Une femme se déplace

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Théâtre des Abbesses – 31, rue des Abbesses, 75018 Paris.
Du 11 au 21 décembre 2019.
Réservations et renseignements sur le site du théâtre des Abbesses.

Inspiré par l’univers de la comédie musi­cale, David Lescot brosse le por­trait, drôle, touchant et fan­tai­siste, d’une femme qui se libère.
Voy­ager dans sa vie, retourn­er dans le passé, explor­er le futur comme si l’on par­courait sa pro­pre biogra­phie… Impos­si­ble ? Pas sûr, si l’on en juge par ce qui arrive à Geor­gia, l’héroïne de ce spec­ta­cle. Cette uni­ver­si­taire âgée de trente-cinq ans, à qui jusque-là tout réus­sis­sait, décou­vre, après une effroy­able série de cat­a­stro­phes, une capac­ité éton­nante : elle peut se « déplac­er » dans le temps. Tout com­mence lors d’un déje­uner dans un restau­rant à con­cept où on pro­pose une cui­sine dépourvue de saveur. Per­tur­bée par les désas­tres qui lui sont tombés dessus à la suite d’un geste malen­con­treux, Geor­gia prend con­science de son nou­veau pou­voir. Avec ce saut sur­prenant dans le fan­tas­tique, David Lescot brosse avec le con­cours, entre autres, des comé­di­ennes et chanteuses Élise Caron et Lud­mil­la Dabo, le por­trait joyeux, comique et sen­si­ble – à la fois joué, chan­té et dan­sé – d’une femme qui se libère.

Notre avis : Si vous fréquentez un restau­rant branché et ascé­tique qui ne sert que des plats sans saveur — parce que c’est le principe de la « plat­i­tude » qu’il revendique (« parce que le plat est aus­si une atti­tude »…) —, arrosé par des eaux plus cristallines que trans­par­entes, et que, par mégarde, vous ten­tez de recharg­er votre portable au mini-bru­ma­tiseur qui se trou­ve sur votre table, prenez garde : il pour­rait vous en cuire. C’est l’expérience que fait Geor­gia qui, par cette action malen­con­treuse, va se retrou­ver propul­sée dans le passé. Aidée par une cliente qui a fait ce même geste fatal, elle va revis­iter des pans de sa vie, ten­ter de répon­dre à divers­es ques­tions… elle qui clairon­nait, avant d’entreprendre tous ces va-et-vient, que tout allait pour le mieux dans sa vie.
Fouiller le passé pour mieux éclair­er le présent est loin d’être un thème nova­teur, y com­pris dans la comédie musi­cale (31 était bâti sur ce principe), mais pour sa pre­mière œuvre musi­cale, David Lescot pousse le curseur juste ce qu’il faut pour emporter le pub­lic. Doté d’un humour piquant, qui ne répond à aucun cliché d’usage, son texte brille sans peine, porté par une troupe sen­sa­tion­nelle. Épatant spec­ta­cle que ce rêve cauchemardesque, soutenu par une par­ti­tion sub­tile jouée par qua­tre musi­ciens dis­crets, qui nous fait entr­er dans le tour­bil­lon de la vie de Geor­gia et en ressen­tir les con­tours, d’un pre­mier amour par­ti en vrille à une sit­u­a­tion instal­lée avec un com­pagnon éper­du d’amour et inca­pable de finir ses phras­es, mais qu’elle n’aime pas, en pas­sant par les con­nivences avec une meilleure amie dont les sen­ti­ments finirent sub­mergés par une vague de mélan­col­ie funeste… Et quelques incur­sions dans le futur, jusqu’à un dénoue­ment étrange et fan­tas­tique. Se laiss­er pren­dre par la main, voilà ce que pro­pose David Lescot qui a écrit, mis en scène et com­posé la musique de ce voy­age tout en ritour­nelles planantes jusqu’à un rap vengeur. Si des références sont éparpil­lées çà et là, cette comédie musi­cale est sans nul doute ce qui se fait de mieux dans le genre en France. Humour, débit des mots, jeu soigné avec des mélodies qui met­tent les voix en valeur, choré­gra­phie ad hoc… Le créa­teur s’est entouré d’une troupe au poil, avec en tête la charis­ma­tique Lud­mil­la Dabo, présente sur scène de bout en bout. Et quel bon­heur de voir et d’entendre Elise Caron dans un rôle qui sem­ble tail­lé pour elle. Les applaud­isse­ments nour­ris du pub­lic, que nous parta­geons volon­tiers, s’adressent à l’ensemble des comé­di­ens et musi­ciens, tous unis pour faire de ce spec­ta­cle une réussite.

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