Starmania

1
12200

La Seine musicale – Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt.
Du 4 novembre 2022 au 29 janvier 2023.
Renseignements et réservations sur le site de la Seine musicale.
Voir aussi la page Facebook du spectacle.

Star­ma­nia, le célèbre opéra rock créé par Michel Berg­er et Luc Pla­m­on­don il y a plus de quar­ante ans, revient à Paris à l’automne 2022.

En qua­tre décen­nies, cette œuvre futur­iste, prophé­tique et indé­mod­able a réu­ni plus de six mil­lions de spec­ta­teurs et fait chanter toutes les généra­tions avec ses chan­sons dev­enues des incon­tourn­ables de la chan­son française (« Les Uns con­tre les Autres », « SOS d’un ter­rien en détresse », « Quand on arrive en ville », « Le Blues du busi­ness­man », « Le monde est stone », « Besoin d’amour »…).

Thomas Jol­ly, prodi­ge de la scène con­tem­po­raine, signe la nou­velle mise en scène de ce spec­ta­cle phénomène. Il est rejoint dans cette aven­ture par le choré­graphe de renom­mée inter­na­tionale Sidi Lar­bi Cherkaoui.

Notre avis : Quelle mag­nifique idée de ressus­citer Star­ma­nia sur scène avec les moyens colos­saux mis à dis­po­si­tion par la Seine musi­cale et employés par un Thomas Jol­ly vis­i­ble­ment inspiré qui livre un hom­mage appuyé et sincère à une légende du pat­ri­moine musi­cal – les murs du théâtre sont d’ailleurs tapis­sés de pho­tos de l’époque de la création !

La dernière fois qu’on a vu l’œuvre sur une scène française, c’était dans la ver­sion qu’en pro­po­sait Lewis Furey dans les années 1990. Quar­ante-qua­tre ans après sa créa­tion, le mythique opéra rock n’a rien per­du de sa puis­sance musi­cale ni de son impact sur le pub­lic. Ce mythe, on le con­naît pour­tant en général seule­ment par­tielle­ment par les tubes qu’il con­tient, moins par sa glob­al­ité ou son livret. Il est vrai qu’on n’est pas dans une comédie musi­cale, mais dans un opéra rock : les pistes de l’album con­cept sor­ti en 1978 s’enchaînent certes pour tiss­er une his­toire, mais l’immédiateté de chaque numéro prime sur la nar­ra­tion. De fait, sur scène, les tableaux chan­tés se suc­cè­dent comme dans un concert.

©Antho­ny Dorfmann

Dans un décor styl­isé de grat­te-ciel tournoy­ants qui n’est pas sans rap­pel­er la Métrop­o­lis de Fritz Lang, d’impressionnants effets de lumières, tout en fais­ceaux, bal­ayages, géométrie et fumée, habil­lent et cisè­lent cha­cun des tableaux, tan­tôt d’un réal­isme glaçant, tan­tôt d’un pre­mier degré assumé, tan­tôt d’une poésie féerique, tan­tôt d’une noirceur démoral­isante : c’est par le jeu d’ombres menaçantes que sur­git la vio­lence des Étoiles noires, tan­dis qu’une faran­dole de pro­jecteurs fait vire­volter le refrain « J’aurais voulu être un artiste » et qu’une mul­ti­tude d’étoiles scin­til­lantes illus­trent « Le Rêve de Stel­la Spot­light »… La vidéo en direct, sou­vent fas­ti­dieuse dans d’autres spec­ta­cles, trou­ve ici un emploi admirable­ment réus­si dans le kid­nap­ping de Cristal. En sec­onde par­tie, l’élégance de la demeure de Stel­la Spot­light qui louche du côté de Boule­vard du cré­pus­cule et l’étincelante piste de danse du Nazi­land com­plè­tent une scéno­gra­phie extrême­ment aboutie. Avec leur touche rétro et mod­erne à la fois, les cos­tumes, dans l’ensemble splen­dides, ren­dent gra­cieuse­ment hom­mage à ceux de la créa­tion en 1979. Enfin, les choré­gra­phies de Sidi Lar­bi Cherkaoui et Kevin Vivès ajoutent leur énergie, leur bru­tal­ité, leur vérac­ité et leur sen­su­al­ité à une ambiance visuelle très vivante.

On en prend donc plein les yeux ! Peut-être par­fois un peu trop : nom­breux sont les flashs et les fais­ceaux presque aveuglants dirigés vers le pub­lic. De même les oreilles finis­sent par sat­ur­er en rai­son d’un vol­ume sonore élevé, d’arrangements par­fois pesants et aus­si d’un instru­men­tar­i­um au ren­du incisif, voire agres­sif – certes, la tonal­ité du livret est bouil­lon­nante voire vio­lente, mais pourquoi ne pas avoir intro­duit quelques bois ou quelques cuiv­res pour vari­er les ambiances et apporter un peu de douceur dans les moments plus posés ?

©Antho­ny Dorfmann

Par­mi les ques­tions que posent la résur­rec­tion d’une œuvre qui date de la fin des années 1970, se trou­ve celle de la mod­erni­sa­tion ou non des paroles et du livret. Si on se sat­is­fait plus ou moins de tour­nures un peu démod­ées et s’il est assez facile de rem­plac­er quelques références désuètes d’une époque passée par d’autres plus con­tem­po­raines – c’est ce choix qui a été fait pour lis­ter les noms des célébrités invitées de l’émission « Star­ma­nia » –, il s’avère plus périlleux de jouer avec les dates ! Certes, l’année 2000 citée dans la chan­son « Monop­o­lis » comme échéance de l’avène­ment d’une dystopie red­outée au moment de la créa­tion du spec­ta­cle, appar­tient déjà à un loin­tain passé pour les spec­ta­teurs de 2022, mais en choi­sis­sant de dire à l’imparfait « Dans les villes de l’an 2000, la vie était bien plus facile », on perd com­plète­ment la logique amenée par la phrase suiv­ante : « On aura tous un numéro dans le dos »… Curieux égale­ment, le choix de faire chanter les artistes micro à la main (sans fil, quand même !) : volon­té artis­tique de ren­voy­er le pub­lic au siè­cle passé ou con­trainte tech­nique ? Alors que juste­ment, comme le souligne le regret­té Jéléry dans Opéra rock : men­songes et vérités, le micro tenu en main main­tient l’artiste en sit­u­a­tion de con­cert et l’oriente face au pub­lic, et lim­ite ain­si le développe­ment d’un véri­ta­ble théâtre.

Prin­ci­pale­ment com­posée d’artistes repéré.es dans des télé-cro­chets à suc­cès – donc aucun « grand » nom, comme c’était la volon­té des créa­teurs ; là encore : hom­mage –, la dis­tri­b­u­tion affiche des tim­bres solides, qui ne cherchent pas à imiter ceux qui les ont précédés. Par­mi les voix prin­ci­pales, toutes en adéqua­tion avec leurs per­son­nages, se détachent celles de Stel­la Spot­light, puis­sante jusque dans ses fêlures, et de Zéro Jan­vi­er, charis­ma­tique en dia­ble. Peut-être sommes-nous trop habitués à des voix plus char­nues pour être totale­ment con­va­in­cus que l’on fasse de Marie-Jeanne un per­son­nage à la voix qua­si enfan­tine et au tem­péra­ment presque naïf à l’instar d’un Petit Prince extraterrestre…

©Regard en Coulisse

⭐Star­ma­nia⭐ reste une aven­ture tou­jours aus­si pop­u­laire, comme le prou­ve l’adhésion du pub­lic à des chan­sons qui n’ont pas pris une ride et qui sus­ci­tent tou­jours autant d’émotions. Servies par la vision de Thomas Jol­ly, à la fois mod­erne dans sa tech­nique et respectueuse dans l’esprit – aux saluts, des por­traits de Michel Berg­er et de Luc Pla­m­on­don sont déployés sous de reten­tis­sants bravos –, elles gag­nent même en inten­sité. Et il n’a peut-être pas dit son dernier mot : en ces pre­mières représen­ta­tions, il est assis dans la salle, aus­si atten­tif au moin­dre réglage qu’à vivre inten­sé­ment le spec­ta­cle, et il pour­suit sa réflex­ion. À l’entracte, il nous con­fie vouloir évoluer vers un dis­posi­tif qui per­me­tte au pub­lic d’être plus en inter­ac­tion avec la scène, de bouger, de vivre l’action au plus près. Peut-être que les prochains spec­ta­teurs auront la chance de se lever de leur chaise et de pleine­ment exprimer leur « Besoin d’amour »…

1 COMMENTAIRE

  1. Bon­jour.
    Par­ler des artistes, c’est normal.…mais pourquoi ne jamais met­tre en lumière tous ceux qui se défon­cent en bak­stage pour faire briller les stars et le spec­ta­cle lui-mème???
    je suis par­fois invité en couliss­es de grands spec­ta­cles et je suis impres­sion­né par le tra­vail colos­sal de ces gens de l’om­bre tous habil­lés en noir afin qu’on ne les voit pas.
    une vraie four­mil­lière extrème­ment bien huilée appliquée,à l’e­coute atten­tive des besoins des artistes, des gens excep­topn­nels et extreme­ment motivés !!!
    des inter­mit­tents qui se defon­cent 14 à 15 heures par jour pour don­ner le max­i­mum de bon­heur au pub­lic !! J’en vois pleur­er d’é­mo­tion devant la joie du public !!
    Le mon­tage plateau, scène, por­tiques son et lumière, inge­nieurs son et lumière,
    maquilleuses, habilleuses tou­jours à fond pour les change­ments rapi­des de cos­tumes des artistes, repris­es de vete­ments endom­magés sur scène par danseuses et danseurs.… Bref, aucune recon­nais­sance publique pour de ver­i­ta­bles metiers de pas­sion, de générosité, de patience, d’e­coute, pra­tiqués par des pas­sion­nés ne comp­tant pas leurs heures et devant, après le spec­ta­cle; assur­er encore deux ou trois heures de démon­tage, range­ment, charge­ment en camions, nettoyage…
    RENDEZ HOMMAGE A TOUS CES INVISIBLES SANS LESQUELS LE SPECTACLE N’EXISTE PAS !!!…
    Ce ne serait que justice !!!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici