­tent une palme.

La par­ti­tion est un peu som­bre et plate à la pre­mière écoute, surtout au pre­mier acte, mais elle est ponc­tuée de quelques chan­sons admirables et mémorables. Gageons que ce sen­ti­ment se dis­sipera à la sor­tie de l’enregistrement du Lon­don Orig­i­nal Cast dont on espère bien qu’il se fera. En atten­dant, on peut écouter la mag­nifique com­plainte de l’homme qui rit sur Youtube (voir le lien plus bas).

Il faut donc aller voir ce musi­cal très com­plet, alter­nant sen­ti­ments et humour, visuelle­ment fasci­nant et dont les mélodies vous hanteront quelque temps après la tombée du rideau.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=MiDBheSXrUM[/youtube]

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