Une comédie (musicale) romantique.
En pleine campagne du Brexit, le cœur d’une jeune scénariste de jeux vidéo balance entre un Français et un Anglais, tandis que son destin emprunte un chemin similaire à celui de son héroïne, Aliénor d’Aquitaine.
Dans un théâtre aux allures d’Eurostar, une étonnante confrontation des mondes (réels et virtuels), mais aussi des époques, au fil de pérégrinations musicales révélatrices de choix impossibles, à l’issue inattendue…
Notre avis : La gare du Nord pour prendre l’Eurostar ? N’y pensez plus ! Rendez-vous plutôt au Théâtre de la Huchette afin d’embarquer pour cette excellente nouvelle comédie musicale, qui réjouira autant vos yeux que vos oreilles. Si l’action ne se déroule pas uniquement dans ce train, la scénographie en rappelle malicieusement l’architecture intérieure. Nous suivons le parcours tant sentimental que professionnel de Sybille, jeune « future vieille » femme qui fête ses 29 ans et dont le trait de caractère principal est l’indécision. Sa détermination reste toutefois puissante puisqu’elle parvient à convaincre Mark, hautain et flegmatique graphiste londonien, de collaborer au nouveau jeu vidéo dont elle signe le scénario, le tout sous la houlette de son compagnon Antoine, « adulescent » qui se complaît dans la production de jeux plus idiots les uns que les autres, mais qui permettent d’engranger de substantiels bénéfices…
Lorsque Sybille porte son choix sur Aliénor d’Aquitaine, personnage historique lui aussi tiraillé entre la France et l’Angleterre, la métaphore s’installe dans le récit, reflétant les doutes de Sybille. Rester avec Antoine qui insiste pour qu’Aliénor devienne un nouveau jeu stupide ? S’émanciper en cédant aux conseils de Mark, qui lui conseille plus d’ambition ? S’apercevoir que Mark ne la regarde déjà plus comme une simple collaboratrice ? Les trajets en Eurostar permettent, sinon de faire le point, de renforcer les doutes de notre héroïne. Avec, par là-dessus, le référendum autour du Brexit. Des choix, toujours des choix. Le tandem Stéphane Laporte/Gaétan Borg (dont nous avions déjà apprécié la collaboration pour 31) livre un texte plein de vivacité et d’humour qui fait mouche et embarque facilement le spectateur, séduit également par les compositions musicales variées de Didier Bailly, un membre de la troupe du Théâtre de la Huchette. En effet, non content d’interpréter régulièrement M. Martin dans La Cantatrice chauve, il a mis en musique les pépites musicales que sont La Poupée sanglante et Huckleberry Finn. La mise en scène, fluide et inspirée, de Patrick Alluin, finit de nous convaincre. Sa direction d’acteur sait tirer le meilleur des trois formidables interprètes. Simon Heulle, qui depuis sa victoire dans l’émission « La France a un incroyable talent » a su se faire une place dans le monde du théâtre musical, campe un Antoine charmeur, enfantin, mais tranchant lorsqu’il s’aperçoit que Sybille lui échappe. Quant à Mark, Harold Savary l’impose facilement avec sa stature et sait parfaitement faire deviner les failles sous sa froideur apparente. Enfin, Marina Pangos donne à Sybille toute l’épaisseur nécessaire pour que l’on suive son parcours de jeune femme qui va prendre son destin en main. Les querelles ancestrales franco-britanniques sont de mise, bien entendu. Un savoureux duel entre Antoine et Mark permet de l’illustrer, nous nous en délectons. Les musiques, diffusées par une bande-son, mettent en avant les timbres des interprètes : ça chante juste et bien. Une fois encore, ce théâtre si petit par la taille, se révèle un lieu de création de comédie musicale hors pair. Prenez donc votre billet pour ce voyage d’exception.