Starmania, le célèbre opéra rock créé par Michel Berger et Luc Plamondon il y a plus de quarante ans, revient à Paris à l’automne 2022.
En quatre décennies, cette œuvre futuriste, prophétique et indémodable a réuni plus de six millions de spectateurs et fait chanter toutes les générations avec ses chansons devenues des incontournables de la chanson française (« Les Uns contre les Autres », « SOS d’un terrien en détresse », « Quand on arrive en ville », « Le Blues du businessman », « Le monde est stone », « Besoin d’amour »…).
Thomas Jolly, prodige de la scène contemporaine, signe la nouvelle mise en scène de ce spectacle phénomène. Il est rejoint dans cette aventure par le chorégraphe de renommée internationale Sidi Larbi Cherkaoui.
Notre avis : Quelle magnifique idée de ressusciter Starmania sur scène avec les moyens colossaux mis à disposition par la Seine musicale et employés par un Thomas Jolly visiblement inspiré qui livre un hommage appuyé et sincère à une légende du patrimoine musical – les murs du théâtre sont d’ailleurs tapissés de photos de l’époque de la création !
La dernière fois qu’on a vu l’œuvre sur une scène française, c’était dans la version qu’en proposait Lewis Furey dans les années 1990. Quarante-quatre ans après sa création, le mythique opéra rock n’a rien perdu de sa puissance musicale ni de son impact sur le public. Ce mythe, on le connaît pourtant en général seulement partiellement par les tubes qu’il contient, moins par sa globalité ou son livret. Il est vrai qu’on n’est pas dans une comédie musicale, mais dans un opéra rock : les pistes de l’album concept sorti en 1978 s’enchaînent certes pour tisser une histoire, mais l’immédiateté de chaque numéro prime sur la narration. De fait, sur scène, les tableaux chantés se succèdent comme dans un concert.
Dans un décor stylisé de gratte-ciel tournoyants qui n’est pas sans rappeler la Métropolis de Fritz Lang, d’impressionnants effets de lumières, tout en faisceaux, balayages, géométrie et fumée, habillent et cisèlent chacun des tableaux, tantôt d’un réalisme glaçant, tantôt d’un premier degré assumé, tantôt d’une poésie féerique, tantôt d’une noirceur démoralisante : c’est par le jeu d’ombres menaçantes que surgit la violence des Étoiles noires, tandis qu’une farandole de projecteurs fait virevolter le refrain « J’aurais voulu être un artiste » et qu’une multitude d’étoiles scintillantes illustrent « Le Rêve de Stella Spotlight »… La vidéo en direct, souvent fastidieuse dans d’autres spectacles, trouve ici un emploi admirablement réussi dans le kidnapping de Cristal. En seconde partie, l’élégance de la demeure de Stella Spotlight qui louche du côté de Boulevard du crépuscule et l’étincelante piste de danse du Naziland complètent une scénographie extrêmement aboutie. Avec leur touche rétro et moderne à la fois, les costumes, dans l’ensemble splendides, rendent gracieusement hommage à ceux de la création en 1979. Enfin, les chorégraphies de Sidi Larbi Cherkaoui et Kevin Vivès ajoutent leur énergie, leur brutalité, leur véracité et leur sensualité à une ambiance visuelle très vivante.
On en prend donc plein les yeux ! Peut-être parfois un peu trop : nombreux sont les flashs et les faisceaux presque aveuglants dirigés vers le public. De même les oreilles finissent par saturer en raison d’un volume sonore élevé, d’arrangements parfois pesants et aussi d’un instrumentarium au rendu incisif, voire agressif – certes, la tonalité du livret est bouillonnante voire violente, mais pourquoi ne pas avoir introduit quelques bois ou quelques cuivres pour varier les ambiances et apporter un peu de douceur dans les moments plus posés ?
Parmi les questions que posent la résurrection d’une œuvre qui date de la fin des années 1970, se trouve celle de la modernisation ou non des paroles et du livret. Si on se satisfait plus ou moins de tournures un peu démodées et s’il est assez facile de remplacer quelques références désuètes d’une époque passée par d’autres plus contemporaines – c’est ce choix qui a été fait pour lister les noms des célébrités invitées de l’émission « Starmania » –, il s’avère plus périlleux de jouer avec les dates ! Certes, l’année 2000 citée dans la chanson « Monopolis » comme échéance de l’avènement d’une dystopie redoutée au moment de la création du spectacle, appartient déjà à un lointain passé pour les spectateurs de 2022, mais en choisissant de dire à l’imparfait « Dans les villes de l’an 2000, la vie était bien plus facile », on perd complètement la logique amenée par la phrase suivante : « On aura tous un numéro dans le dos »… Curieux également, le choix de faire chanter les artistes micro à la main (sans fil, quand même !) : volonté artistique de renvoyer le public au siècle passé ou contrainte technique ? Alors que justement, comme le souligne le regretté Jéléry dans Opéra rock : mensonges et vérités, le micro tenu en main maintient l’artiste en situation de concert et l’oriente face au public, et limite ainsi le développement d’un véritable théâtre.
Principalement composée d’artistes repéré.es dans des télé-crochets à succès – donc aucun « grand » nom, comme c’était la volonté des créateurs ; là encore : hommage –, la distribution affiche des timbres solides, qui ne cherchent pas à imiter ceux qui les ont précédés. Parmi les voix principales, toutes en adéquation avec leurs personnages, se détachent celles de Stella Spotlight, puissante jusque dans ses fêlures, et de Zéro Janvier, charismatique en diable. Peut-être sommes-nous trop habitués à des voix plus charnues pour être totalement convaincus que l’on fasse de Marie-Jeanne un personnage à la voix quasi enfantine et au tempérament presque naïf à l’instar d’un Petit Prince extraterrestre…
⭐Starmania⭐ reste une aventure toujours aussi populaire, comme le prouve l’adhésion du public à des chansons qui n’ont pas pris une ride et qui suscitent toujours autant d’émotions. Servies par la vision de Thomas Jolly, à la fois moderne dans sa technique et respectueuse dans l’esprit – aux saluts, des portraits de Michel Berger et de Luc Plamondon sont déployés sous de retentissants bravos –, elles gagnent même en intensité. Et il n’a peut-être pas dit son dernier mot : en ces premières représentations, il est assis dans la salle, aussi attentif au moindre réglage qu’à vivre intensément le spectacle, et il poursuit sa réflexion. À l’entracte, il nous confie vouloir évoluer vers un dispositif qui permette au public d’être plus en interaction avec la scène, de bouger, de vivre l’action au plus près. Peut-être que les prochains spectateurs auront la chance de se lever de leur chaise et de pleinement exprimer leur « Besoin d’amour »…
Bonjour.
Parler des artistes, c’est normal.…mais pourquoi ne jamais mettre en lumière tous ceux qui se défoncent en bakstage pour faire briller les stars et le spectacle lui-mème???
je suis parfois invité en coulisses de grands spectacles et je suis impressionné par le travail colossal de ces gens de l’ombre tous habillés en noir afin qu’on ne les voit pas.
une vraie fourmillière extrèmement bien huilée appliquée,à l’ecoute attentive des besoins des artistes, des gens exceptopnnels et extremement motivés !!!
des intermittents qui se defoncent 14 à 15 heures par jour pour donner le maximum de bonheur au public !! J’en vois pleurer d’émotion devant la joie du public !!
Le montage plateau, scène, portiques son et lumière, ingenieurs son et lumière,
maquilleuses, habilleuses toujours à fond pour les changements rapides de costumes des artistes, reprises de vetements endommagés sur scène par danseuses et danseurs.… Bref, aucune reconnaissance publique pour de veritables metiers de passion, de générosité, de patience, d’ecoute, pratiqués par des passionnés ne comptant pas leurs heures et devant, après le spectacle; assurer encore deux ou trois heures de démontage, rangement, chargement en camions, nettoyage…
RENDEZ HOMMAGE A TOUS CES INVISIBLES SANS LESQUELS LE SPECTACLE N’EXISTE PAS !!!…
Ce ne serait que justice !!!